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A propos des initiatives mémorielles des mouvances historiques des gauches communistes: note sur la question noire et le panafricanisme communiste

Samedi 6 Janvier 2024

Diagne Fodé Roland
Diagne Fodé Roland

Des anciens marxistes-léninistes de l’ex-gauche communiste du PAI, PIT, LD, AJ expriment de plus en plus le besoin d’une transmission mémorielle de leurs expériences malgré et au-delà de la faillite totale dans laquelle sont plongées ces organisations suite à leur intégration capitulation dans les gouvernements libéraux de la première et de la seconde alternance néocoloniale. Objectivement ce besoin de transmission mémorielle résulte à la fois des âges avancés mais aussi de l’émergence parallèle de nouveaux bataillons d’une jeunesse militante patriotique et panafricaine qui rejette en bloc, fort justement, les leaders connus renégats qui ont troqué leur engagement révolutionnaire d’antan contre des places ministériels et autres postes de sinécures au sein des bourgeoisies bureaucratiques d’État néocoloniales.

 

Des militants de Ferñent ont participé à l’expérience du Comité National de célébration du Manifeste du PAI sous l’égide des Doyens du PAI, feu Moctar Fofana Niang, feu Sadio Camara, feu Gormack Thiam, Alla Kane, Babacar Sokhna, François Lô, Abdou kane, Abdou Nancy, etc. Expérience qui a produit des livres personnels ou collectifs, des conférences et colloques et un film mis à la disposition de la nouvelle génération.

 

Ferñent considère que ce besoin de transmission de la part des résistants de l’ex-gauche, qui ont rejeté les reniements, est légitime, mais note aussi le manque de clarté parfois parce que faisant se côtoyer des ex-acteurs de la gauche qui sont situés des côtés opposés de la barricade de la lutte de libération et de la lutte des classes, ce qui jette une suspicion voire un discrédit sur la bonne foi des bien intentionnés.

 

Franchement, les traîtres n’ont rien à y faire. La tragédie du « cancer de la trahison », dont parlait Amilcar Cabral sur la dépouille mortelle de Nkwame Nkrumah, qui s’est abattue sur la gauche sénégalaise avait fait l’objet d’un avertissement clairvoyant d’Engels dès1894 : 

 

« Après la victoire commune, on pourrait nous offrir quelques sièges au nouveau gouvernement - mais toujours en minorité. Cela est le plus grand danger. Après février 1848, les démocrates socialistes français (...) ont commis la faute d’accepter des sièges pareils. Minorité au gouvernement des républicains purs, ils ont partagé volontairement la responsabilité de toutes les infamies votées et commises par la majorité, de toutes les trahisons de la classe ouvrière à l’intérieur. Et pendant que tout cela se passait, la classe ouvrière était paralysée par la présence au gouvernement de ces messieurs, qui prétendaient l’y représenter » (La révolution italienne à venir et le Parti Socialiste - P.486).

 

Ce mélange des « torchons et des serviettes », des « bukkis et des volailles » est un résidu de la rupture non totalement assumée qui prête à confusion et discrédite aux yeux des jeunes militants rebelles ces « parts de vérités » de ceux et celles restés fidèles aux valeurs et idéaux du don de soi anti-impérialiste dont ont fait montre des centaines de révolutionnaires du PAI, PIT, LD, AJ, RTAS, RND. Ce fut le cas par exemple de l’échec prévisible du MAG (Assises de la gauche) qui mêlaient collabos et résistants au début de la première alternance libérale néocoloniale.

 

Malgré cette réserve, il est clair que la rencontre entre les résistants de l’ex-gauche communiste et la rébellion patriotique et panafricaine de la jeunesse en quête d’une vie meilleure au pays ne peut qu’être salutaire en ce sens qu’elle met cette dernière à l’école des prouesses héroïques méconnues des anciens pour leur éviter le syndrome de l’éternelle « découverte du feu », pour leur éviter la chimère « qu’avant nous, il n’y avait rien », « l’histoire commence avec moi, ma génération ». Une telle rencontre bénéfique à la lutte d’aujourd’hui met aussi l’ancienne génération à l’école de l’énergie, de l’esprit d’initiative et du savoir faire technique de la jeunesse militante qui maîtrise les moyens technologiques, notamment de communication.

 

La mémoire critique du passé révolutionnaire est un des guides de l’action du présent et constitue une des assurances vie de la victoire de la révolution et de sa consolidation dans le futur. Sachant le chemin fait par les anciens, leurs réussites et leurs échecs, l’actuelle génération en lien avec leur mémoire partagée saura prendre en compte et mettre en application l’enseignement d’Amilcar Cabral paraphrasant Lénine : « si la révolution peut éclater sans théorie, on ne connaît aucune révolution victorieuse sans théorie ». C’est aussi à cela que peut servir la rencontre entre les mémoires révolutionnaires transmises et l’action révolutionnaire de la jeunesse patriotique et singulièrement communiste révolutionnaire. Une telle rencontre est donc un élément nécessaire pour produire sur la base du REOL (Recherche, Elaboration, Organisation de la Lutte) l’analyse concrète partagée de la réalité concrète pour féconder la libération nationale et l’émancipation sociale.

