Les militaires du bloc ouest-africain (Cedeao) ont annoncé vendredi être prêts à intervenir contre les putschistes qui ont pris le pouvoir le 26 juillet à Niamey, alors que ceux-ci annonçaient la rupture de la coopération militaire avec la France.
Les contours d'une "éventuelle intervention militaire" contre la junte nigérienne ont été "définis", a annoncé vendredi à la presse un responsable de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, à l'issue d'une réunion des chefs d'état-major de la Cedeao à Abuja au Nigeria, pays qui la préside actuellement.
"Tous les éléments d'une éventuelle intervention ont été élaborés lors de cette réunion, y compris les ressources nécessaires, mais aussi la manière et le moment où nous allons déployer la force", a déclaré le commissaire chargé des Affaires politiques et de la Sécurité, Abdel-Fatau Musah.
Les putschistes avaient auparavant promis une "riposte immédiate" à "toute agression" du bloc ou d'un de ses pays.
"La Cedeao ne va pas dire aux putschistes quand et où nous allons frapper", a ajouté M. Musah, évoquant une "décision opérationnelle qui sera prise par les chefs d'Etat" du bloc.
Plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, s'étaient dites auparavant prêtes à envoyer des soldats.
Le 30 juillet, en imposant de lourdes sanctions à Niamey quatre jours après le coup d'Etat qui a renversé Mohamed Bazoum, la Cedeao avait donné sept jours aux putschistes, soit jusqu'à lundi 7 août, pour rétablir dans ses fonctions le président démocratiquement élu, sous peine de d'utiliser "la force".
A deux jours de la fin de l'ultimatum, M. Musah a toutefois assuré vendredi que le bloc ouest-africain continuait à privilégier la voie diplomatique pour résoudre la crise - ce qu'a également tenu à affirmer le Bénin, pays voisin du Niger -, même si la délégation de la Cedeao envoyée dans la nuit de jeudi à vendredi à Niamey en est repartie au bout de quelques heures seulement.
Conduite par l'ex-président nigérian Abdulsalami Abubakar, elle n'a pu rencontrer ni le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé.
Elle s'est entretenue à l'aéroport avec des militaires putschistes sur "les dernières propositions de sortie de crise de la Cedeao", selon le quotidien gouvernemental nigérien Le Sahel.
Le gouvernement allemand a lui appelé vendredi à poursuivre les "efforts de médiation" pour trouver une issue politique et éviter toute intervention armée.
- Rupture de la coopération militaire -
Tard jeudi dans la soirée, les putschistes avaient eux dénoncé "les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France".
L'ex-puissance coloniale déploie au Niger un contingent militaire de 1.500 soldats pour la lutte antiterroriste dans ce pays miné par les violences jihadistes.
Paris a affirmé vendredi que seules "les autorités nigériennes légitimes" avaient le pouvoir de revenir sur ces accords. Ces autorités "sont les seules que la France, comme l'ensemble de la communauté internationale, reconnaît", a souligné le ministère français des Affaires étrangères.
Vendredi matin, une centaine de manifestants originaires de plusieurs pays ouest-africains se sont réunis à Niamey pour protester contre toute intervention militaire extérieure.
Plus tard, près de 200 étudiants ont manifesté dans le même sens. S'adressant à eux, un responsable étudiant, Bakin Batouré Almoustapha, a dénoncé une "Cedeao des chefs d'Etat" qui agit au détriment "de la Cedeao des peuples", appelant à soutenir sans réserve les putschistes.
A Tahoua (ouest du pays), des centaines de personnes se sont rassemblées cette fois "pour apporter un soutien indéfectible au président de la République Mohamed Bazoum et exiger sa libération sans conditions", selon un journaliste local sur place.
M. Bazoum s'est exprimé jeudi, dans une tribune publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences "dévastatrices" du coup d'Etat pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer, selon lui, sous l'"influence" de la Russie par le biais du groupe paramilitaire Wagner.
"J'appelle le gouvernement américain et l'ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l'ordre constitutionnel", écrit-il, "à titre d'otage".
M. Bazoum, 63 ans, est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans sa résidence présidentielle. (AFP)