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Article 27 du projet de loi portant code des communications électroniques : Déclaration de 301 organisations de la société civile et leaders d’opinion du Sénégal

Jeudi 11 Octobre 2018

Honorables députés, Amendez l’article 27 pour la transparence de l’élection présidentielle de février 2019

Le Gouvernement du Sénégal, en conseil des ministres du 06 juin 2018, a adopté le Projet de loi portant Code des communications électroniques dont l'article 27 intitulé "Mesures raisonnables de gestion du trafic" met en péril un Internet libre et ouvert au Sénégal.

En effet, ledit projet consacre un accès ouvert à Internet en ses articles 25 et 26, ce conformément aux standards internationaux notamment l’article 19 de la Déclaration universelle des droits humains, l’article 9 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples [[1]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_-544247752301698968__ftn1 , à la Constitution du Sénégal et la loi d‘orientation sur la société de l’information­ de janvier 2008­

Cependant, l'article 27 du même Code insère des exceptions, qui mettent en jeu la neutralité du net sous le couvert de mesures raisonnables de gestion du trafic. Ces dernières peuvent être mises en œuvre par les opérateurs sur la base de considérations techniques et sécuritaires [[2]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_-544247752301698968__ftn2  ou l’autorité de régulation (ARTP) peut en donner l’autorisation pour motif économique [[3]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_-544247752301698968__ftn3 . De telles prérogatives conférées aux structures dénommées ci-dessus aboutiront à des situations où des contenus, des services ou, plus généralement, des communications peuvent être surveillées, filtrées, ralenties, ou­ bloquées, c’est la censure d’internet. A l’inverse, ils peuvent aussi les favoriser, mettre en avant, ou imposer des contenus de leurs choix, c’est la discrimination, en somme un internet à deux vitesses. Autrement dit, l’ARTP et les opérateurs au nom «­de mesures raisonnables de gestion­ du trafic­» pourront­ décider ou orienter la liberté de choix­ des sénégalais quant à l’accessibilité du net.
Cette disposition aura un impact négatif sur le développement de l’économie numérique mais pire encore elle mettra en péril les droits humains et les libertés fondamentales sur internet en particulier la liberté d'expression et d'information des sénégalais.

Ainsi, un cadre légal pour la censure d'Internet est créé à l'approche des élections présidentielles de février 2019. Ce qui pourrait constituer une menace réelle sur la transparence de l’élection présidentielle de février 2019 avec la coupure ou le ralentissement de l’accès à Internet et le blocage des réseaux sociaux, lors du déroulement du scrutin et de la proclamation provisoire des résultats.

Au regard de tout ce qui précède, l’article 27 n’est pas en conformité avec les 16 instruments internationaux et nationaux qui protègent le droit à la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information. Pire encore, l’article 27 n’est pas conforme avec l’engagement de l’Etat du Sénégal de respecter la liberté d’expression devant la communauté internationale lors de la vingt-cinquième session du Conseil des droits de l'homme des Nations Unis sur l’examen périodique universel des droits de l’homme du Sénégal, en décembre 2013.

Nous, 301 organisations de la société civile Sénégalaise et leaders d’opinion, invitons les Honorables députés à amender l’article 27 du projet de loi portant Code des Communications Electroniques en supprimant toutes les clauses, exceptée celle relative à l’application d’une décision de justice. Ainsi, en cas de congestion non prévue ou de menace sur la sécurité du réseau, il appartient au juge des référés en tenant compte des circonstances, de l’opportunité de la décision de la mise en œuvre des mesures raisonnables de gestion du trafic.

En outre, nous­ appelons les Représentants du peuple à protéger dans la Loi un Internet libre et ouvert en faisant les amendements suivants­:
  • Inscrire dans la loi une définition d'Internet basée sur le principe d’un accès libre et ouvert­;
  • Ce principe doit s'appliquer notamment à tous les réseaux Internet autant mobiles que fixes­;
  • Feront l’objet de sanctions les fournisseurs d’accès internet et les opérateurs mobiles qui porteront atteintes à ce principe­;
  • Encadrer l'utilisation des technologies de surveillance des réseaux afin de protéger notamment le secret des correspondances et l'intégrité des communications électroniques.
Les amendements ci-dessus consacreront un véritable accès ouvert à internet, qui constituent à la fois:
  • Une garantie d’une économie numérique sénégalaise stimulant équitablement la compétition, l'innovation et la concurrence­;
  • Une garantie pour la liberté d'expression et d'information des sénégalais, une transparence de l’élection présidentielle de février 2019, consolidant ainsi la démocratie sénégalaise.
 
