Le roi et la reine d'Espagne, ainsi que le Premier ministre Pedro Sánchez, ont été contraints dimanche par une foule en colère et menaçante d'écourter leur visite dans la région sud-est du pays dévastée par les inondations qui ont fait au moins 217 morts.
Par ailleurs, les habitants de cette région de Valence, encore traumatisés par la tragédie survenue mardi soir, ont été appelés en fin de journée par les autorités à rentrer chez eux en raison d'un danger de nouvelles précipitations intenses dans la soirée.
L'appel, lancé par la police par mégaphone, faisait suite à l'émission par l'Agence nationale de Météorologie (Aemet) d'une alerte dite "rouge" (danger extrême) concernant le littoral sud de Valence et le risque de fortes précipitations (90 litres/m2, soit 9 cm) entre 18H00 et 23H00.
Le visite du roi Felipe VI et de la reine Letizia, accompagnés du socialiste Pedro Sánchez et du président de droite de la région de Valence, Carlos Mazón, à Paiporta, ville de la banlieue de Valence parmi les plus endeuillées par les inondations, a failli tourner à l'émeute.
"Assassins! Assassins!", a hurlé la foule à l'arrivée du cortège royal, surtout à l'encontre de MM. Sánchez et Mazón. Certaines personnes ont jeté de la boue et divers objets sur le cortège, alors que fusaient les insultes à leur encontre, selon les journalistes de l'AFP présents sur place.
Au milieu d'une tension extrême, qui a nécessité l'intervention de la police montée pour faire reculer les protestataires les plus violents, le roi Felipe VI et la reine Letizia ont même reçu de la boue sur le visage et sur leurs vêtements, un épisode sans doute sans précédent dans l'histoire de la monarchie espagnole.
Visiblement très émus, mais impassibles tout au long de cette séquence ahurissante, ils sont malgré tout restés environ une heure pour parler aux résidents et essayer de calmer leur colère avant de repartir. Leur visite dans une autre localité a ensuite été annulée.
- "Comprendre la colère" -
Dans la soirée, le souverain a affirmé, dans une vidéo postée sur X, qu'il fallait "comprendre la colère et la frustration de beaucoup de gens en raison de ce qu'ils ont subi".
Il a aussi appelé à "leur donner de l'espoir et à garantir que l'Etat dans toute sa plénitude est présent" pour les aider.
MM. Sánchez et Mázon, qui ont été couverts des pires insultes, avaient été rapidement exfiltrés par les services de sécurité et emmenés en lieu sûr.
La télévision nationale (TVE) a montré des images d'un véhicule maculé de boue, qu'elle a présenté comme la voiture officielle de M. Sánchez, dont la vitre arrière était brisée.
Dans une courte déclaration quelques heures plus tard, M. Sánchez a dit comprendre "l'angoisse et la souffrance" des sinistrés, mais a condamné "tout type de violence", qualifiant ces incidents d'"absolument marginaux".
M. Mazón et, dans une moindre mesure, M. Sánchez sont très critiqués depuis les inondations.
Le gouvernement régional de Valence est accusé d'avoir envoyé très tardivement mardi un message d'alerte téléphonique aux habitants, alors que les services météorologiques avaient placé la région en "alerte rouge" dès le matin.
Quant à M. Sánchez, les sinistrés, qui se sentent abandonnés par l'Etat, lui reprochent la lenteur de l'acheminement de l'aide.
- "Cela rend fou" -
Selon un dernier bilan, au moins 217 personnes ont péri dans ces inondations, à savoir 213 dans la seule région de Valence, trois en Castille-la-Manche, où le corps sans vie d'une septuagénaire portée disparue mardi a été découvert dimanche matin, et une en Andalousie.
Parmi les victimes de ces inondations figurent également deux ressortissants chinois, selon l'ambassade de Chine à Madrid. Deux autres sont portés disparus.
Les autorités savent que le bilan est appelé à s'alourdir. "Il reste encore des rez-de-chaussée inondés ou des garages, des sous-sols et des parkings à déblayer et il est prévisible que des personnes décédées se trouvent dans ces espaces", a prévenu le ministre des Transports, Oscar Puente.
Les scènes de quasi-émeutes qui ont eu lieu à Paiporta s'expliquent par le fait que sur le terrain, la population reste confrontée à une situation dramatique, avec des infrastructures détruites ou hors service et des monceaux de voitures et de débris sur la chaussée.
"On dirait la fin du monde", a confié à l'AFP Helena Danna Daniella, propriétaire d'un bar-restaurant à Chiva, encore sous le choc cinq jours après les intempéries. Les personnes prises au piège "demandaient de l'aide et on ne pouvait rien faire (...) Cela rend fou. On cherche des réponses et on ne les trouve pas".
Alors que la pluie commençait à tomber en fin de journée sur Valence et que le ciel était de plus en plus chargé, plus au nord, les autorités de la Catalogne ont décidé par précaution de restreindre la circulation et de fermer les écoles dans plusieurs localités du sud de cette région. [AFP]