"C'est la gentillesse de mon patron qui m'a plu ici", confie pudiquement Adam. Rescapé à l'adolescence de persécutions au Tchad et de tortures à l'électricité en Libye, ce réfugié a trouvé le salut dans une entreprise française, en immersion parmi 43 employés.
Tôt le matin, le discret jeune homme préfère le calme de la forêt à la route pour marcher entre son centre d'hébergement pour migrants et l'entreprise de motoculture de plaisance Crosnier à Bonnelles (région parisienne), où il a trouvé du travail depuis mars 2017. "Le patron est sympa, il aime bien aider les gens et il m'explique plein de choses. Ca me permet de me construire un petit peu, de construire un avenir", explique Adam Osman à l'AFP.
A 24 ans, il raconte avoir déjà connu le pire. Un peu à l'écart de l'entreprise qui grouille de bruits de machine, son visage marqué de fines scarifications traditionnelles de sa tribu d'éleveurs Ouaddaï se crispe.
Visiblement en souffrance, il relate avoir dû fuir le Tchad à l'adolescence en 2010 et des persécutions des autorités dans la région d'Abéché contre sa tribu, qui ont décimé ses proches. "Je n'ai plus de famille là-bas", lâche-t-il sans épiloguer. "Si je restais, c'était la prison ou la mort, alors j'ai fui en Libye", lance-t-il.
De 2010 à 2014, l'adolescent "grandit un peu" en Libye, formé à la débrouille dans la ville de Sorman (ouest de Tripoli). Il commence à travailler dans un garage automobile tenu par un Soudanais, subit les vols de gangs de jeunes libyens, se fait "arracher sa chemise en pleine rue". "A la mort de Kadhafi (fin 2011, NDLR), la vie en Libye est devenue pire qu'au Tchad (...) Les miliciens ont changé de méthode et sont passés au kidnapping".
- Calais, endroit pour "s'installer" ? -
Adam raconte avoir été kidnappé trois fois. La première, en 2012, le jeune s'en sort en donnant son portable et un peu d'argent. Mais les suivantes, il est torturé "sur les os, les jambes" aux décharges électriques. "Ils voulaient extorquer de l'argent à ma famille mais je n'avais plus personne à appeler...".
Des Libyens finissent par le laisser sortir de l'enfer de ces camps de détention. Il mettra trois mois en s'en remettre.
Il recommence à travailler au garage, mais seulement pour se nourrir et se loger - réalisant que l'argent qu'il économisait faisait de lui une cible des kidnappeurs - et se résout à embarquer pour l'Italie où il arrive miraculeusement. "On était 31 sur le bateau, le Somalien qui le conduisait avait été formé quelques heures avant, il ne savait pas où étaient les côtes de Sicile...".
En Libye, Adam avait entendu parler de Calais (nord de la France) comme "l'endroit où les migrants pouvaient s'installer". En 2014, il traverse la France pour s'y rendre et découvre un quotidien terrible pour les migrants qui s'y entassent. Pendant six mois, il dort dehors.
Après un parcours administratif du combattant, une errance dans plusieurs villes, il obtient son statut de réfugié en 2015. Il se bat pour obtenir des formations ou du travail, mais échoue et vit encore souvent à la rue.
Puis il croise en 2016 la route d'Isabelle Maurette, directrice d'un centre d'hébergement pour migrants (CHUM) à Bonnelles, où il obtient une mise à l'abri et commence un stage, se levant à 05h00 du matin pour rejoindre son centre de formation.
"Adam a une intelligence de coeur et d'esprit assez rare; je suis très fière de lui, il s'est accroché et a avancé à chaque fois", confie Mme Maurette.
- "Qualités professionnelles" -
Seconde rencontre décisive: celle de Julien Fredon, 40 ans, patron de l'entreprise Crosnier, plus gros employeur de Bonnelles, intéressé à proposer du travail à des réfugiés ayant des papiers, pour "jouer (notre) rôle de citoyen".
"On cherchait un technicien supplémentaire depuis trois ans, et on est les premiers à râler qu'il n'y a pas assez de jeunes bien formés en France (...) Adam est positif, autonome et d'une curiosité intéressante", explique M. Fredon.
Ironie du sort: ce sont ses années de calvaire et de petits boulots en Libye qui ont permis à Adam de décrocher un contrat comme mécanicien dans cette entreprise, et l'espoir d'un avenir plus serein.
Le patron le reconnaît, au départ, "il n'y a pas eu une tolérance absolue vis-à-vis de la venue d'Adam dans mon entreprise" au sein de laquelle certains employés "sont ouvertement racistes".
"Mais personne n'est remonté jusqu'à moi pour protester et finalement, ils ont intégré Adam aussi, emballés par son état d'esprit et ses qualités professionnelles", raconte-t-il.
Adam se souvient des "réflexions de certains collègues" au début, qui ont depuis cessé, qu'il attribue aux "peurs des gens qui ne comprennent pas les réfugiés".
Depuis le 4 septembre, Adam s'est lancé un défi de taille. Il a fait sa rentrée dans un lycée de la région pour obtenir un bac professionnel en deux ans, en alternance avec Crosnier. Il va devoir améliorer son français, dans un lycée où il est le seul réfugié, tout en assurant dans son entreprise.
"Je suis content, c'est moi qui l'ai voulu, je voudrais avoir un diplôme et peut-être continuer mes études après", confie-t-il avec émotion à la sortie des cours.
