Au moins douze migrants sont morts mardi quand l'embarcation sur laquelle ils tentaient de gagner l'Angleterre s'est disloquée, un drame qui fait de 2024 l'année la plus meurtrière depuis le début des traversées de la Manche sur des bateaux de fortune.
Le ministre démissionnaire de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui s'est rendu à Boulogne-sur-Mer, a appelé à la signature d'"un traité migratoire entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne" pour tenter de mettre un terme aux départs clandestins.
Le canot s'est trouvé en difficulté au large du Cap Gris Nez en fin de matinée avec plus de 60 personnes à bord, a rapporté la préfecture maritime de la Manche (Premar). Un navire affrété par l'Etat, qui l'avait repéré, s'est porté à son secours dès qu'il s'est disloqué, a détaillé à l'AFP le lieutenant de vaisseau Etienne Baggio.
D'après M. Darmanin, le bilan atteint 12 morts et deux personnes encore en "urgence absolue" en fin d'après-midi.
"Moins de huit personnes avaient un gilet de sauvetage fourni par les passeurs", a-t-il déploré, soulignant la détermination de ceux qui tentent la traversée vers les côtes anglaises pour "rejoindre une famille, pour y travailler parfois dans des conditions qui ne sont pas acceptables en France".
Selon le procureur de Boulogne-sur-Mer Guirec le Bras, les naufragés sont "essentiellement érythréens", et parmi les victimes décédées, dont la moitié sont mineurs, se trouvent dix femmes et deux hommes.
A Londres, le gouvernement britannique a qualifié d'"affreuse et profondément tragique" la mort de ces migrants.
Des hélicoptères des pompiers et de la Marine, deux bateaux de pêcheurs et des navires militaires ont été mobilisés pour les recherches.
Un poste médical avancé a été déployé au port de Boulogne-sur-Mer où d'importants moyens de secours étaient mobilisés.
- Traversées record -
Une enquête a été ouverte, notamment pour homicide involontaire aggravé. Aucune interpellation n'a encore eu lieu à ce stade.
Charlotte Kwantes, de l'association d'aide aux migrants Utopia 56, a dénoncé auprès de l'AFP une politique de répression policière sur le littoral français "complètement inefficace (….) qui conduit à des incidents et à des drames (...) à répétition".
Une quinzaine de militants d'Utopia ont organisé un rassemblement au moment où arrivait le ministre.
Ils ont déployé une banderole sur laquelle était inscrit "Morts aux frontières États coupables. 30 ans d'appel d'air à l'extrême droite", avant d'être repoussés par les forces de l'ordre, en scandant "Darmanin t'as du sang sur les mains. État assassin".
Le chef de l'association britannique Refugee Council, Enver Solomon, a appelé à "améliorer les accès légaux pour ceux qui cherchent à se mettre en sécurité", arrivant notamment d'Afghanistan, Syrie ou du Soudan.
Avec le naufrage de mardi, au moins 37 personnes ont perdu la vie dans ces traversées depuis janvier 2024, ce qui en fait l'année la plus meurtrière depuis le début du phénomène des bateaux de fortune sur la Manche.
En 2021, 30 migrants avaient péri dans la Manche dont 27 dans un même naufrage, au mois de novembre.
En tout, près de 136.000 personnes ont traversé la Manche sur ces "small boats" à partir de la France depuis que le Royaume-Uni a commencé à comptabiliser ces arrivées en 2018. Le phénomène s'est développé en réponse au verrouillage croissant du tunnel sous la Manche et du port de Calais pour enrayer les intrusions de migrants.
Les drames se sont succédé depuis le début de l'été. Mi-juillet, six migrants sont morts dans trois naufrages distincts: quatre le 12 juillet, une femme érythréenne le 17 puis un homme le 19.
Sur les six premiers mois de l'année 2024, les traversées illégales de la Manche vers le Royaume-Uni ont atteint un nombre record, selon les autorités britanniques, qui décomptent mardi l'arrivée par ce moyen de 21.615 migrants depuis janvier.
Arrivé au pouvoir début juillet, le Premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé vouloir accélérer le traitement des dossiers de demandeurs d'asile tout en durcissant la lutte contre les passeurs.
Le Royaume-Uni a été secoué cet été par de violentes émeutes d'extrême droite après le meurtre de trois fillettes le 29 juillet, sur fond de rumeurs en partie démenties décrivant le suspect comme un demandeur d'asile musulman.
Londres a promis la semaine passée de fortement augmenter le renvoi dans leur pays d'origine de demandeurs d'asile déboutés et de personnes demeurant illégalement au Royaume-Uni. [AFP]