Dans son dernier ouvrage intitulé «Economie du Sénégal : revues analytiques transversales », l’économiste Elhadji Mounirou Ndiaye jette un regard critique sur l’économie sénégalaise et les défis qu’elle doit relever. Dans cet entretien, l’enseignant-chercheur à l’Université de Thiès aborde certaines problématiques économiques qui font débat aujourd’hui.
Votre dernier livre s’intitule : « économie du Sénégal : revues analytiques traversables », quel diagnostic faites vous de l’économie sénégalaise ?
Ce livre est un recueil d’actualités. C’est pourquoi, je me suis beaucoup appesanti sur la période allant de l’année 2000 à 2012. Il fallait donc, dans un premier temps, faire l’état des lieux en termes programmatiques et macroéconomiques et essayer de faire un diagnostic sur les principales opportunités qui s’offrent à l’économie sénégalaise. C’était également l’occasion de revenir sur le Pse, de l’analyser, de l’exposer et d’en tirer les limites et les approches critiques. C’est l’objet du premier chapitre. Le deuxième chapitre est un bilan. Une fois qu’on a établi les programmes qui étaient appliqués de Senghor à Sall, en passant par Diouf et Wade, il fallait dire qui a fait quoi sur le plan économique.
Le résultat ?
On a essayé de montrer que le Président Macky Sall est le président qui a eu le plus de volonté en termes d’actes posés mais aussi en termes d’actions menées pour les quatre années qu’il a déjà passées au pouvoir. Ce chapitre de bilan nous a permis de voir que l’économie sénégalaise, du point de vue macro, était en amélioration tendancielle sur le plan des taux de croissance, du déficit public, de la gestion de la dette publique, de la protection et de la dimension sociale du développement. C’est pourquoi j’ai essayé de dire que l’espoir est permis sous l’hypothèse que le Sénégal puisse s’adapter au contexte économique international. Nous avons vu que l’arrimage du francs Cfa à l’euro nous pose problème, le dollar fort nous pose problème, de même que le dollar faible. En gros, la dépendance monétaire nous pose problème.
Il fallait aussi être capable de faire face aux chocs exogènes, par exemple avec les prix du baril de pétrole qui fluctuent car le Sénégal n’est pas un pays producteur de pétrole. La deuxième hypothèse était de montrer aux Sénégalais que démocratie n’est pas anarchie, et qu’il est indispensable de parvenir à des adaptations sur les comportements, les mentalités, car le laisser-aller porte un préjudice économique au pays. En 2014, on s’est rendu compte que le Sénégal a perdu cinq milliards de francs Cfa dans l’hôtellerie avec la crise Ebola. Si cette information avait été bien gérée par une presse organisée, cela aurait pu être évité. Il faut une économicité de notre démocratie.
Après deux ans d’observation du Pse, quelles limites objectives lui trouvez-vous ?
Quand Macky Sall arrivait au pouvoir, le taux de croissance était d’environ 3% en 2011, puis 3,7% en 2012. La cause: le président de la république avait accordé une subvention de 34 milliards de francs Cfa au monde rural et avait déboursé plus de 80 milliards pour essayer d’alléger le coût de la vie et aider les ménages vulnérables. En 2013, le taux de croissance a connu un revirement de 2,6% malgré les déclarations du ministre de l’Economie et des Finances, affaibli par des fuites au niveau du secteur primaire, ce qui montre le rôle de l’agriculture. Le gouvernement avait bien fait de faire la part belle à l’agriculture dans le Pse à travers le Pracas qui a été adopté en aout 2014 et qui aujourd’hui vise l’autosuffisance en riz et en oignon à l’horizon 2017, mais aussi de rationaliser la production arachidière.
Concrètement ?
Ce que je peux dire, c’est que le Sénégal a obtenu un taux de croissance de 6,7% selon les chiffres officiels. Le Fmi a dit que l’augmentation du taux de croissance n’avait rien à voir avec le Pse: il s’agit simplement de l’amélioration des incidences des termes de l’échange. On achetait du pétrole très cher et on achète maintenant moins cher. Et nous vendons aux mêmes prix les produits que nous vendons à l’étranger. C’est une amélioration des termes de l’échange qui a eu des incidences sur le Pib du Sénégal. Parlant du Pse, je pense que deux années d’observation ne suffisent pas pour essayer de tirer un bilan. Tout compte fait, le Pse reste un plan qui n’est pas ambitieux. Au regard des potentialités qu’il y a dans le pays, nous pouvons bel et bien dépasser le revenu par tête poursuivi de 1500 dollars à l’horizon 2024. Ensuite, le taux de croissance recherché de 7,1% en 2017, on voit maintenant à travers l’amélioration des termes de l’échange, à travers les actions que le gouvernement est en train de mener sur le plan macroéconomique, on voit que ce taux pouvait être dépassé dès 2017. Le Pse n’a pas d’âme, il est juste basé sur une litanie de milliards, de tonnes de kilowatts.
