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AG/ONU : Le président Bassirou Diomaye Faye flétrit l’universalisme dominateur des grandes puissances

Jeudi 26 Septembre 2024

Pour son baptême du feu devant de la 79e Assemblée générale de l’ONU, le président sénégalais élu en mars 2024 a dénoncé le suprémacisme de certaines puissances dans la gouvernance des affaires du monde. Une posture génératrice de guerres et de faim dont il tient l’ONU et le Conseil de sécurité en partie responsables. Bassirou Diomaye Faye estime impératif de mettre en oeuvre un « contrat social global » pour l’humanité.

« Je me méfie un peu de l’humanisme universaliste qui cache souvent un européocentrisme. » Ces propos un brin modérés d’Amadou Mahtar Mbow, décédé le 24 septembre à Dakar, datent de février 1975, extraits d’un portrait qui lui était consacré dans « Le Courrier » alors qu’il était depuis un an directeur général de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). Des mots qui ont peut-être inspiré Bassirou Diomaye Faye. Lors de son 1er discours devant l’Assemblée générale de l’ONU le 25 septembre 2024 à New York, le président sénégalais a affirmé qu’« aucune nation ne devrait imposer aux autres ses pratiques ou ses valeurs comme des normes universelles » car « le respect des différences est le fondement de la paix et de la stabilité dans le monde ».  

 

Face ses pairs du monde entier, le président Faye a appelé les puissances mondiales, sans les citer, à « (…) rompre toute tentative d’imposition de normes civilisationnelles unilatérales » afin de promouvoir une « égale dignité des cultures et des civilisations » dans une « diversité » qui « doit continuer à être la base de la coexistence pacifique entre les peuples. »

 

A cet égard, Bassirou Diomaye Faye voit dans la sauvegarde et le renforcement du multilatéralisme « un cadre unique d’action pour la paix et la sécurité internationales ». Néanmoins, une telle vision ne saurait aboutir sans des réformes profondes et urgentes des institutions de Bretton Woods que sont le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale, et du Conseil de sécurité des Nations unies. Celles-ci doivent être « plus inclusives » et mieux refléter « les réalités géopolitiques et économiques actuelles ».

 

Multilatéralisme saccagé

 

Directeur général de l’Unesco durant 13 ans, Amadou Mahtar Mbow s’est heurté au mur des grandes puissances quand il a voulu promouvoir un ‘’Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication’’ dont les pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine tireraient réellement avantage. Mais le fameux NOMIC est implacablement combattu par les Etats-Unis et certains de leurs alliés au prix de leur départ de l’organisation onusienne. Une posture qui a finalement contraint Mbow à quitter ses fonctions pour mettre un terme au blocage de l’institution. Le multilatéralisme était déjà à l’ordre du jour. Un autre sénégalais, président de la République, le remet aujourd’hui en selle dans un contexte mondial encore plus complexe.

 

Les initiatives visant à octroyer une plus grande représentativité à l’Afrique et à d’autres puissances au sein du Conseil de sécurité de l’ONU se heurtent à l’hostilité de certains membres de cet inamovible « Club des 5 » soucieux de préserver des prérogatives suzeraines qui datent des lendemains de la seconde guerre mondiale. Par exemple, la dernière proposition des Etats-Unis formulée par son ambassadrice auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, voudrait accorder deux sièges permanents à l’Afrique mais sans droit de véto… Or, pour le chef de l’Etat sénégalais, « le continent africain (…) doit avoir une place plus importante dans ces instances de décision » dont le Conseil de sécurité.

 

Les responsabilités des Nations unies et du Conseil de sécurité dans « la tragédie qui se déroule dans le Sahel » ont été soulignées par le président sénégalais. Mais Bassirou Diomaye Faye a surtout dénoncé la transfiguration de « cette région autrefois stable » en espace de « théâtre » mortuaire dans lequel des puissances etrangeres loin de leurs territoires rivalisent d’ardeur et de stratégie pour asseoir leurs influences dans une ambiance de déstabilisation permanente de la zone. Au même moment, « des groupes terroristes sèment la terreur, pillent et tuent des populations civiles innocentes », s’est indigné le numéro un sénégalais. 

 

« La paix et la sécurité de l’Afrique sont indissociables de la paix mondiale », assure-t-il. Aussi, est-il impératif « que le Conseil de sécurité remplisse pleinement son rôle en tant que garant de la stabilité internationale ». 

 

Autrefois alliés indéfectibles de la France, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont rompu leurs liens historiques avec l’ancienne puissance coloniale pour créer la Confédération du Liptako-Gourma, une Alliance des Etats du Sahel (AES). Ces trois régimes militaires, après avoir collectivement quitte la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), ont établi des relations plus poussées avec un partenaire stratégique, la Russie, notamment pour lutter contre le terrorisme et les bandes djihadistes qui déstabilisent leurs pays.

 

Le diagnostic du chef de l’Etat sénégalais a franchi le cadre africain car, en réalité, la remise en cause généralisée du principe multilatéraliste est inquiétante partout et pour beaucoup de peuples « à un moment où l’humanité en a le plus besoin ». Notamment dans les Territoires occupés de Palestine par Israël et où « des générations entières (…) ont grandi sous l’ombre de l’oppression, privées de leur droit fondamental à un Etat viable ». 

 

Ode pour le Sahel et la Palestine

 

L’opération « Déluge d’Al Aqsa » lancée le 7 octobre 2023 par la résistance palestinienne Hamas contre le « territoire » israélien a déclenché une riposte sanglante des armées de Tsahal contre le ghetto de Gaza et en Cisjordanie occupée. Le bilan des victimes, surtout femmes et enfants, ne devrait plus être loin de 45 mille morts et plusieurs dizaines de milliers de blessés, beaucoup plus selon de nombreuses organisations humanitaires internationales. 

 

Pour le président Faye, la situation tragique qui frappe les Palestiniens doit être interrompue par la communauté internationale et par les dispositions du droit international et des résolutions des Nations unies, ignorées depuis plusieurs décennies. 

 

« Cette guerre qui n’épargne ni femmes, ni enfants, ni infrastructures vitales, est une plaie ouverte sur la conscience internationale. Il est impératif que le droit humanitaire international soit rétabli dans toutes les zones de conflit, et que les Nations unies jouent pleinement le rôle de médiateur et de garant de la paix ». 

 

« Le Sénégal, en tant que Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable. Nous réitérons notre soutien à la solution des deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies ».

 

Alors que les drames de la guerre, de la violence et de la rébellion contre certains ordres établis se multiplient, au Sahel et au Soudan, en République démocratique du Congo et dans la Corne de l’Afrique, en Haiti et ailleurs, le président sénégalais rappelle que « la paix, c’est aussi la possibilité pour chaque être humain de vivre dans la dignité, de se nourrir, de se loger, de s’éduquer et de recevoir des soins ». Sur ce plan, les Objectifs de Développement Durable (ODD) sont en situation d’échec avec « plus de 750 millions de personnes (qui) ne mangent pas à leur faim ». 

 

Pour le chef de l’Etat sénégalais, le monde a besoin d’un « nouveau contrat social global » à la fois pour « rompre avec la logique du chacun pour soi » et pour bannir « les mécanismes de gouvernance mondiale » considérés comme facteurs de reproduction des inégalités sur la planète.  

 
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