Le German Marshall Fund des Etats-Unis organise à Marrakech la quatrième édition des « Atlantic Dialogues ». Dans la ville « ocre » du Royaume du Maroc, d’intenses sessions sont menées au pas de charge entre des intervenants de très haut niveaux que contredisent souvent des experts « cachés » sur les bancs du public très filtré de l’Hôtel Four Seasons. A propos de sécurité et de terrorisme, l’ex Premier ministre du Sénégal, Mme Aminata Touré, a fait face à plusieurs interlocuteurs dont Jean-David Levitte, ex-conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy durant la campagne de bombardements de la Libye en 2011.
Plus de quatre ans après les bombardements militaires massifs des avions de l’OTAN qui ont fait disparaître le régime de Mouammar Kadhafi, la Lybie ne ressemble plus à rien. Pays exsangue livré aux milices, cassé entre deux gouvernements, un « modéré » installé à Tobrouk et reconnu par la communauté internationale, un autre, « djihadiste », qui contrôle Tripoli, l’ex Jamahiriya arabe est à l’avant-garde des nouveaux désordres qui déstabilisent l’espace sahélo-saharien et rendent incontrôlables des portions significatives du bassin méditerranéen. |
De la Méditerranée, il en a été beaucoup question au premier des trois jours de « Atlantic Dialogues 2015 » dont la quatrième édition vient d’être clôturée à Marrakech, ce dimanche. De la situation en Libye, notamment, à travers une des sessions intitulée « The Future of Security ». Conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy lors des bombardements de la France et de l’OTAN en Libye, Jean-David Levitte ne regrette rien. « Si vous intervenez, vous êtes blâmés. Si vous n’intervenez pas, vous êtes blâmés. Nous avons été blâmés car nous sommes allés en Libye. Nous sommes blâmés car nous ne sommes pas assez présents en Syrie », s’est insurgé l’ex Sherpa de l’Elysée.
« Je préfère être libyen que syrien »
Dans sa logique, il s’est ensuite autorisé la comparaison visant à crédibiliser a posteriori les choix de Sarkozy et de l’Alliance militaire atlantique. « Si je devais choisir entre être un citoyen libyen ou être un citoyen syrien aujourd’hui, je préférerais être un citoyen de la Libye. » Allusion aux « 300 000 morts et (aux) millions de personnes déplacées » victimes du drame qui sévit au pays de Bachar Al Assad depuis 2011. Livrant un fragment de ses échanges avec l’ex chef de l’Etat français, JDL rapporte ce propos de Sarkozy : « Ne pas agir à Benghazi, c’est 80 000 morts garantis ». Aujourd’hui, a-t-il indiqué, « je pense que Nicolas Sarkozy avait raison. » La suite ? Les circonstances actuelles commandent de finir le travail entamé, a ajouté M. Levitte, soutenu par d’autres intervenants. « Il faut en arriver à la mise en place d’un gouvernement avec toutes les factions », a insisté celui qui a été surnommé « diplomator » pour ses compétences dans le métier.
« Finir le travail »
Une expression qui a fortement énervé Aminata Touré, ci-devant Premier ministre du Sénégal, devenue Envoyée spéciale du Président de la République et invitée du German Marshall Fund (GMF). S’exprimant dans un anglais limpide, Mme Touré a mis en garde contre les nouveaux va-t-en-guerre qui voudraient ré-enflammer la Libye. « Quand j’ai entendu dire qu’il faudrait finir l’affaire, j’ai failli sauter de mon siège, a-t-elle affirmé. Réfléchissons-y à deux fois avant d’aller dans cette voie parce que la dernière chose que nous voudrions serait de voir des musulmans modérés bondir et se mettre debout pour défendre leur pays contre l’impérialisme. »
« Je préfère être libyen que syrien »
Dans sa logique, il s’est ensuite autorisé la comparaison visant à crédibiliser a posteriori les choix de Sarkozy et de l’Alliance militaire atlantique. « Si je devais choisir entre être un citoyen libyen ou être un citoyen syrien aujourd’hui, je préférerais être un citoyen de la Libye. » Allusion aux « 300 000 morts et (aux) millions de personnes déplacées » victimes du drame qui sévit au pays de Bachar Al Assad depuis 2011. Livrant un fragment de ses échanges avec l’ex chef de l’Etat français, JDL rapporte ce propos de Sarkozy : « Ne pas agir à Benghazi, c’est 80 000 morts garantis ». Aujourd’hui, a-t-il indiqué, « je pense que Nicolas Sarkozy avait raison. » La suite ? Les circonstances actuelles commandent de finir le travail entamé, a ajouté M. Levitte, soutenu par d’autres intervenants. « Il faut en arriver à la mise en place d’un gouvernement avec toutes les factions », a insisté celui qui a été surnommé « diplomator » pour ses compétences dans le métier.