Vous êtes donc à l’opposé de ceux qui voient un effet Pse se faire sentir au Sénégal ?
Moi je pense que le Président de la république va plus vite que le Pse. Il a créé le Pudc (ndlr : programme d’urgence de développement communautaire), des pistes ont été construites au niveau local. Dans mon village natal, j’ai vu qu’il y a une route en latérite qui a été construite en un laps de temps. Je vois que le chef de l’Etat est plus rapide que le Pse. Le Pse est un plan qui ne peut pas répondre aux objectifs d’accélération de création de richesses et de lutte contre le chômage de masse qui sévit dans notre pays. Il faut une autre approche non basée sur l’endettement, ni sur les cabinets étrangers encore moins sur l’ego personnel des gens. Il faut un Pse basé sur une observation des réalités du pays. Ce n’est pas moi qui ai critiqué le Pse, il l’a été par des économistes de renom comme Samir Amine qui parle de « fumée ». Moubarack Lô a dit que l’horizon du Pse était trop loin et qu’il avait besoin de délais. Le sociologue Aliou Sall, président des futurs africains, a dit qu’on ne peut pas inscrire l’émergence dans un horizon temporel ; il a ajouté que l’émergence est un processus, non un document qu’on vend pour obtenir des financements. Le Pr. Moustapha Kassé a bien dit que le Pse n’est pas ambitieux. (…)
Le processus d’autosuffisance en riz est pourtant déclenché.
Il est noble de vouloir atteindre l’autosuffisance en riz ou en oignon, mais il faut le faire avec la manière, ne pas se précipiter. Il ne faut pas bloquer les importations et créer des pénuries inutilement. Il faudrait que le Président vérifie que la production voulue est atteinte et que le traitement qui devrait se faire a été fait. Le riz sénégalais reste un riz qui n’est pas de qualité, il ne peut concurrencer les autres riz qu’on nous vend. L’oignon sénégalais n’est pas de qualité, il est bourré de pesticides et pourrit au bout de deux semaines. L’émergence n’est pas de brandir des taux de croissance pour séduire la Banque mondiale afin d’obtenir un bon classement dans le Doing business, ni de séduire le Pnud afin d’obtenir un bon classement de l’indice de développement humain. C’est plus simple que tout cela : c’est la bonne gouvernance, en évitant le népotisme et le clientélisme politique qui sont en train d’anéantir tous les efforts du Président Macky Sall.
Une étude récente classe le Sénégal dans le Top 10 des pays africains les plus prospères. Un tel classement se reflète-t-il dans le vécu quotidien des Sénégalais ?
Comment définit-on l’émergence ? Certains le ramènent à des taux de croissance soutenus sur plusieurs années ; avec un revenu par habitant significatif, et que le pays fasse l’objet de flux commerciaux importants, notamment dans ses exportations. J’ai cité le Brésil où le soja, la canne à sucre, le café et le cacao font de ce pays un émergent. Il suffit qu’un produit d’exportation soit rare au Brésil pour que cela se ressente sur le marché international. L’Inde, à travers le cheptel, les produits laitiers, la charcuterie, son agriculture, a des flux commerciaux significatifs au plan mondial. Dans la perspective de l’entrée en vigueur des Ape, ce qui nous interpelle ici en Afrique, c’est de constituer une assise industrielle compétitive nous permettant de faire face, le moment venu. C’est cette bataille là qu’il nous faut préparer, au lieu de nous saupoudrer avec des chiffres pour avoir des classements Doing Business favorable. Le fait que le Sénégal soit dans le Top 10 des pays créateurs de richesses en Afrique, c’est juste une question de croissance. On a dit que notre taux de croissance est de 6,4%. Donc, s’il fait partie des dix premiers, il devient facile dire que le Sénégal figure parmi les 10 pays les plus prospère en Afrique en 2016. Toutefois, je rappelle que le Fmi a bien dit, et nous sommes d’accord avec cela, que l’augmentation du taux de croissance n’a rien à voir avec le Pse, c’était juste dû à l’amélioration des termes de l’échanges durant ces deux dernières années.
Du pétrole et du gaz sont découverts. Quels mécanismes économiques pertinents mettre en œuvre pour échapper à la « malédiction des ressources naturelles » ?
