La volonté du président de la république de concrétiser durablement la reddition des comptes a fait long feu. Trois ans derrière, en promouvant Aminata Touré à la primature et en plaçant Sidiki Kaba à la Justice, Macky Sall posait les jalons de la liquidation politique des dossiers judiciaires induits par la traque des biens mal acquis.
Ministre de la Justice à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, Aminata Touré a donné une impulsion certaine à la traque des biens dits mal acquis, en bonne place dans le programme fondamental du président de la république concernant les principes de rupture et de bonne gouvernance. Dans le régime présidentialiste qui est le nôtre, seule une volonté politique expressément concrète peut faire bouger les lignes. Dans un premier temps – et sans que l’on soit convaincu de la sincérité originelle du chef de l’Etat – les choses ont évolué à l’endroit, même si la Crei est décriée eu égard à son caractère de juridiction d’exception. Arrêter Karim Wade, le mettre en demeure avant de l’emprisonner n’était pas chose évidente. Aller cueillir Cheikh Béthio Thioune pour son implication présumée dans le meurtre atroce de deux Thiantacounes et le déposer à la prison de Thiès relevait d’un courage politique assez rare.
Bien avant, le Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite, Alioune Ndao, fougueux et déterminé, avait rendu public la fameuse liste des 25 dignitaires et responsables politiques de l’ancien régime soupçonnés d’enrichissement illicite. Immunité parlementaire levée pour ceux qui étaient député, interdiction de sortie du territoire, contrôle judiciaire… La traque des délinquants économiques et financiers que Wade avait contribué à fabriquer semblait fonctionner. Et ce, d’autant plus que le Pds, alors adversaire principal du pouvoir, usait de la guérilla politique pour refuser la désintégration de son appareil politique.
Mais il était comme gravé sur du marbre de qualité «renoncement» que le président de la république n’avait plus envie, volonté et/ou capacités – pour diverses raisons étayées dans notre édition précédente – de poursuivre sérieusement la politique de traque des biens mal acquis. Il en donnera plus tard des signes évidents, sous forme d’appels subliminaux dont l’épicentre est cette conférence de presse organisée en avril 2015 en marge du conseil des ministres délocalisé de Kaffrine.
Entourloupe
Mais au regard de l’attachement manifeste des Sénégalais à la reddition des comptes, il fallait trouver l’entourloupe la meilleure pour faire croire que le processus allait continuer. Contre vents et marées. Aminata Touré étant restée ferme dans la dynamique et n’espérant pas une inflexion de sa part, Macky Sall projette alors de la déplacer, comme dans un jeu d’échecs. Mais pour la mettre où ? Un poste ministériel de même niveau aurait suscité la suspicion : pourquoi changer une ministre qui donne satisfaction sur un dossier aussi capital pour la crédibilité du chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance ? Il décida alors d‘en faire une «Reine», un Premier ministre, numéro 2 de l’Exécutif. Pour tuer tout soupçon par rapport au revirement spectaculaire qu’il préparait.
En réalité, le président de la république avait fait d’Aminata Touré une solution transitoire à la tête du gouvernement, mais surtout un choix par défaut au ministère de la Justice. Son objectif fondamental visait à donner de la crédibilité à une traque des biens mal acquis dont il n’avait qu’une vision réductrice : règlement de comptes politiques stricto sensu au service d’un dessein politique incertain. Depuis son arrivée au pouvoir, son choix était fait : il voulait Mohamed Boun Abdallah Dionne comme Premier ministre et lui seul. Dionne, l’ami proche qui avait l’exil au beau milieu de la guerre fratricide contre le clan Wade.