Julien Fredon a suivi de près la rentrée de son employé pas comme les autres. "C'est pas tout le monde qui a le cran de refaire sa vie ailleurs en gardant cette volonté d'avancer", confie-t-il. (AFP)
Tôt le matin, le discret jeune homme préfère le calme de la forêt à la route pour marcher entre son centre d'hébergement pour migrants et l'entreprise de motoculture de plaisance Crosnier à Bonnelles (région parisienne), où il a trouvé du travail depuis mars 2017.
A 24 ans, il raconte avoir déjà connu le pire. Un peu à l'écart de l'entreprise qui grouille de bruits de machine, son visage marqué de fines scarifications traditionnelles de sa tribu d'éleveurs Ouaddaï se crispe.
Visiblement en souffrance, il relate avoir dû fuir le Tchad à l'adolescence en 2010 et des persécutions des autorités dans la région d'Abéché contre sa tribu, qui ont décimé ses proches. "Je n'ai plus de famille là-bas", lâche-t-il sans épiloguer. "Si je restais, c'était la prison ou la mort, alors j'ai fui en Libye", lance-t-il.
De 2010 à 2014, l'adolescent "grandit un peu" en Libye, formé à la débrouille dans la ville de Sorman (ouest de Tripoli). Il commence à travailler dans un garage automobile tenu par un Soudanais, subit les vols de gangs de jeunes libyens, se fait "arracher sa chemise en pleine rue". "A la mort de Kadhafi (fin 2011, NDLR), la vie en Libye est devenue pire qu'au Tchad (...) Les miliciens ont changé de méthode et sont passés au kidnapping".
- Calais, endroit pour "s'installer" ? -
Adam raconte avoir été kidnappé trois fois. La première, en 2012, le jeune s'en sort en donnant son portable et un peu d'argent. Mais les suivantes, il est torturé "sur les os, les jambes" aux décharges électriques. "Ils voulaient extorquer de l'argent à ma famille mais je n'avais plus personne à appeler...".
Des Libyens finissent par le laisser sortir de l'enfer de ces camps de détention. Il mettra trois mois en s'en remettre.
Il recommence à travailler au garage, mais seulement pour se nourrir et se loger - réalisant que l'argent qu'il économisait faisait de lui une cible des kidnappeurs - et se résout à embarquer pour l'Italie où il arrive miraculeusement. "On était 31 sur le bateau, le Somalien qui le conduisait avait été formé quelques heures avant, il ne savait pas où étaient les côtes de Sicile...".
En Libye, Adam avait entendu parler de Calais (nord de la France) comme "l'endroit où les migrants pouvaient s'installer". En 2014, il traverse la France pour s'y rendre et découvre un quotidien terrible pour les migrants qui s'y entassent. Pendant six mois, il dort dehors.
Après un parcours administratif du combattant, une errance dans plusieurs villes, il obtient son statut de réfugié en 2015. Il se bat pour obtenir des formations ou du travail, mais échoue et vit encore souvent à la rue.
Puis il croise en 2016 la route d'Isabelle Maurette, directrice d'un centre d'hébergement pour migrants (CHUM) à Bonnelles, où il obtient une mise à l'abri et commence un stage, se levant à 05h00 du matin pour rejoindre son centre de formation.
"Adam a une intelligence de coeur et d'esprit assez rare; je suis très fière de lui, il s'est accroché et a avancé à chaque fois", confie Mme Maurette.
- "Qualités professionnelles" -
Seconde rencontre décisive: celle de Julien Fredon, 40 ans, patron de l'entreprise Crosnier, plus gros employeur de Bonnelles, intéressé à proposer du travail à des réfugiés ayant des papiers, pour "jouer (notre) rôle de citoyen".
"On cherchait un technicien supplémentaire depuis trois ans, et on est les premiers à râler qu'il n'y a pas assez de jeunes bien formés en France (...) Adam est positif, autonome et d'une curiosité intéressante", explique M. Fredon.
Ironie du sort: ce sont ses années de calvaire et de petits boulots en Libye qui ont permis à Adam de décrocher un contrat comme mécanicien dans cette entreprise, et l'espoir d'un avenir plus serein.
Le patron le reconnaît, au départ, "il n'y a pas eu une tolérance absolue vis-à-vis de la venue d'Adam dans mon entreprise" au sein de laquelle certains employés "sont ouvertement racistes".
"Mais personne n'est remonté jusqu'à moi pour protester et finalement, ils ont intégré Adam aussi, emballés par son état d'esprit et ses qualités professionnelles", raconte-t-il.
Adam se souvient des "réflexions de certains collègues" au début, qui ont depuis cessé, qu'il attribue aux "peurs des gens qui ne comprennent pas les réfugiés".
Depuis le 4 septembre, Adam s'est lancé un défi de taille. Il a fait sa rentrée dans un lycée de la région pour obtenir un bac professionnel en deux ans, en alternance avec Crosnier. Il va devoir améliorer son français, dans un lycée où il est le seul réfugié, tout en assurant dans son entreprise.
"Je suis content, c'est moi qui l'ai voulu, je voudrais avoir un diplôme et peut-être continuer mes études après", confie-t-il avec émotion à la sortie des cours.
Julien Fredon a suivi de près la rentrée de son employé pas comme les autres. "C'est pas tout le monde qui a le cran de refaire sa vie ailleurs en gardant cette volonté d'avancer", confie-t-il. (AFP)