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Le langage utilisé pour décrire les Palestiniens est génocidaire (par Chris McGreal, journaliste)

Vendredi 27 Octobre 2023

Chris McGreal
Chris McGreal

J’ai couvert le génocide rwandais en tant que journaliste. Le langage déversé par Israël depuis la boucherie des attaques commises par le Hamas est sinistrement familier. 

 

Le président d’Israël, Isaac Herzog, a donné le ton lorsqu’il a expliqué jusqu’où s’étendait la faute pour la pire atrocité commise contre des Juifs.ves dans l’histoire de son pays. 
 

“C’est une nation entière qui est responsable. Cette rhétorique qui consiste à dire que les civil.e.s ne sont pas au courant, pas impliqué.e.s, est absolument fausse. Ielles auraient pu se soulever, ielles auraient pu se battre contre ce régime criminel,” a déclaré Herzog.

 

De différentes manières, le sentiment que les Palestinien.ne.s sont collectivement responsables des agissements du Hamas, du meurtre de 1300 Israélien.ne.s et de l’enlèvement de 199 d’entre elleux – et par conséquent du fait qu’ielles méritent ce qui leur arrivent – a été repris bien au-delà des frontières d’Israël. 

 

Aux États-Unis, le Sénateur Lindsey Graham a réclamé la destruction massive de Gaza. 

 

“Nous nous trouvons dans une guerre de religion. Je suis pour Israël. Faites tout ce que vous pouvez pour vous défendre. Détruisez tout,” a-t-il dit sur Fox News .

 

Au Royaume-Uni, le rédacteur en chef de Jewish Chronicle, Jake Wallis Simons, a pris un angle différent en généralisant la faute. Il a écrit qu’ “une grande partie de la culture musulmane dépend d’un culte de la mort qui sacralise le massacre” avant d’effacer son tweet qui avait provoqué de vives réactions. 

 

Ariel Kallner, membre du parlement israélien pour le Likoud de Benyamin Netanyahou, a trouvé la solution. Il a demandé de reproduire l’expulsion massive des Arabes de 1948, connue par les Palestinien.ne.s sous le nom de Nakba, ou Catastrophe.

 

“Maintenant, nous avons un seul objectif : la Nakba ! Une Nakba qui fera oublier la Nakba de 1948,” a-t-il déclaré.

 

Il reste à voir si cela est bien le projet d’Israël alors qu’il a ordonné à plus d’un million de personnes d’évacuer le Nord de Gaza alors que l’armée prépare de nouvelles attaques en plus des bombardements et des pilonnages qui ont déjà tué plus de 2700 Palestinien.ne.s, dont 700 enfants.

 

Mais le langage déshumanisant déversé par Israël et certains de ses soutiens à l’étranger ressemble à ce qu’on a pu entendre à d’autres époques et dans d’autres lieux. Il permet de créer un climat dans lequel d’horribles crimes peuvent avoir lieu. 

 

La manière choquante avec laquelle le Hamas a massacré des civil.es israélien.nes, y compris de jeunes enfants, puis a célébré les carnage, m’a rappelé la période pendant laquelle je travaillait sur le génocide rwandais il y a trente ans. Les miliciens hutus se délectaient, de manière atroce et inimaginable, des meurtres de 800 000 Tutsis, certain.e.s d’entre elleux étaient des enfants ou leurs voisin.e.s. Même après des années de prison, certains d’entre eux demeuraient impénitents. 

 

Les répercussions de l’attaque du Hamas  ressemble aussi au langage utilisé lors du génocide de 1994, pas seulement concernant les meurtriers mais aussi les Palestinien.ne.s en général, bien que ce ne soit pas la première fois. 

 

Ceux qui ont mené le génocide rwandais qualifient souvent les Tutsis d’étranger.e.s et d’intrus.e.s, et le meurtre comme un acte d’auto-défense. Si nous ne les tuons pas, ce sont eux qui nous tuerons. 

 

Les Tutsis étaient qualifié.es de “cafards”, un mot également évoqué par un chef des forces de défense israéliennes pour décrire les Palestinien.ne.s. D’autres dirigeant.e.s politiques, militaires et religieux.ses ont à différents moments qualifié les Palestinien.ne.s de “cancer”, “vermine”, et ont appelé à les “annihiler”. Ielles sont fréquemment dépeint.e.s comme arriéré.e.s et comme un poids pour le pays. 

 

Alors qu’Israël n’a pas encore révélé ses plans concernant Gaza, les Palestinien.ne.s craignent naturellement un autre nettoyage ethnique du genre de ceux qu’encourage Kallner. L’envoyé de la Palestine aux Nations Unies, Riyad Mansour, accuse Israël de déshumanisation et qualifie ses récents agissements à Gaza de “rien d’autre que génocidaires ”.