« Finir le travail »
Une expression qui a fortement énervé Aminata Touré, ci-devant Premier ministre du Sénégal, devenue Envoyée spéciale du Président de la République et invitée du German Marshall Fund (GMF). S’exprimant dans un anglais limpide, Mme Touré a mis en garde contre les nouveaux va-t-en-guerre qui voudraient ré-enflammer la Libye. « Quand j’ai entendu dire qu’il faudrait finir l’affaire, j’ai failli sauter de mon siège, a-t-elle affirmé. Réfléchissons-y à deux fois avant d’aller dans cette voie parce que la dernière chose que nous voudrions serait de voir des musulmans modérés bondir et se mettre debout pour défendre leur pays contre l’impérialisme. »
Jean-David Levitte avec Karen Donfried à sa gauche |
Avec les acquiescements du public massé dans le Ballroom de l’Hôtel « Four Seasons » de Marrakech, l’ex chef du gouvernement sénégalais a appelé ses interlocuteurs à « plus de modestie dans l’évaluation de la situation » qui prévaut aujourd’hui en Libye, sous peine d’engendrer des situations encore pires en d’autres endroits du continent africain ou ailleurs. « Je parle à mon contexte. Je parle à mon environnement. Et bien sûr, je parle de ce que je sais. Il serait intéressant de faire quelques recherches afin d’expliquer pourquoi des jeunes gens du Sud du Mali sont allés vendre leurs services aux Jihadistes. Il serait tout aussi intéressant de savoir comment se fait-il que le Nord du Nigéria qui est la partie la plus pauvre du pays, soit celle qui bénéficie le moins des retombées du pétrole. Ce n’est pas un hasard si là aussi vous avez Boko Haram. » Recourant à l’image vestimentaire pour montrer la diversité des situations, Aminata Touré a rappelé qu’« il ne peut y avoir une seule taille pour tout le monde ».
« Il faut répondre aux besoins des jeunes »
Sans pour autant accepter ni même justifier le recours à la violence, l’ancienne ministre de la Justice a insisté sur certains devoirs qui incombent aux autorités de tous les Etats confrontés au jihadisme et à toutes les dérives. « Je pense que nous devons nous assurer que nous comprenons les causes profondes de la raison pour laquelle ces jeunes sont mécontent et en colère. » Pêle-mêle, Aminata Touré cite les tracasseries sécuritaires dans les aéroports quand on s’appelle « Hussain ou Oumar », l’accumulation des frustrations liées au chômage, le désœuvrement de ces jeunes gens de banlieues « assis du matin au soir sans rien faire (et) qui finissent par être attirés par les discours extrémistes », etc.
Mais en même temps, l’ex Premier ministre du Sénégal voit dans la dynamique de l’exclusion un phénomène à deux têtes. « Dans une région comme l’Afrique de l’Afrique de l’Ouest, l’exclusion signifie que vous n’êtes pas un consommateur parce que nous vivons une société de l’IPhone, et en plus vous ne serez pas en mesure de vous marier. A contrario, nous oublions que les pauvres d’hier ne sont pas les pauvres d’aujourd’hui, la plupart des jeunes vont à l’école, ont un certain niveau intellectuel, et n’acceptent pas de rester à ne rien faire. » Face à de telles réalités, a poursuivi Aminata Touré, « vous devez vous assurer que vous répondez aux besoins des gens afin qu’ils ne tombent pas dans la frustration extrême qui mène à l’extrémisme. »
« Il faut répondre aux besoins des jeunes »
Sans pour autant accepter ni même justifier le recours à la violence, l’ancienne ministre de la Justice a insisté sur certains devoirs qui incombent aux autorités de tous les Etats confrontés au jihadisme et à toutes les dérives. « Je pense que nous devons nous assurer que nous comprenons les causes profondes de la raison pour laquelle ces jeunes sont mécontent et en colère. » Pêle-mêle, Aminata Touré cite les tracasseries sécuritaires dans les aéroports quand on s’appelle « Hussain ou Oumar », l’accumulation des frustrations liées au chômage, le désœuvrement de ces jeunes gens de banlieues « assis du matin au soir sans rien faire (et) qui finissent par être attirés par les discours extrémistes », etc.