Mises en scène
Toute la tactique de Macky Sall était (et encore aujourd’hui) truffée de mises en scène visant à contenir ce qu’il estime être des conséquences politiques de la reddition des compte. Sidiki Kaba ? Sa nomination a été le signe avant-coureur de la neutralisation de ces effets là. Sa feuille de route consistait à encadrer les dossiers déjà ouverts, comme ceux d’Aida Ndiongue et de Taïbou Ndiaye, en leur trouvant une issue politique qui convienne à tous. Ce qui fut fait presque avec brio, notamment en ce qui concerne l’ex-maire libérale des HLM, devenue subitement l’une des deux portes d’entrée publiques (avec le «dialogue national») de la réconciliation de Macky Sall avec le Pds. C’était lors d’une cérémonie de présentation de condoléances au domicile d’une autre responsable Pds. L’ancien président de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (Fidh) n’a pas été choisi au hasard : il a été pourfendeur de la Crei dans une autre vie, versant droits humains, loin de la politique et de ses impératifs. Point de hasard également quand le garde des Sceaux a rapidement obtenu la tête du procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao. Jugé un peu trop libre et, surtout, imprévisible et incontrôlable, l’ex-policier devenu magistrat était un obstacle de taille au plan Sall-Sidiki. Sa liquidation était une nécessité qui a fini par faire loi.
En même temps qu’il expédiait ces affaires courantes qui encombraient le palais, son devoir était également d’entretenir l’illusion dans l’opinion que la traque ne saurait s’arrêter. La ritournelle perdure depuis la condamnation de Karim Wade en mars 2015, relayée sans grande conviction par les haut-parleurs de soubrettes grisées par le pouvoir. Mais personne n’est dupe : la traque des biens mal acquis au Sénégal n’a plus de sens avec l’épilogue rocambolesque du dossier Karim Wade. Efficace quand même, le Tambacoundois. Mais à quel prix ! Quant à Aminata Touré, elle doit être bien à l’aise…
Ministre de la Justice à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, Aminata Touré a donné une impulsion certaine à la traque des biens dits mal acquis, en bonne place dans le programme fondamental du président de la république concernant les principes de rupture et de bonne gouvernance. Dans le régime présidentialiste qui est le nôtre, seule une volonté politique expressément concrète peut faire bouger les lignes. Dans un premier temps – et sans que l’on soit convaincu de la sincérité originelle du chef de l’Etat – les choses ont évolué à l’endroit, même si la Crei est décriée eu égard à son caractère de juridiction d’exception. Arrêter Karim Wade, le mettre en demeure avant de l’emprisonner n’était pas chose évidente. Aller cueillir Cheikh Béthio Thioune pour son implication présumée dans le meurtre atroce de deux Thiantacounes et le déposer à la prison de Thiès relevait d’un courage politique assez rare.
Bien avant, le Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite, Alioune Ndao, fougueux et déterminé, avait rendu public la fameuse liste des 25 dignitaires et responsables politiques de l’ancien régime soupçonnés d’enrichissement illicite. Immunité parlementaire levée pour ceux qui étaient député, interdiction de sortie du territoire, contrôle judiciaire… La traque des délinquants économiques et financiers que Wade avait contribué à fabriquer semblait fonctionner. Et ce, d’autant plus que le Pds, alors adversaire principal du pouvoir, usait de la guérilla politique pour refuser la désintégration de son appareil politique.
Mais il était comme gravé sur du marbre de qualité «renoncement» que le président de la république n’avait plus envie, volonté et/ou capacités – pour diverses raisons étayées dans notre édition précédente – de poursuivre sérieusement la politique de traque des biens mal acquis. Il en donnera plus tard des signes évidents, sous forme d’appels subliminaux dont l’épicentre est cette conférence de presse organisée en avril 2015 en marge du conseil des ministres délocalisé de Kaffrine.
Entourloupe
Mais au regard de l’attachement manifeste des Sénégalais à la reddition des comptes, il fallait trouver l’entourloupe la meilleure pour faire croire que le processus allait continuer. Contre vents et marées. Aminata Touré étant restée ferme dans la dynamique et n’espérant pas une inflexion de sa part, Macky Sall projette alors de la déplacer, comme dans un jeu d’échecs. Mais pour la mettre où ? Un poste ministériel de même niveau aurait suscité la suspicion : pourquoi changer une ministre qui donne satisfaction sur un dossier aussi capital pour la crédibilité du chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance ? Il décida alors d‘en faire une «Reine», un Premier ministre, numéro 2 de l’Exécutif. Pour tuer tout soupçon par rapport au revirement spectaculaire qu’il préparait.