 

Nous sommes loin du Rwanda et toutes comparaisons pourraient choquer certaines personnes. Mais celleux qui poussent pour que les agences de presse appellent le Hamas terroriste le font implicitement, d’un point de vue du langage.

 

Un journaliste et animateur de radio israélien de renom, David Mizrahy Verthaim , a réclamé un bain de sang de masse. 

 

“Nous voulons une réponse disproportionnée … Si tou.tes les détenu.e.s ne reviennent pas immédiatement, faites de la Bande de Gaza une boucherie. Si on leur touche un cheveux, exécutez les prisonniers de haute sécurité. Violez toutes les règles, pour atteindre la victoire,” a-t-il écrit  sur X.

 

D’autres sont plus vagues dans leur langage. 

 

Lorsque le Ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a ordonné un “siège complet” de la Bande de Gaza “sans électricité, sans nourriture, sans carburant, tout fermé”, il a dit  : “Nous nous battons contre des animaux humains et nous agissons en conséquence.”

 

Peut-être que Gallant voulait parler du Hamas uniquement mais il ne l’a pas dit et cela laisse beaucoup de latitude à ceux qui veulent aller plus loin.

 

Comme aux États-Unis après le 11 Septembre, les forces de défense israéliennes ont posté  sur X: “Soit vous êtes aux côtés d’Israël, soit vous êtes aux côtés du terrorisme”. Une Républicaine du Congrès, Marjorie Taylor Greene, a tweeté : 
 

“Quiconque est pro-Palestine est pro-Hamas.”

 

C’est le sentiment qui a mené les États-Unis dans des guerres que la plupart des Américain.e.s regrettent aujourd’hui, mais c’est aussi une mentalité qui a mené les soldat.e.s américain.e.s à commettre des crimes de guerre. 

 

Certaines de ces déclarations ne sont peut-être qu’un déchaînement de violence à chaud, une réaction naturelle à une atrocité révoltante. Il y a certainement de cela. Mais en Israël, ce discours croît sur un terreau rendu fertile par des décennies de discours déshumanisant les Palestinien.ne.s. 

 

Depuis des années, les dirigeant.e.s israélien.ne.s prônent le nettoyage ethnique, appelé hypocritement “transfert”, avec un discours qui dépeint les Palestinien.ne.s comme un faux peuple, sans histoire. En 1989, Netanyahou se lamentait qu’Israël n’ait pas saisi l’opportunité créée par l’attention portée mondialement sur la répression de la Chine contre les manifestations pro-démocratie à Tiananmen square “pour procéder à des expulsions de masse des Arabes des territoires  (occupés)”.

 

Les sondages d’opinion montrent qu’un nombre significatif d’Israélien.ne.s voient les Arabes comme “sales”, “primitifs.ves”, et n’attachant pas d’importance à la vie humaine. Des générations d’écoliers.eres israélien.ne.s sont imprégnées de l’idée que les Arabes sont des intrus.e.s à peine toléré.e.s par la bonté d’Israël. 

 

Une étude de 2003 sur les livres d’école israélien  menée par l’Université Hébraïque à Jérusalem montre que les Arabes sont principalement représenté.es “avec un chameau, habillé.e.s comme Ali Baba”.

 

“Ils décrivent les Arabes comme des criminels pervers et méchants, des gens qui ne paient pas d’impôts, des gens qui vivent aux crochets de l’État, des gens qui refusent le progrès. Les seules représentations des Arabes sont en tant que réfugié.e.s, fermiers.eres et terroristes. Les Arabes ne sont jamais représenté.e.s en enfant, docteur, enseignant.e, un ingénieur.e ou en fermier.e,” explique cette étude.

 

En 2002 pendant la deuxième Intifada, le journal israélien Yedioth Ahronoth a publié une lettre écrite par des enfants israéliens intitulée : “Cher.e.s soldat.e.s, s’il vous plaît tuez beaucoup d’Arabes”. Le journal a déclaré que des dizaines de lettres similaires avaient été envoyées par des enfants d’écoles primaires. 

 

Certains de ces enfants participent aujourd’hui au maintien de l’occupation de la Cisjordanie où les colons israélien.ne.s ont toute liberté de pousser les Palestinien.ne.s hors de leurs terres et villages, et parfois de les battre et les tuer. D’autres se rendront à Gaza.

 

Chris McGreal, le 16 octobre 2023

Chris McGreal écrit pour le Guardian USA et est ancien correspondant pour le Guardian à Washington, Johannesburg et Jérusalem

Source: The Guardian

Traduction LG pour l’Agence Média Palestine

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