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Cent jours et douze ans, le grand écart…et les symboles

Vendredi 12 Juillet 2024

A l’occasion des ‘’100 jours’’ du pouvoir reçu du peuple souverain le 24 mars 2024, le président Bassirou Diomaye Faye fera face à un groupe de journalistes pour rendre compte de son action à la tête du pays. A priori, l’exercice n’est pas périlleux car il s’agira  d’expliquer, d’expliciter et de justifier toutes les mesures prises depuis le 3 avril, date de son entrée en fonction, en faveur du programme de redressement national sur lequel il a été élu par une écrasante majorité de ses compatriotes. Le président de la République devrait être d’autant plus à l’aise lors de cette prestation que le mythe des ‘’100 jours’’ est historiquement un horizon destiné à prendre en charge - pour les corriger - les dysfonctionnements et crises multiformes hérités d’un régime précédent par un nouveau pouvoir. Il en a été ainsi avec le « peuple de gauche » sous Francois Mitterrand en 1981 après 23 ans de gaullisme conservateur. Auparavant en 1933, le président Franklin Delano Roosevelt s’appuya sur ledit mythe pour lancer une politique de reddition des graves conséquences de la crise économique de 1929. Près d’un siècle plus tard - et toutes proportions gardées - le Sénégal est englué dans cette trajectoire de crises accumulées depuis douze ans et que ses nouvelles autorités s’attachent à annihiler. 

 

Aujourd’hui, ‘’100 jours’’ après la chute du régime autocratique et corrompu de Macky Sall, les velléités de déstabilisation politique durable du pouvoir élu en mars 2024 s’enchaînent, se suivent et se ressemblent. Dans leurs formes d’expression, elles visent objectivement à installer la chienlit partout ou ce sera possible. Par exemple, à défaut de paralyser l’action gouvernementale, les caciques d’ancien régime transforment l’assemblée nationale en bastion complotiste, ultime territoire de leur pouvoir déchu, rampe de lancement d’une hypothétique reconquête de leurs privilèges anciens et incontrôlés. Le désordre juridique et institutionnel qui a rendu impossible la déclaration de politique générale du premier ministre est un acte politicien prémédité qui résume à lui seul l’essentiel de la vision tordue qu’ils ont de l’institution parlementaire: son instrumentalisation en toutes circonstances. Ils ont accumulé les crimes et conneries sans châtiment pendant douze ans, ils voudraient que le pays soit sur pieds en ‘’100 jours’’. Un délire de vaincus! 

 

Le bonhomme roublard appelé ’’Douze ans’’ est un professionnel invétéré de la politique politicienne. Il vit depuis plusieurs années aux crochets des caisses publiques. Accessoirement, il est dealer à la tête d’entreprises agricoles ou (semi) industrielles largement biberonnées en fonds publics. Concrètement, il est capteur de semences et d’engrais par la seule grâce de son appartenance au grand cercle des messieurs et dames de cour. Il est aussi détenteur de passeport diplomatique sans cesse renouvelé et a la veine de ne jamais être trainé devant les tribunaux malgré des dossiers lourdement compromettants. Dans l’art de déblatérer, il est sans partage mais le mensonge est dans son ADN. Son rêve le plus fou est de revenir aux affaires malgré ses tuiles personnelles et, surtout, sa totale responsabilité dans l’exécution publique gratuite de plusieurs dizaines de jeunes Sénégalais au nom de l’antienne criminelle « force restera à la loi ». C’est pour l’ensemble de ses oeuvres que le bonhomme ‘’Douze ans’’ a été sévèrement puni par le peuple électeur de mars 2024.

 

Plus de trois mois après, l’héritier dénommé ‘’100 jours’’ tente de dérouler sa vision du changement pour répondre aux aspirations immenses qui pèsent sur ses épaules. Il a soldé les dettes à milliards de l’Etat envers les producteurs agricoles tout en réorganisant le schéma corrompu de distribution des semences et des engrais dont profitait grassement ’Douze ans’’ depuis plusieurs campagnes agricoles. Tant bien que mal, il a imposé une baisse des prix pour certaines denrées de consommation et de construction. Il tente une reprise en main d’un système universitaire déstabilisé par l’agenda politicien d’hiérarques qui avaient fini par en faire le cadet de leurs soucis affairistes et existentiels. Sans grande marge de manoeuvre mais avec la volonté politique qui donne de la force et ouvre des perspectives, ‘’100 jours’’ s’attèle à réorienter les priorités d’une économie dont un large pan repos(ait)e sur l’imaginaire et l’arrogance dont savent faire preuve les pouvoirs autoritaires minoritaires. Les chantiers de ‘’100 jours’’ sont titanesques, à la hauteur des engagements, manipulations et magouilles que ‘’Douze ans’’ s’est allègrement autorisés, reclus dans la tour d’ivoire de ses folies noctambules, avec la complicité des nombreuses ‘’dames de compagnies’’ fabriquées de toutes pièces au cours de son règne. 

 

Chantiers titanesques ? Clairement. Mais c’est en soi - et en même temps - une raison suffisante pour accélérer le rythme des changements exigés par le peuple sénégalais. Des obstacles institutionnels et juridiques peuvent s’y opposer certes, en plus des lenteurs classiques de dame Justice. C’est la réalité de l’exercice du pouvoir. Mais jusqu’à quand patienteront des centaines de milliers de Sénégalais frappés dans leur chair et dans leur dignité par la violence physique et morale inouïe de Macky Sall et de ses sbires civils et sécurocrates. Pourquoi ne pas soutenir publiquement ces compatriotes qui ont fait le pari de faire juger l’ancien chef d’Etat devant des juridictions locale ou internationale ? Pourquoi une bonne partie de l’opinion pense - à juste ou faux titre - que Macky Sall est devenu intouchable en dépit de ses responsabilités dans la commission de crimes de natures diverses? Le ‘’protocole’’ du Cap Manuel est-il seulement une chimère ? Pourquoi laisser (encore) en place des juges et procureurs qui avaient manifestement et ostensiblement pris le parti de satisfaire les ‘’commandes politiques’’ de l’ancien régime au détriment de la loi et du bon sens ? Pourquoi donner l’impression aujourd’hui que le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et d’autres structures qualifiées naguère de budgétivores et sans valeur ajoutée pour le pays pourraient rester dans l’ordonnancement institutionnel du pays ? Prudence ou frilosité en fin de compte?

 

Le président de la République et son premier ministre ont sans doute des réponses à toutes ces questions. Ils ont peut-être un plan tactique et stratégique destiné à dérouler le ‘’Projet’’ vendu aux Sénégalais sur des bases pérennes qui le protègent dans la durée. Mais il semble tout autant prévisible que cette espèce de frilosité qui suinte de certaines de leurs actions peut constituer un mauvais signal dans leur détermination affichée à purger le Mackiavélisme de contrebande qui a gouverné notre pays pendant douze ans. Souvent, les peuples sont raisonnables et ne demandent pas beaucoup pour accompagner leurs dirigeants, surtout s’ils ont été très bien élus. Mais il leur faut toujours des symboles, de vrais. 

 
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