Macky Sall (en haut à gauche) devra composer avec la chef du PS Aminta Mbengue Ndiaye (en haut à droite), Moustapha Niasse (AFP, en bas à gauche) et Idrissa Seck (Rewmi)
Les dès sont jetés : la coalition Benno Bokk Yaakaar qui porte la gouvernance politique de Macky Sall depuis une dizaine d’années, devra se trouver un candidat de consensus pour espérer conserver le pouvoir en février 2024. La décision du chef de l’Etat de ne pas briguer une 3e candidature la contraint à cette alternative plus ou moins inattendue et qui fait l’effet d’un tsunami dans l’alliance. Le pari est d’autant plus lourd de risques et d’incertitudes que les délais impartis pour relever le défi sont extrêmement serrés : 7 mois à tout casser. Cependant, si on prend en compte les propos du président Sall disant qu’il n’a jamais été dans ses intentions de violer ses engagements sur le nombre de mandats à faire pour lui, il est permis de penser qu’il a eu également le temps et la latitude de concocter un projet de succession à plusieurs dimensions dont la détermination du profil politique idéal pour reprendre le flambeau.
A dire vrai, le choix du porte-drapeau éventuel de Benno Bokk Yaakaar ne sera pas aisé en raison de la composition hétéroclite d’une coalition que Macky Sall a tenu en laisse pendant une décennie avec bonheur, dextérité et fermeté. Aucune tête n’a émergé pour être un obstacle à son management de l’alliance. Du reste, les alliés de la première heure ne se sont jamais plaints à un niveau qui ait pu susciter des craintes de rébellion a fortiori d’implosion. Dénominateur commun à tous et accepté de tous, Macky Sall s’est bien facilité la tâche en octroyant aux uns et aux autres les moyens de « massifier » la coalition à travers le travail politique de terrain. Les prébendes et les nominations par décrets ont coulé à flot.
Mais aujourd’hui, avec le retrait du président Sall, des questions apparaissent brutalement tant Benno n’a jamais donné l’impression de travailler à un PLAN B pour la présidentielle du 25 février 2024. La coalition survivra-t-elle aux luttes naturelles visant la capture du leadership interne ? Dans quelle mesure Macky Sall pourra-t-il influer de manière décisive sur le choix de son successeur éventuel à la tête du pays ? Quel mode de désignation approprié emporterait le consensus général au sein de la coalition ?
Ces questions sont sans réponse pour le moment, mais une autre, capitale, viendra s’y rajouter : quelles attitudes adopteront les partis locomotives historiques de la coalition que sont le PS et l’AFP surtout, mais aussi la LD et le PIT, face à cette nouvelle donne ? Se rangeront-ils encore une fois sous l’hégémonie du parti présidentiel en acceptant que le dauphin soit issu de l’Alliance pour la république (APR) ? Où, perspective radicale, considéreront-ils que le compagnonnage avec Macky Sall est arrivé à terme comme cela a pu être théorisé chez certains socialistes et progressistes ?
L’urgence de concocter un Plan B consensuel est donc une urgence impérative pour la coalition Benno Bokk Yaakaar. Au-delà du profil à investir et de son caractère politique, la question est aussi fondamentalement d’ordre stratégique. C’est la gestion de l’héritage global de Macky Sall qui a besoin d’être prise en charge, avec ses forces et ses faiblesses. Car suivant l’exemple de 2012 et la défaite d’Abdoulaye Wade, un nouveau régime éventuel porteur d’une grande légitimité populaire pourrait faire de la reddition des comptes une option politique de départ, en attendant la suite, comme l’a tenté…Macky Sall.