[[1]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_-544247752301698968__ftnref1  A la résolution 32/13 du Conseil des droits de l'homme du 1er juillet 2016 sur la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’Internet­; A la décision 25/117 du Conseil des droits de l’homme en date du­ 27­ mars­ 2014,­ relative­ à­ la­ réunion-débat­ sur­ le­ droit­ à­ la­ vie­ privée­ à­ l’ère­ du­ numérique­; A la résolution­ de­ l’Assemblée­ générale­ 68/167­ du­ 18­ décembre­ 2013,­ sur­ le­ droit­ à­ la­ vie­ privée­ à­ l’ère­ du­ numérique ; A la résolution ­de­ l’Assemblée­ générale 68/198­ du­ 20 décembre 2013, sur les technologies de l’information et des communications au service du développement ; A la­ résolution­ 20/8­ du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies­ en­ date­ du­ 5­ juillet­ 2012,­ sur­ la­ promotion,­ la­ protection­ et­ l’exercice­ des­ droits­ de­ l’homme­ sur­ l’Internet ; La résolution 12/16 du 2 octobre 2009 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unis, sur la liberté d’opinion et d’expression ; A l’article 1er Alinéa h du Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne gouvernance de la CEDEAO­; Aux Article 4, 6, aux Alinéas 7 et 8 de l'article 27 de la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance­; Aux articles 1, 2, 3, 4 de la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique de l'Union Africaine.
 
[[2]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_-544247752301698968__ftnref2  En effet, les fournisseurs d’accès­ peuvent mettre en œuvre ces mesures raisonnables de gestion du trafic pour­: se conformer aux lois et règlements ou aux mesures donnant effet à ces lois et règlements, y compris les décisions des juridictions ou des autorités compétentes, préserver l’intégrité et la sûreté des réseaux, des services fournis par l’intermédiaire de ces réseaux et des équipements terminaux des utilisateurs­; prévenir une congestion imminente du réseau et atténuer les effets d’une congestion exceptionnelle ou temporaire, pour autant que les catégories équivalentes de trafic fassent l’objet d’un traitement égal­;
 
[[3]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_-544247752301698968__ftnref3  En ce qui concerne l’autorité de régulation, elle peut autoriser ou imposer ces mesures autant qu’elle juge utile pour préserver la concurrence dans le secteur des communications électroniques et pour veiller au traitement équitable des services similaires.
Fait à Dakar, le 11 octobre 2018

Leaders d’opinion signataires:
  • Mandiaye Gaye;
  • Alioune Tine­;
  • Mody Niang­;
  • Pr. Babacar GUEYE;
  • Djibril Gningue.
 
Les Organisations signataires­:
  • Article 19;
  • LSDH (Ligue Sénégalaise des Droits Humains);
  • RADDHO (Rencontre Africaine pour la Defense des Droits Humains);
  • Forum du Justiciable­;
  • ROADDH (Réseau Ouest Africain des Défenseurs des Droits Humains au Togo)
  • Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement (CONGAD, 178 ONGs nationales);
  • Urac (Union des Radios Associatives et Communautaires, 103 membres);
  • Forum Social Sénégalais;
  • RADI (Réseau Africain pour le Développement Intégré);
  • APPEL (Association des Editeurs et Professionnels de la Presse en Ligne);
  • RBS (Réseau des Blogueurs du Sénégal);
  • Cjrs (Convention des Jeunes Reporters du Sénégal);
  • ASPRODDEL­;
  • Africtivistes­;
  • AJED (Association des Jeunes pour l’Éducation et le Développement)­;
  • Groupe de Recherches et d’Appui Conseil pour la Démocratie Participative et la Bonne­ Gouvernance (GRADEC);
  • ASUTIC (Association Sénégalaise des Utilisateurs des TIC).
Sénégal ASUTIC
 
