L’Union des magistrats sénégalais est déterminée à convaincre le chef de l’Etat de continuer à présider le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Pour l’Union des magistrats sénégalais (UMS), la sortie du président de la République du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’ira pas de soi. L’article 90 de la Constitution - « la compétence, l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature ainsi que le statut des magistrats sont fixés par une loi organique » - pourrait être un gros obstacle à cette volonté présidentielle, souligne à cet effet Ousmane Chimère Diouf, président de l’UMS, dans son discours d’assemblée générale du 10 août 2024 à Dakar. Mais quoi qu’il en soit, l’organe syndical des magistrats « ne s’oppose pas à la présence du chef de l’Etat et du garde des Sceaux » dans le conseil.
Avant et après son arrivée au pouvoir le 2 avril 2024, le chef de l’Etat avait pris l’engagement de ne plus siéger au Conseil supérieur de la magistrature dont il est le président. Dans le contexte de la violente crise politico-judiciaire qui a secoué le Sénégal entre 2021 et 2024, Bassirou Diomaye Faye avait souhaité renforcer ainsi le principe de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire.
« Le problème de la présence du Chef de l’Etat n’est apprécié qu'en aval sous l’angle de l’effectivité de sa participation aux réunions du conseil », note le président de l’UMS. Or, « en amont il est maintenu conformément aux dispositions de l’article 90 de la constitution que c’est lui qui doit signer les décisions rendues par cet organe par voie de décret. Le problème reste (donc) entier. »
A ce niveau, Ousmane Chimère Diouf soulève deux questions : « quelle serait la nature de l’acte de nomination des magistrats si le décret présidentiel venait à être écarté et quelle autorité serait compétente pour signer par exemple l’acte de nomination des hauts magistrats ? »
Le risque de blocage du CSM est une autre difficulté potentielle brandie par le patron de l’UMS pour militer en faveur du maintien du président de la République dans le conseil. Rapportant « des échanges avec des collègues africains » dont il n’a pas cité les pays d’origine, le magistrat fait part d’« inconvénients » comme un refus possible du chef de l’Etat de « refuser de signer les décrets sans aucune voie de recours ».
Au Burkina Faso, le président de la République ne siège plus au Conseil supérieur de la magistrature depuis les réformes judiciaires de 2015. Le CSM, composé d’une trentaine de membres, est dirigé par le premier président de la Cour de cassation alors que le premier président du Conseil d’Etat en assure la vice-présidence.
Dans une critique à peine voilée contre le chef de l’Etat, le président de l’Union des magistrats sénégalais s’en est pris à la méthode par laquelle les reformes souhaitées ont été exposées sur la place publique.
« Dans un système de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice garanti par la constitution, il serait plus judicieux pour l’exécutif désireux de procéder à des réformes dans le domaine du judiciaire de se concerter au préalable avec les principaux concernés, à savoir la hiérarchie judiciaire ou l’instance représentant les magistrats notamment quand cela ne concerne que la gestion des carrières. »