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AFFAIRE SONKO : Et si l’Etat cherchait à battre en retraite ?

Jeudi 25 Août 2016

Les habitudes mentales en vigueur dans les régimes qui s’essaient frileusement à l’autoritarisme sont partout les mêmes au moins sur un plan : l’abus d’autorité. Ce qu’il s’est passé aujourd’hui à l’audition avortée d’Ousmane Sonko par le conseil de discipline du ministère de la Fonction publique est effarante à cet égard.

Le secrétaire général du parti Pastef est arrivé sur les lieux en compagnie des cinq avocats qui assurent sa défense : Mes Bamba Cissé, Demba Ciré Bathily, Abdourahmane So «Lénine». Amadou Sow et Abdallah Dieng. Problème numéro 1 : à l’entrée, on lui notifie qu’il n’a droit qu’à un seul défenseur face à ses juges. Problème numéro 2 : ses avocats et lui disent qu’ils entreront tous ensemble ou quitteront les lieux. Problème numéro 3 : un officiel intervient pour confirmer le problème numéro 1 : Sonko n’a droit qu’à un seul avocat. C’est la guerre de nerfs.

Or, un différend de cette nature, à défaut d’une solution de consensus entre les parties, ne peut trouver d’issue juste et équitable que dans les textes. Problème numéro 4 : les dits textes sont muets sur la question. Qui est responsable et coupable ? L’Etat, évidemment, et ses fonctionnaires-vigiles qui ont peut-être reçu et appliqué des directives venues d’en haut.
Quand un Etat est fautif, il appartient à ses représentants de corriger le tir en faisant respecter la loi qui sied en chaque circonstance. S’il n’existe pas de texte stipulant noir sur blanc qu’un fonctionnaire traduit devant le conseil de discipline n’a droit qu’à un seul avocat au cours de son audition, pourquoi Ousmane Sonko et ses avocats accepteraient-ils qu’on leur impose un quota arbitraire et sans base juridique ?

L’honneur des fonctionnaires qui agissent au nom de la puissance publique n’est pas d’obéir à des oukases politiques parachutés par on ne sait quelle autorité invisible ; il est de prendre leur courage à deux mains pour faire passer les bonnes mesures qui ne sont pas contradictoires à la loi. Etre républicain a un prix que certains acceptent de payer, d’autres, non. C’est ce comportement irresponsable fondé sur l’instinct de survie qui favorise l’émergence de régimes autoritaires et autistes lesquels finissent pas brimer les citoyens et la citoyenneté.

Finalement, on se demande à quel jeu jouent les autorités dans cette affaire. Ont-elles été surprises par l’ampleur du soutien populaire inédit à un inspecteur des Impôts persécuté par la plus haute autorité de la république ? Quel est l’enjeu pour elles de devoir annuler une audition pour un différend portant sur un nombre fétiche d’avocats à accepter autour de la table ? Craignent-elles de tomber dans le ridicule d’un dossier maigrichon et trop mal ficelé pour envoyer à l’abattoir un fonctionnaire justement insoumis ? Pourquoi s’arc-boutent-elles à un élément qui apparaît purement formel ?  

La prédominance du parti-Etat dans notre pays impose aujourd’hui de faire en sorte que les autorités politiques n’aient plus la latitude de juger un fonctionnaire en manipulant d’autres fonctionnaires. Une commission de discipline est sans doute une nécessité mais elle doit évoluer dans le cadre d’un Etat de droit où le pouvoir politique est lui-même respectueux de la loi, des institutions et des droits des citoyens. Dans notre pays, c’est une illusion extraordinaire. A ce niveau, la révolution ne viendra que des fonctionnaires eux-mêmes.

 
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