C'est parti pour trois mois: la campagne a commencé vendredi au Mexique, où Xochitl Galvez et Claudia Sheinbaum s'affrontent pour devenir la première présidente dans l'histoire d'un pays à la réputation machiste, avec la sécurité au cœur des débats.
Peu après minuit, la candidate de l'opposition, Xochitl Galvez, a fait observer une minute de silence à la mémoire des victimes de la violence à Fresnillo (nord), la ville la plus dangereuse du pays d'après une enquête nationale sur la perception de l'insécurité par les habitants.
"Je serai une présidente courageuse", a lancé la sénatrice en attaquant le bilan sécuritaire du président de gauche nationaliste sortant, Andres Manuel Lopez Obrador, et sa candidate, Claudia Sheinbaum, favorite du scrutin du 2 juin.
Entourée de proches de disparus, Xochitl Galvez a accusé sa rivale "d'indifférence et de froideur" face aux victimes de la violence.
En déposant sa candidature la semaine dernière, elle avait dénoncé "la tolérance" du gouvernement envers le crime organisé qui "contrôle de vastes territoires du pays", référence aux cartels de la drogue.
Adepte du franc-parler, elle a promis qu'elle aurait elle-même les "ovaires" pour lutter contre la narcoviolence, responsable d'une bonne partie des quelque 30.000 homicides enregistrés chaque année au Mexique.
Claudia Sheinbaum a convoqué ses supporteurs dans l'après-midi dans son fief de Mexico, sur Zocalo, la plus grande place d'Amérique latine, sous le slogan "continuons à faire l'histoire".
Fidèle du président Lopez Obrador, la candidate de Mouvement pour la régénération nationale (Morena) entend poursuivre sa politique de "transformation" du Mexique et de réduction des inégalités sociales.
Depuis l'élection de Lopez Obrador en 2018, 8,9 millions de Mexicains sont sortis de la pauvreté d'après les chiffres officiels. Le salaire minimum a plus que doublé, à près de 250 pesos quotidiens (14,50 dollars).
- "AMLO est trop populaire" -
Portée par la popularité du président sortant (69% d'approbation), Claudia Sheinbaum est créditée de 63% d'intentions de vote, soit le double de celles de sa principale adversaire (31%).
"Bien que rien ne soit impossible en politique, à un peu plus de trois mois de l'élection, il est très improbable que Galvez puisse gagner suffisamment de terrain" pour refaire son retard, estime l'analyste Michael Shifter, du groupe de réflexion Inter-American Dialogue à Washington.
Lopez Obrador "est trop populaire, et la machine du gouvernement et du parti est trop redoutable", a-t-il ajouté, joint par l'AFP.
Un troisième candidat, Jorge Alvarez, est loin derrière avec 5% d'intentions de vote. Il lancera sa campagne à Lagos de Moreno, une ville près de Guadalajara (nord-ouest) traumatisée par l'enlèvement et la disparition de cinq jeunes en août dernier, sans doute torturés et exécutés.
Le Mexique s'apprête à organiser les plus grandes élections de son histoire, avec également l'élection des députés, des sénateurs, de neuf des 32 gouverneurs dans les Etats (dont la mairie de Mexico), et d'autres scrutins locaux. 99 millions d'électeurs sont appelés aux urnes.
Dans ce pays de près de 130 millions d'habitants, 33 personnalités politiques locales ont été assassinées entre le 4 juin et le 7 février, d'après l'entreprise Laboratorio Electoral, dont 16 futurs candidats.
Les groupes criminels tentent ainsi de soumettre les candidats ou de régler des conflits locaux entre eux.
Cette campagne se présente comme un test pour la démocratie mexicaine, ouverte aux alternances depuis 25 ans, après 70 ans de domination absolue du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI).
Au pouvoir depuis décembre 2018, Morena et ses alliés n'ont cessé de consolider leur influence (présidence, majorité à l'Assemblée et au Sénat, 23 gouverneurs sur 32).
En prélude à la campagne, le président Lopez Obrador a présenté un paquet de réformes constitutionnelles qui prévoit entre autres l'élection au suffrage populaire des juges de la Cour suprême.
"On ne touche pas à la démocratie", lui ont répondu des dizaines de milliers de manifestants le 12 février à Mexico.
"On cherche à ce que les élections soient organisées et que la justice soit rendue par des fonctionnaires et des juges élus avec l'appui du parti majoritaire", a dénoncé lors du rassemblement l'ancien président de l'Institut national électoral, Lorenzo Cordova.
L'ambiance de la campagne pourrait devenir bien vite délétère. Deux articles sont sortis récemment dans la presse américaine, dénonçant des liens entre le narcotrafic et les campagnes présidentielles antérieures de Lopez Obrador.
Ce dernier a dénoncé une "calomnie" allant jusqu'à divulguer le numéro d'une journaliste du New York Times lors de la publication du second article. [AFP]