 

Toutefois, dans leur anthologie mémorielle de la mouvance Reenu Reew Mi/And-Jef/Xarebi, des militants de la première heure de l’ex-courant « armé de la pensée Mao Tsé Toung » écrivent : « L’OML (Organisation Marxiste-Léniniste) est héritière du MCI (Mouvement Communiste Internationale) et des premiers Sénégalais dont Lamine Senghor, Amadou Gaye, Amadou Dièye membres du Parti Communiste Français (PCF) et de l’Union Inter coloniale. Ils sont redevables au PCF et à l’Internationale Communiste (IC) au plan de la formation théorique, et politique, de la pratique militante et de l’entraînement à la lutte contre la répression et l’infiltration policière mais leur déception fut grande en l’endroit du PCF. Car en 1927, suite à l’échec de « l’Union Inter coloniale », des difficultés surgirent et altèrent leurs rapports en particulier avec le PCF. Le nœud principal des contradictions s’est situé au plan de la conception du PCF en matière coloniale. Lamine Senghor déclara très explicitement « le parti (PCF) voit la révolution par le haut, nous nous la voyons par le bas ». Selon le PCF, l’indépendance dans les colonies doit être subordonnée à la tactique dans la métropole. Cette divergence s’inscrit dans un problème plus vaste car l’Internationale Communiste (IC) avait une très mauvaise lecture de la situation des colonies (tant en Asie qu’en Afrique) mais aussi de la question noire. Ces questions, ainsi que l’application du Marxisme-Léninisme dans les conditions du Sénégal et le Panafricanisme seront au cœur des préoccupations de l’OML » (p. 16).

 

Il y a manifestement d’abord de la part des auteurs de ce texte, pour le moins, une « très mauvaise lecture », une erreur sérieuse pour ne pas dire plus dans l’amalgame qui est fait entre PCF et IC concernant la question nationale et coloniale, notamment la question noire. Il y a une ignorance des 21 conditions d’adhésion à l’IC. Il n’existe aucune critique visant l’IC de Lamine Arfan Senghor ou de Tiémokho Garang Kouyaté de la ligne sur la question nationale et coloniale, sur la question noire. Lamine Arfan Senghor (décédé avant sa mise formelle en place) et Tiémokho Garang Kouyaté ont été membres de la Commission Noire de l’IC et y ont participé avec le communiste noir étatsunien James Ford, les communistes sud-africains Alfred Nzula, Laguma, etc. Cette Commission ainsi que dans le cadre du Profintern (Syndicalisme rouge) a élaboré des résolutions sur les questions noires aux USA, en Afrique du Sud et plus généralement à l’échelle internationale.

 

Ensuite, il faut préciser que les déviations de droite de la section française de l’IC, le PCF, ont co-existé à l’époque avec des prouesses historiques qui en ont fait le parti des « fusillés » FTP et FTP/MOI de la résistance et de la victoire contre les collabos de l’occupant nazi de la France, les « porteurs de valises » du réseau Curiel pour les combattants algériens, l’un des partis soutiens à la Conférence internationaliste de Bruxelles en 1927 qui a révélé Lamine Arfan Senghor, les grandes grèves de solidarité avec la lutte insurrectionnelle du RIF Marocain, la mise en place des Groupes d’Eudes Communistes (GEC) en Afrique noire, le soutien à la fondation du RDA, puis plus tard au PAI. Ces déviations sont allées croissantes au point que le PCF a voté les « pleins pouvoir » en 1956 sous la houlette des socialistes français contre le peuple algérien, a été relativement silencieux sur les massacres du peuple insurgés du Cameroun de 1955 à 1971 et finalement s’est englué dans l’Eurocommunisme anti-soviétique avant de se social-démocratiser totalement aujourd’hui.

 

Nous ne pouvons donc que mettre sur le compte de l’étape « d’enfance de l’OML » cette sorte « d’application du marxisme-léninisme dans les conditions du Sénégal et le Panafricanisme au cœur des préoccupations ».

 

Nous avons aussi connu « notre enfance » d’apprentissage du Marxisme-Léninisme que notre étude du 7éme et dernier congrès de l’IC sur la tactique anti-fasciste et avant du 6éme congrès, notamment les thèses sur la révolution dans les colonies et semi colonies ont permis de dépasser pour aller vers ce que nous avons appelé « vers la maturité » que la victoire dans les années 89/91 de la contre-révolution bourgeoise en URSS et dans le camp socialiste d’Europe a fait relativement subir un reflux qui s’est manifesté par l’implosion du RTAS.

 

La réévaluation critique rétrospective de notre propre expérience, celle du MCI et camp socialiste mondial, sur une base d’enquête forcément non exhaustive, nous a conduit à définir la défaite des années 89/91 de partielle en signalant l’existence des rescapés du camp socialiste que sont la Chine, la Corée du Nord, le Vietnam, Cuba. Et, dans deux brochures sur les cent ans du PCC et sur la place de la RPC dans l’histoire, à soutenir leurs expérience en cours de préservation et de développement du « socialisme de marché à la chinoise » comme une NEP initialement expérimentée en URSS sous l’égide de Lénine lui même. Notre approche fait ici un parallèle entre les deux références de la révolution bourgeoise anti-féodale que sont celle d’Angleterre de la monarchie parlementaire au 17éme et début 18éme siècles et celle républicaine bourgeoise de la France fin 18éme et début 19éme siècle et se sont prolongées par des formes nationales propre à chaque capitalisme national.

 

En ce qui concerne la question noire et l’IC, nous soumettons ci-dessous à la critique scientifique révolutionnaire certains de nos propres textes relatant brièvement le travail fait à l’époque par l’IC qui n’a jamais cessé d’œuvrer à la « Bolchevisation » de ses sections nationales à l’échelle internationale jusqu’à se dissolution en 1943, c’est-à-dire à faire le travail idéologique et pratique de rupture totale avec les stigmates réformistes de la social-démocratie qui est devenue depuis belle lurette la « gauche » du capital dans le centre impérialiste et du néocolonialisme dans les pays opprimés. 

Diagne Fodé Roland

 
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