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Ousmane Sonko Vs Mame Mbaye Niang – Les petits mystères d’un procès en mode fast-track, un verdict politique ?

Vendredi 31 Mars 2023

 
Ceux qui doutaient encore de la nature réelle du procès en diffamation intenté par le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang à l’opposant Ousmane Sonko, président du parti Pastef-Les patriotes, ont eu la réponse de la part de quelqu’un dont ils n’attendaient absolument rien en principe, Me Pierre-Olivier Sur, du barreau de Paris, dont la constitution a été faite de façon discrète, lui l’ancien avocat de Karim Wade lors de la « traque des biens mal acquis. »
 
Sa volonté express de délivrer très vite un message après le verdict du tribunal – 2 mois avec sursis et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts contre Ousmane Sonko – étonne. Elle semblait relever d’un désir de « conditionner » l’opinion publique en vantant la portée stratégique de la décision du tribunal pour le Sénégal. L’avocat français de Mame Mbaye Niang voulait-il neutraliser au plus vite le potentiel de violence qui dormait à peine dans la ville et qui n’attendait peut-être qu’un signal de la salle d'audience pour exploser ? Parlait-il pour le compte d'un pouvoir auquel le rapport de force politique n'est plus forcément favorable non seulement au regard des derniers résultats électoraux et de la capacité de nuisance des militants de l'opposition face aux forces de défense et de sécurité ? 
 
« Le juge a été mesuré à tel point qu’il ne le (Ousmane Sonko, ndlr) prive pas de ses droits civiques, politiques et de rester dans le débat politique. C’est-à-dire que les juges n’ont pas rendu une décision politique. Ils ont rendu une décision judiciaire. »
 
Depuis plusieurs semaines, les militants et responsables du parti Pastef-Les patriotes et de la coalition Yewwi askan wi (Yaw) étaient inquiets d’une condamnation qui aurait privé leur chef d’une participation à la présidentielle du 25 février 2024. L’inquiétude régnait aussi chez des organisations de la société civile sénégalaise et étrangère peu désireuses de voir la politique se transformer en sélectionneur de candidats à cette élection majeure pour le Sénégal. La crainte était que l’élimination de Sonko fasse le lit d’un nouveau désordre sanglant entre militants et forces de défense de sécurité, étant donné qu’il serait eu probable que Pastef et Yaw ne réagissent pas à ce scénario catastrophe qui semble pour le moment écarté.
 
« Quel est le rôle du juge? C’est d’apaiser les choses...Et si la décision avait été trop lourde, eh bien c’était la ville qui s’enflammait et le pays peut-être aussi. Et le débat politique qui risquait de prendre un virage nouveau », assure Me Pierre Olivier Sur au micro de plusieurs journalistes aux abords du tribunal.
 
Les autorités sénégalaises ont-elles subi des pressions locales (marabouts, entreprises, etc.) et extérieures (France, Etats-Unis, organisations internationales) pour que ce procès ne consacre pas in fine l’exclusion d’Ousmane Sonko de la présidentielle de l’année prochaine ? Les organisations de la société civile
 
Aux yeux des partenaires économiques et financiers du Sénégal, à dix mois de cette échéance électorale, le risque serait d’installer le pays dans un cycle d’instabilités chroniques et dangereuses dont l’issue ne serait pas forcément maîtrisable. La journée morte d’aujourd’hui, celles du 16 mars dernier, de juin 2022 et de mars 2021 ont démontré le poids nuisant des manifestations politiques (trop souvent interdites) sur le tissu économique local et leur impact sur l’image du pays dans le monde. Le pouvoir sénégalais aurait-il prêté une oreille attentive à toutes ces inquiétudes ?
 
« Aujourd’hui, les juges ont respecté la continuité et la liberté du droit de chacun de s’exprimer mais ils ont mis les limites de l’outrage, de la diffamation, les limites seraient une autre fois l’injure. Les limites ont été posées », constate l’avocat français.
 
Pour ceux qui ont suivi le déroulement des joutes – même de loin – il semblait peser sur le juge Yakham Keïta l’impératif de boucler l’affaire coûte que coûte, quitte à bafouer de manière si « grotesque et cavalière » les « droits élémentaires de la défense ». La politique serait-elle passée par là ? Selon des confidences de proches de la mouvance présidentielle, le président Macky Sall aurait fait part de sa volonté de voir tourner la page de ce dossier qui empoisonne l’espace politique et le champ social depuis le mois de janvier dernier. Avec la « manifestation pacifique » annoncée par Yewwi Askan Wi le 3 avril sur l’étendue du territoire national et le défilé du lendemain 4 avril, jour de célébration de l’indépendance, le chemin le plus court pour sortir du face à face mortel entre les deux camps antagonistes était-il dans ce verdict dit d’apaisement ?
 
En sus, on peut également s’interroger sur l’écart important entre la peine requise par le parquet (2 ans dont 1 ferme) et la note finale du juge (2 mois avec sursis et 200 millions FCFA de dommages et intérêts). S‘agissait-il pour le tribunal de contredire le parquet pour montrer à l’opinion que l’instrumentalisation alléguée de la magistrature par le pouvoir exécutif ne serait qu’une vue de l’esprit ? Le juge et ses assesseurs ont-ils sincèrement désavoué le procureur ?
 
Si le parquet ne fait pas appel, son silence serait interprété comme une volonté de l’Exécutif de favoriser un retour au calme dans l’espace politique. Mais rien ne semble définitivement acquis pour Ousmane Sonko, d’autant plus que Mame Mbaye Niang et ses avocats animent ce vendredi une conférence de presse... Y a-t-il eu un jeu de rôles le 30 mars 2023 entre le parquet, la partie civile et le juge ?
 