En réalité, le président de la république avait fait d’Aminata Touré une solution transitoire à la tête du gouvernement, mais surtout un choix par défaut au ministère de la Justice. Son objectif fondamental visait à donner de la crédibilité à une traque des biens mal acquis dont il n’avait qu’une vision réductrice : règlement de comptes politiques stricto sensu au service d’un dessein politique incertain. Depuis son arrivée au pouvoir, son choix était fait : il voulait Mohamed Boun Abdallah Dionne comme Premier ministre et lui seul. Dionne, l’ami proche qui avait l’exil au beau milieu de la guerre fratricide contre le clan Wade.
Mises en scène
Toute la tactique de Macky Sall était (et encore aujourd’hui) truffée de mises en scène visant à contenir ce qu’il estime être des conséquences politiques de la reddition des compte. Sidiki Kaba ? Sa nomination a été le signe avant-coureur de la neutralisation de ces effets là. Sa feuille de route consistait à encadrer les dossiers déjà ouverts, comme ceux d’Aida Ndiongue et de Taïbou Ndiaye, en leur trouvant une issue politique qui convienne à tous. Ce qui fut fait presque avec brio, notamment en ce qui concerne l’ex-maire libérale des HLM, devenue subitement l’une des deux portes d’entrée publiques (avec le «dialogue national») de la réconciliation de Macky Sall avec le Pds. C’était lors d’une cérémonie de présentation de condoléances au domicile d’une autre responsable Pds. L’ancien président de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (Fidh) n’a pas été choisi au hasard : il a été pourfendeur de la Crei dans une autre vie, versant droits humains, loin de la politique et de ses impératifs. Point de hasard également quand le garde des Sceaux a rapidement obtenu la tête du procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao. Jugé un peu trop libre et, surtout, imprévisible et incontrôlable, l’ex-policier devenu magistrat était un obstacle de taille au plan Sall-Sidiki. Sa liquidation était une nécessité qui a fini par faire loi.
En même temps qu’il expédiait ces affaires courantes qui encombraient le palais, son devoir était également d’entretenir l’illusion dans l’opinion que la traque ne saurait s’arrêter. La ritournelle perdure depuis la condamnation de Karim Wade en mars 2015, relayée sans grande conviction par les haut-parleurs de soubrettes grisées par le pouvoir. Mais personne n’est dupe : la traque des biens mal acquis au Sénégal n’a plus de sens avec l’épilogue rocambolesque du dossier Karim Wade. Efficace quand même, le Tambacoundois. Mais à quel prix ! Quant à Aminata Touré, elle doit être bien à l’aise…
Mame Less Camara (Journaliste) «Une entorse grave à notre souveraineté» «Le président a été assisté dans sa décision, soit par des gens qui lui ont suggéré la décision à prendre, ou/et/qui lui ont suggéré la procédure, le moment et les procédures d’évacuation à toute vitesse d’un prisonnier qui vient de sortir de prison pour sauter dans un Jet privé pour quitter le pays. Maintenant, la chose qui dérange énormément, c’est l’information à vérifier de la présence à bord du Jet privé d’un Procureur qatari qui attendait qu’on lui livre – comme on aurait dit dans un polar ou un film sur la mafia – le colis. Et ça, véritablement, c’est une entorse grave à tout ce que l’on peut dire sur la souveraineté (du Sénégal). Autre chose : avec le Qatar, il faut y aller mollo. Je pense que ce pays a des capacités de subversion qui sont inversement proportionnelles à sa (petite) taille. Et pour cela, il faut éviter d’entrer dans des accords secrets - pour ne pas utiliser le mot deal – avec de tels Etats. Encore une fois, quand les raisons sont aussi transparentes, faire semblant d’être aussi sincère en disant la vraie vérité, au lieu d’essayer de nous faire croire que le président, du fait de ses prérogatives constitutionnelles, a décidé, pour des raisons humanitaires,… Mais combien y a-t-il de malades qui vont mourir de tuberculose, de diabète et d’autres maladies dans les prisons sénégalaises ? Karim Wade, Dieu merci, donne l’impression d’être un solide gaillard au plan physique…» |