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1.Posté par Me François JURAIN le 13/10/2018 09:05
La main mise sur internet et sa régulation est le propre de toute bonne dictature: CHINE, RUSSIE, TURQUIE... Toutes ces dictateurs ont mis internet sous coupe réglée, afin de censurer tout ce qui ne vante pas et ne fait pas l'éloge du pouvoir tyrannique en place. Il fallait donc s'attendre inévitablement à ce que, dans la démocrature que nous subissons ici, la tentation soit grande, d'autant que le Président avait déjà prévenu, par plusieurs messages qui ne laissaient pas de doute sur ses intentions. Compter sur les députés godillots, dont certains ne savent ni lire ni écrire, se contentant d'obéir aux ordres qu'on leur donne, sans même savoir ce qu'ils votent, moi je veux bien, mais c'est faire preuve 'd'un angélisme à la limite de la culpabilité! . Pour rappel, je vous signale que la justice est dans les mains du pouvoir, l'assemblée nationale est dans les mains du pouvoir, et la presse le sera sans trop tarder. Pour faire reculer cette loi, et restaurer un semblant de liberté, dans ce domaine, comptez plutôt sur vous mêmes et le peuple, en vous servant de l'actualité, car bientôt, très bientôt, ce que nous écrivons là nous gratifiera du même sort réservé au journaliste saoudien, et cela arrive beaucoup plus vite que prévu, sans crier gare. La presse, les journalistes doivent jouer leur rôle de contre pouvoir, et s'insurger haut et fort, urbi et orbi, lorsque le moindre soupçon d'attaque à la liberté de penser voit le jour: l'ennemi n'avance pas masqué, non, il avance au bruit des bottes et au cliquetis des machettes et autres coupe-coupe. N'oubliez jamais ça, et surtout ne pas dire ou penser que demain, il sera trop tard: demain, c'est déjà aujourd'hui, et il est presque trop tard.
A 73 ans, j'ai vu, vous pouvez vous en douter, beaucoup de cas similaires qui ont commencé dans la douceur et le paternalisme. "Internet ne devrait pas être un espace ou l'on pratique l'insulte", dixit M. SALL, et il a presque raison: l'insulte ne devrait jamais être le propre de l'homme, mais, dans sa bouche, l'insulte commence par la grossièreté, à bannir, bien évidemment, et se termine par la moindre critique de son pouvoir exclusif et des "excès" de son entourage. Et le danger se situe dans cette "extrême", qui arrivera avant même que vous n'ayez le temps de vous retourner.
Alors, Messieurs les journalistes, soyez à la hauteur (je ne me fais pas de souci sur votre professionnalisme et votre rigueur morale). Mais il est temps, grand temps de vous ériger en véritable contre feu d'un pouvoir qui a considérablement dérivé en 7 années d'exercice. Gardez toujours en mémoire le discours de Mr Macky SALL du 04 avril 2012, et comparez cet engagement sur lequel le peuple l'a mis là ou il est avec le comportement qu'il a eu pendant ces sept dernières années, sans perdre de vue qu'il reste encore 10 ans, minimum, à venir, d'une part parce que les prochaines élections sont, pour moi, pratiquement pliées (1°tour avec 54% des voix, merci l'opposition si on peut encore appeler ce conglomérat de prétendants une "opposition" digne de ce nom, à part deux à trois candidats maximum qui se détachent un peu du lot, soit 3%, soit 3% de l'ensemble des candidats de l'opposition: heureusement que le ridicule ne tue plus de nos jours!), et que le troisième mandat, en 2024, ne fait aucun doute: gardez toujours en mémoire la déclaration de Macky SALL, lorsque tous les constitutionnalistes de tous bords, sont unanimement tombés d'accord, sur le fait que le tricotage de la constitution lui permettait, sans problème, de briguer (tient, briguer, brigand, ça à la même étymologie: il faudra que je fasse des recherches grammaticales en ce sens). Qu'à dit M. SALL: " je ne souhaite pas briguer un troisième mandat" le "je ne souhaite pas" est lourd de sens et de signification...
Alors oui, combattre les excès autoritaires et permissifs de cette loi est un devoir pour tous citoyens, une responsabilité pour l'élite pensante de ce pays, mais une obligation pour toute la presse et ses serviteurs en général, qui doivent impérativement jouer leur rôle de contre pouvoir, afin de limiter les excès et les tentations dictatoriales d'un pouvoir qui semble avoir perdu toute raison.
Je ne suis pas et n'aI jamais été un leader, et ne cherche pas à l'être,
Mais j'ai mes opinions: sur ce point, elles rejoignant les vôtres, et je suis bien évidemment signataire! Jusqu'à la mort, chacun d'entre nous gardera toujours sa liberté de penser, quelles que soient les pressions et les menaces que l'on puisse avoir à subir.

Me François JURAIN

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