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Procès du 13-Novembre : un enquêteur fait revivre «l’horreur» du Bataclan

Vendredi 17 Septembre 2021

Le coordinateur des constatations pour la brigade criminelle de Paris a décrit vendredi sa progression dans la salle de spectacle le soir des attentats de 2015.
 
«Des corps, des corps, des corps»: au procès des attentats du 13 novembre 2015, un enquêteur a fait revivre à la salle d’audience, mètre par mètre, sa progression «dans l’horreur» de la salle de spectacle parisienne du Bataclan le soir des attentats.
 
Il est cinq heures du matin. L’assaut de la force d’intervention de la police parisienne (BRI) est terminé, les otages ont été libérés, les derniers blessés évacués. Patrick Bourbotte, désigné coordinateur des constatations pour la brigade criminelle de Paris, s’apprête à entrer dans la salle de concert où 90 personnes ont été mitraillées par un commando de trois djihadistes.
 
Il croise un policier de la BRI. «Il me dit: "Bonne chance. Vous allez être dans l’horreur pendant des heures"». «Nous rentrons dans la salle. C’est quasiment indescriptible mais il faut le décrire», dit à la barre l’enquêteur de 51 ans, chauve et barbu, en costume gris.
 
«L’ambiance est saisissante, lugubre, froide. La lumière est blanche ce qui rend l’endroit blafard. Les plafonds sont très hauts, ça donne un aspect de cathédrale. Les corps sont enchevêtrés. Il y en a un nombre… on n’avait jamais vu ça. Nous marchons dans du sang coagulé, au milieu de morceaux de chair, de dents, de téléphones qui sonnent». Sa voix se hache, il souffle longuement avant de pouvoir continuer à parler. «Des corps, des corps, des corps», articule-t-il.
 
 «Instinct de survie»
 
Le plan de la salle est affiché sur l’écran géant derrière la cour et, pendant plusieurs heures, Patrick Bourbotte entraîne la salle d’audience – remplie – sur ses pas. Au fil de sa progression, il recense les écrous métalliques, les balles «ensanglantées», les trois fusils d’assaut Kalachnikov retrouvées, la tête «intacte» d’un assaillant qui s’est fait exploser, retrouvée sur la scène. Le «plafond défoncé» par «l’instinct de survie» de ceux qui ont fui par les combles, le «sol bleu-vert qui disparaît sous le sang séché».
 
Les constatations, dira-t-il, s’apparentent à celles qu’on fait sur «une scène de crash aérien». «On a tout fouillé. Ma hantise, c’était de passer à côté d’un blessé ou d’un corps, caché dans un trou de souris», confie-t-il aussi.
 
Zone par zone, il compte les victimes, une à une. Un corps «face contre terre» dans ce couloir. Là, «huit corps enchevêtrés, saisis par la mort en même temps». Au niveau de la «zone D», le bar, il y a sept victimes – quatre hommes, trois femmes. «On a l’impression d’une exécution individuelle, les uns après les autres». La fosse de la salle de spectacle, enfin, la zone «la plus macabre» où 44 corps ont été trouvés.
 
«Il faut comprendre les dégâts que ça peut faire. Ce n’est pas simplement un orifice d’entrée et de sortie. Ce sont des crânes explosés, des visages méconnaissables».
 
«22 secondes»
 
Après des heures à décrire l’horreur, l’enquêteur veut la faire écouter. Dans la salle de concert a été trouvé un dictaphone qui a enregistré l’intégralité de l’attaque. Il n’en diffusera qu’un très court extrait, «rien qui ne permettra d’identifier des victimes».
 
«C’est pour comprendre le côté brusque de cet instant de barbarie. Ça ne dure que 22 secondes, qui durent une éternité. Mais c’est nécessaire». Quelques parties civiles se lèvent et sortent. Au micro, un avocat redonne le numéro d’assistance psychologique pour ceux qui écoutent via la webradio. Le groupe Eagles of Death Metal résonne, interrompu par des salves de tirs. L’audio se coupe, silence.
 
Du reste des 2 heures 38 d’enregistrement, il ne lira que quelques extraits. «Je vais glisser ma voix dans celle des terroristes, ce qui n’est pas la chose la plus facile à faire». Il hausse le ton. «Cache-toi ou je tire! Lève-toi ou je te tue!» crie-t-il dans le micro. «Pourquoi vous bombardez nos frères en Syrie? On est venu ici pour faire la même chose. Viens ici toi, viens! On va vous bombarder ici sur terre. Nous, on n’a pas besoin d’avions». «Je t’avais prévenu de pas bouger… Vous connaissez Daech, l’État islamique?».
 
Sur la «bande-son», les enquêteurs ont compté les coups de feu de cette «séquence» de 32 minutes: 258, en rafale et au coup par coup.
 
Le procès des attentats djihadistes du 13 novembre 2015 (130 morts et plus de 350 blessés), les plus meurtriers commis en France, doit reprendre lundi. (AFP)
 
 
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