Optimiste, Me Pierre-Olivier Sur dit « bravo à la justice, bravo à la démocratie et bravo au débat politique de pouvoir continuer avec des limites grâce à la justice. »
 
Les Sénégalais attendent de voir de visu la suite et la fin qui seront données à ce dossier.
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1.Posté par Me François JURAIN le 31/03/2023 13:15
Si tout le monde se félicite de ce verdict « expédié à la hâte », tant mieux. Mais je pense qu'il faudrait déjà y regarder à deux fois, car on aurait pu s'attendre à un délibéré à quinzaine, minimum, si le pool des avocats de ce ministre, dont la carrière se caractérise par des échecs partout où il est passé, s'en réjouit, et le trouve équilibré, moi pas.

Car enfin, soit il y a eu diffamation "grave et avérée", et alors les réquisitions du parquet sont parfaitement justifiées voire modérées, et auraient pu être suivies par le tribunal, soit la thèse du lapsus, que j'avais d'ailleurs soutenu ici (j'avais en son temps prévu trois mois avec sursis et 10 millions d'amende), a été retenue par le tribunal, et deux mois avec sursis pour un lapsus, est le prix normal et jurisprudentiel.

Car enfin, le problème, que je sache était: est-ce que le Ministre Mame Mbaye NIANG a volé ou pas, les 29 milliards dans le cadre du Prodac? SONKO soutient que oui, et son adversaire soutient que non. En condamnant SONKO, le tribunal donne raison à MMN, ce qui par définition donne tort à SONKO, et le condamner à deux mois de prison avec sursis, pour une accusation aussi grave, ne relève que de la pure plaisanterie! Donc, cette condamnation laisse tout le monde sur sa faim, car finalement, on a connu des condamnations beaucoup plus sévères, pour des faits autrement moins graves.

Mais le tribunal étant souverain, il a jugé "en son âme et conscience". Deux mois avec sursis, c'est une petite diffamation, digne d'une cour de récréation ou, au pire, de mauvais voisinage.
Mais alors, pourquoi est elle assortie d'un "dédommagement" de DEUX CENT MILLIONS DE FRANCS ?

Si cette condamnation à des dommages et intérêts ne fait bondir personne, à commencer par Maître SUR, qui ne peut que se réjouir d'une telle condamnation à des dommages et intérêts aussi exorbitants, pratiquement du jamais vu (à ma connaissance) au SENEGAL, comment une petite diffamation, du bas de l'échelle, puisque c'est ainsi que l'on a vu le tribunal, peut- elle entrainer des dommages et intérêts aussi faramineux? Je sais bien que les dommages et intérêts sont décorrélés de la peine principale, en principe: je me souviens bien que cette affaire avait "ému" au plus haut point ce ministre, qui décidément nous cachait un cœur sensible, au point que, lorsque cette affaire a éclatée, et que, de mémoire, une note, un rapport, ou pour le moins un organe de contrôle (soyons prudents), avait relevé, dix huit (ou dix neuf) infractions graves, qui relevaient de la responsabilité de ce ministre au point que ce même s'était rendu à l'aéroport à une heure indue de la nuit, pour accueillir son patron, mais surtout lui faire part de ses angoisses de voir cité son nom dans ce qu'il était convenu déjà d'appeler "l'affaire PRODAC", mais quand même!!!

DEUX cent millions de francs, il y a là une disproportion entre la condamnation au principal, jugée comme minime par le tribunal, et un dédommagement, présentant un caractère exorbitant par rapport à l'infraction relevée!

Alors, dire que ce jugement est un jugement d'apaisement, me semble aller un peu vite en besogne. Si Monsieur le Ministre a demandé en saisissant le tribunal, que son honneur soit "lavée", suivant l'expression consacrée, on peut penser que le principal, pour lui, est qu'il n’apparaisse pas, aux yeux de l'opinion publique, comme un "voleur", objet et fondement même de la diffamation dont il se dit l'objet. L'argent n'a que peu de place, seul l'honneur de cet homme devient le fondement même de sa plainte, et le jugement doit en tenir compte.

Mais, pour pouvoir prétendre à des dommages et intérêts, encore faut-il qu'il apporte la preuve que cette -ou ces- insulte(s) de la part de son adversaire SONKO lui aient porté un réel préjudice: soit professionnel, ce qui n'est pas le cas, car suite à sa démission volontaire, il a été "recasé" comme ministre conseiller, puis retrouvé quelques temps après un poste de ministre, donc, aucune incidence sur sa carrière professionnelle. Mais il peut avoir subi un traumatisme psychique, des perturbations dans son comportement, qui aient affecté dangereusement sa vie personnelle: en a-t-il apporté réellement la preuve ? Je ne puis le dire, n'ayant pas connaissance du dossier, mais cette condition est essentielle pour pouvoir obtenir des dommages et intérêts. Il sera intéressant de connaître les attendus du jugement, le plumitif.

Quand à Monsieur SONKO, ses avocats pourront facilement y voir là, sinon une autoroute, en tout cas un boulevard pour une relaxe éventuelle, devant la cour d'Appel, s’ils décident de faire appel.

Mais il est clair que chacune des parties à de fortes raisons légitimes d'être mécontente d'un tel jugement: mais les juges ne sont nullement en cause, puisqu'ils jugent "en leur âme et conscience". Attendons la suite.

Mais, peut-être faut-il y voir là, comme un piège tendu à Monsieur SONKO: deux millions d'euros, c'est une somme très importante, et s'il accepte le principe de cette condamnation en première instance, d'où va-t-il sortir cette somme? Est-ce que le pouvoir en place ne l'attend pas "au tournant" pour savoir d'où provient l'argent qui servira à payer cette condamnation ?
Me François Jurain

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