Mais en même temps, l’ex Premier ministre du Sénégal voit dans la dynamique de l’exclusion un phénomène à deux têtes. « Dans une région comme l’Afrique de l’Afrique de l’Ouest, l’exclusion signifie que vous n’êtes pas un consommateur parce que nous vivons une société de l’IPhone, et en plus vous ne serez pas en mesure de vous marier. A contrario, nous oublions que les pauvres d’hier ne sont pas les pauvres d’aujourd’hui, la plupart des jeunes vont à l’école, ont un certain niveau intellectuel, et n’acceptent pas de rester à ne rien faire. » Face à de telles réalités, a poursuivi Aminata Touré, « vous devez vous assurer que vous répondez aux besoins des gens afin qu’ils ne tombent pas dans la frustration extrême qui mène à l’extrémisme. »
Des combattants libyens |
« Sécurité collective »
Ambassadrice itinérante du Roi Mohamed VI, Assia Bensalah Alaoui a souligné l’importance pour les Occidentaux de « réfléchir » sur la meilleure manière d’appréhender la catastrophe libyenne, en particulier au plan de la légitimité. Une démarche qu’elle trouve indispensable à partir du moment où la réalité des choses montre qu’ils sont dans l’impasse en Libye, comme dans la crise des migrants.
Se considérant « un peu frustrée », la diplomate marocaine a fustigé deux niveaux d’échec : le principe de la prévention des conflits qui ne marche pas, et pire encore, l’absence de réconciliation post-conflit. Face aux « disparités absolument destructrices », aux changements climatiques, aux menaces qui pèsent sur l’insécurité alimentaire, l’urgence est de construire une « sécurité collective » qui prenne en considération les préoccupations de toutes les communautés humaines, a plaidé Mme Assia Bensalah Alaoui.
Le « Atlantic Dialogues », organisé chaque année dans une ville du Maroc, est une initiative du German Marshall Fund (GMF) et du Centre d’Etudes Politiques de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP). Depuis deux ans, Karen Donfried, ancienne conseillère du Président Barack Obama, est à la tête du GMF. Quant à Mostafa Terrab, il est à la tête de la première entreprise industrielle marocaine depuis une dizaine d’années.
Ambassadrice itinérante du Roi Mohamed VI, Assia Bensalah Alaoui a souligné l’importance pour les Occidentaux de « réfléchir » sur la meilleure manière d’appréhender la catastrophe libyenne, en particulier au plan de la légitimité. Une démarche qu’elle trouve indispensable à partir du moment où la réalité des choses montre qu’ils sont dans l’impasse en Libye, comme dans la crise des migrants.
Se considérant « un peu frustrée », la diplomate marocaine a fustigé deux niveaux d’échec : le principe de la prévention des conflits qui ne marche pas, et pire encore, l’absence de réconciliation post-conflit. Face aux « disparités absolument destructrices », aux changements climatiques, aux menaces qui pèsent sur l’insécurité alimentaire, l’urgence est de construire une « sécurité collective » qui prenne en considération les préoccupations de toutes les communautés humaines, a plaidé Mme Assia Bensalah Alaoui.
Le « Atlantic Dialogues », organisé chaque année dans une ville du Maroc, est une initiative du German Marshall Fund (GMF) et du Centre d’Etudes Politiques de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP). Depuis deux ans, Karen Donfried, ancienne conseillère du Président Barack Obama, est à la tête du GMF. Quant à Mostafa Terrab, il est à la tête de la première entreprise industrielle marocaine depuis une dizaine d’années.