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Chronique d’Albert : La mutation familiale des partis au pouvoir

Jeudi 27 Juin 2019

Chronique d’Albert : La mutation familiale des partis au pouvoir
La famille constitue une question au cœur de l’exercice du pouvoir du Président de la République, Macky Sall. La démission du maire de Guédiawaye de sa  fonction de Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, interroge en réalité, l’une des mutations majeures des partis au pouvoir. Le Pds et l’Alliance Pour la République partagent en commun cette expérience d’une  mutation familiale des partis au sommet de l’Etat.
 
La création du parti politique remonte loin, très loin même, dans  l’histoire politique de l’Humanité et des organisations politiques. Le modèle de parti est fortement lié aux évolutions du capitalisme, à l’organisation du pouvoir et des travailleurs. La prise de conscience des travailleurs est sans nul doute à l’origine de la création des syndicats ouvriers pour défendre les intérêts matériels et moraux travailleurs. La naissance du parti  politique sous sa forme moderne obéira certes à la volonté de  défendre des intérêts corporatistes, mais également, à une aspiration de préservation ou de conquête du pouvoir. Le parti politique a revêtu très tôt cette dimension politique se traduisant par l’ambition et la vocation de prendre le pouvoir.
 
La formation politique constitue une des formes d’expressions de cette prise de conscience des enjeux de pouvoir, tant  des classes détentrices du pouvoir politique et économique que des adversaires des régimes à  l’époque du capitalisme naissant ou en expansion.
 
Par sa forme, le parti est  resté et reste  plus que jamais  un outil organisationnel, politique et idéologique. Il est  indispensable à la  préservation ou  à la conquête du pouvoir.
Les réussites et les échecs des partis au pouvoir sont évidemment nombreux. En dépit des aléas inhérents à la vie politique rythmée par des changements inéluctables dans des contextes de changements complexes et difficiles à maîtriser par les acteurs politiques, le parti demeure encore une arme majeure même si de nouvelles formes organiques  de prise de pouvoir émergent ici et là : Solidarnösc, We Can, En Marche, etc.
 
L’histoire des  partis sénégalais, notamment, le Ps, le Pds, les partis de la gauche révolutionnaire ou patriotique, semble confirmer que tous ces partis différents par les convictions et les projets de société, ont tous inscrit la lutte  militante  qu’ils mènent dans la perspective de la préservation et /ou de  la conquête du pouvoir.
 
Les expériences de la gouvernance  du Pds  entre 2000 et 2012 et celles en cours de l’APR depuis mars 2012, ont produit consciemment ou non, un phénomène nouveau dans la perception et la pratique  des partis. Le parti au pouvoir est subitement placé sous l’influence directe ou indirecte de la famille  du Président de la République en exercice.
 
Au-delà des  identités libérales communes à ces deux formations politiques, on peut relever la mutation de ces partis au pouvoir sous l’influence  des membres de la famille présidentielle. La première alternance a été influencéepar une présence singulière du fils du Président de la République.
 
La deuxième alternance vit progressivement un malaise institutionnel. Il est d’origine familiale dans sa version particulière : le frère du Président de la République, son oncle, la première dame de la République, les amis de longue date du maître du jeu.
 
Le Chef de l’Etat, chef du parti présidentiel et par ailleurs chef d’orchestre de la coalition soutenant son action, porte aussi, le statut de chef de famille. L’influence de la famille du pouvoir du Président de la République, Abdoulaye Wade, se mesure, par exemple, à travers la controverse nourrie par la présence de son fils et son énorme pouvoir gouvernemental et étatique.
 
Cette expérience a secrété des effets relativement négatifs : la défaite du Pds, l’éclatement de la famille libérale en plusieurs chapelles politiques et un affaiblissement sans précédent de l’influence politique du Pds.
 
L’Alliance Pour la République est en train de vivre différemment une expérience de transformation progressive d’un parti  au pouvoir sous l’influence  grandissante de la famille présidentielle. Le prisme de l’influence n’est plus le fils. On est sous l’influence du frère et des membres de la famille de l’épouse, de l’oncle et des amis. La République et l’APR sont  fortement prises dans la dynamique de ces pesanteurs familiales.
 
L’ampleur de ce phénomène familial, parental et amicale, voire ethnique et religieux, fera  difficilement un bon ménage avec les valeurs traditionnelles du parti  militant avant la prise du pouvoir.  Cette mutation politique est  inattendue. Elle  est antinomique à l’esprit militant fondateur des partis politiques au Sénégal.
 
Ce glissement du parti désormais mis au service d’un ou des membres de la famille biologique, de l’ethnie, de la communauté religieuse du chef de l’Etat suscite évidemment dans les rangs des partis au pouvoir, des frustrations, des clivages, voire des luttes d’intérêts et de positionnements. La famille présidentielle est en train de secouer profondément le modèle militant de parti traditionnel  de conquête du pouvoir étatique.
 
Mamadou Sy Albert
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