Les eurodéputés ont maintenu mardi un cordon sanitaire autour d'une partie de l'extrême droite, douchant les espoirs des "Patriotes pour l'Europe" d'obtenir des postes de vice-présidents.
Nouvelle formation avec à sa tête Jordan Bardella, les Patriotes pour l'Europe constituent la troisième force au Parlement européen, avec 84 eurodéputés. Pour beaucoup réticents sur le soutien à l'Ukraine, ils sont issus notamment du Rassemblement national (France), du Fidesz de Viktor Orban et de Vox (Espagne).
Selon la clé de répartition habituelle, deux des 14 vice-présidences du Parlement -- chargés d'animer des sessions en orchestrant votes et prises de parole-- leur revenaient.
Le groupe d'extrême droite souhaitait voir élus à ces postes le Français Fabrice Leggeri, ex patron de Frontex - l'agence de l'UE chargée des frontières - et la Tchèque Klara Dostalova. Mais ils en ont été écartés par un cordon sanitaire qu'ils jugent "antidémocratique".
- "Déficit démocratique" -
"On a l'impression qu'on ne respecte pas le vote des électeurs", a réagi auprès de l'AFP Fabrice Leggeri, qui convoitait un poste de vice-président.
"Mais surtout, ce qui est choquant, c'est que la droite vote pour l'extrême gauche", a-t-il souligné, remarquant qu'au second tour de ce scrutin Younous Omarjee (La Gauche) a été élu, au détriment d'un candidat des Patriotes pour l'Europe.
Même si la coalition centriste PPE (droite, 188 sièges), Renew (libéraux, 77) et S&D (sociaux-démocrates, 136) reste majoritaire au Parlement, les droites radicales et nationalistes ont fortement progressé après les élections de juin et veulent peser davantage.
Echouer à obtenir des vice-présidences est la preuve d'un "déficit démocratique", a estimé M. Leggeri.
A l'issue des votes, le PPE (droite) a obtenu 3 des 14 vice-présidences, les sociaux-démocrates 5 et les Verts et la Gauche une chacun.
Parmi les deux vice-présidences allant aux libéraux de Renew, l'une va à l'eurodéputée Sophie Wilmès: première femme devenue Première ministre en Belgique en 2019, elle avait dirigé la diplomatie belge à partir d'octobre 2020 jusqu'en 2022.
ECR, le groupe d'extrême droite Conservateurs et réformistes européens (78 eurodéputés) associé à la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, qui comptait un vice-président depuis 2022, a gagné un deuxième poste.
A la différence des Patriotes, les élus d'ECR sont volontiers atlantistes et favorables au soutien militaire à l'Ukraine, ce qui leur permet d'échapper au cordon sanitaire.
"Nous ne voulons pas voir les amis de Poutine représenter l'institution", avait expliqué Pedro Lopez de Pablo, porte-parole du PPE.
Parmi les Patriotes, certains profils suscitent la controverse, dont celui du général italien Roberto Vannacci, issu de la Ligue de Matteo Salvini et auteur d'un livre truffé de déclarations homophobes, misogynes et anti-migrants.
Les eurodéputés Patriotes pourraient également être exclus la semaine prochaine des présidences de commissions parlementaires.
- Metsola largement réélue -
Les eurodéputés votaient également mardi pour la présidence du parlement, renouvelant le mandat de deux ans et demi de la conservatrice maltaise Roberta Metsola.
Les 720 eurodéputés, dont 39% de femmes, ont accordé à une écrasante majorité (562 voix) leurs voix à Roberta Metsola, 45 ans.
Issue du PPE (droite), première force politique du Parlement, et troisième femme à occuper cette fonction après les Françaises Simone Veil et Nicole Fontaine, Roberta Metsola s'était notamment distinguée par son soutien très actif en faveur de l'Ukraine.
"Il faut un Parlement fort dans une union forte (...) maintenir la pression pour garantir notre droit d'initiative (face à la Commission), améliorer nos pouvoirs de contrôle et d'enquête", a-t-elle insisté.
- Ecologistes courtisés-
Cette plénière à Strasbourg, qui a entamé une nouvelle législature de cinq ans avec l'"Hymne à la Joie" de Beethoven, sera marquée jeudi par un vote pour reconduire Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission européenne.
Si la coalition PPE-socialistes-libéraux obtient la majorité absolue de 361 eurodéputés dont elle a besoin jeudi pour être reconduite, la dirigeante allemande doit aussi parer aux défections significatives attendues lors d'un scrutin à bulletins secrets à l'issue très serrée.
De quoi la pousser à solliciter le soutien des écologistes (53 sièges), qui exigent des engagements sur le Pacte vert. Voire à compter sur des élus d'ECR. Or, libéraux, socialistes et Verts s'opposent farouchement à tout recours à ECR pour conforter la cheffe de l'exécutif européen.
Pour la codirigeante des Verts Terry Reintke, "C'est crucial de construire une majorité stable avec des partis pro-démocratie, pro-UE". [AFP]