Le Président de la république a clairement dit que sur le pétrole, c’était des contrats de partage de production. J’estime que le Sénégal a innové à ce niveau. Nous savons ce qui s’est passé dans certains pays africains où les contrats pétroliers sont des contrats spoliateurs, comme au Gabon et au Togo. Pour éviter ces tares au Sénégal, il faut innover dans la négociation. Pourquoi ne pas négocier un contrat de concession à durée déterminée ? Il faut aussi prévoir un mécanisme de transfert de technologies sinon nous pourrions être victimes de ce que les économistes des contrats appellent l’effet locking. C’est le fait d’être piégé dans la dépendance à l’égard des multinationales pour toutes les exploitations de ce genre là. Tout dépendra finalement de la bonne gouvernance et du leadership de nos autorités.
Concernant les Ape, quels sont les risques liés à leur application dans nos économies fragiles ?
Vous savez que nous avons eu un traitement de faveur depuis 1960 dans notre coopération avec l’Europe. Nous nous sommes trompés, comme l’a démontré le Pr. Moustapha Kassé, dans son livre « L’industrialisation de l’Afrique est possible ». Au départ, on a fait croire que les Africains pouvaient ne pas construire d’industrie, qu’ils pouvaient donc continuer à vendre leurs matières premières et de bénéficier des produits finis des pays occidentaux. Dans ce jeu du commerce mondial, nous étions réduits à rester dans la chaine primaire. Même dans le secteur de l’assurance, il n’existe aucune entreprise africaine significative pour les importations et les exportations. Les Africains, comme l’a dit Abdoulaye Wade dans son livre « Un destin pour l’Afrique », payent chaque année plus de 120 milliards de dollars d’assurance sur les importations et exportations. Et on nous a fait comprendre qu’on pouvait être dans cette situation. Avec le développement des pays asiatiques comme la Corée de Sud, Taiwan, Singapour, Pakistan, les Africains commencent à croire que l’industrialisation est possible parce que tous ces pays se sont développés sur la base de l’industrialisation. Il faut donc commencer à construire tout de suite cette industrie pour demain commencer à commercer d’égal à égal avec les Européens (…) (Cheikh NDONG)
Votre dernier livre s’intitule : « économie du Sénégal : revues analytiques traversables », quel diagnostic faites vous de l’économie sénégalaise ?
Ce livre est un recueil d’actualités. C’est pourquoi, je me suis beaucoup appesanti sur la période allant de l’année 2000 à 2012. Il fallait donc, dans un premier temps, faire l’état des lieux en termes programmatiques et macroéconomiques et essayer de faire un diagnostic sur les principales opportunités qui s’offrent à l’économie sénégalaise. C’était également l’occasion de revenir sur le Pse, de l’analyser, de l’exposer et d’en tirer les limites et les approches critiques. C’est l’objet du premier chapitre. Le deuxième chapitre est un bilan. Une fois qu’on a établi les programmes qui étaient appliqués de Senghor à Sall, en passant par Diouf et Wade, il fallait dire qui a fait quoi sur le plan économique.
Le résultat ?
On a essayé de montrer que le Président Macky Sall est le président qui a eu le plus de volonté en termes d’actes posés mais aussi en termes d’actions menées pour les quatre années qu’il a déjà passées au pouvoir. Ce chapitre de bilan nous a permis de voir que l’économie sénégalaise, du point de vue macro, était en amélioration tendancielle sur le plan des taux de croissance, du déficit public, de la gestion de la dette publique, de la protection et de la dimension sociale du développement. C’est pourquoi j’ai essayé de dire que l’espoir est permis sous l’hypothèse que le Sénégal puisse s’adapter au contexte économique international. Nous avons vu que l’arrimage du francs Cfa à l’euro nous pose problème, le dollar fort nous pose problème, de même que le dollar faible. En gros, la dépendance monétaire nous pose problème.
Il fallait aussi être capable de faire face aux chocs exogènes, par exemple avec les prix du baril de pétrole qui fluctuent car le Sénégal n’est pas un pays producteur de pétrole. La deuxième hypothèse était de montrer aux Sénégalais que démocratie n’est pas anarchie, et qu’il est indispensable de parvenir à des adaptations sur les comportements, les mentalités, car le laisser-aller porte un préjudice économique au pays. En 2014, on s’est rendu compte que le Sénégal a perdu cinq milliards de francs Cfa dans l’hôtellerie avec la crise Ebola. Si cette information avait été bien gérée par une presse organisée, cela aurait pu être évité. Il faut une économicité de notre démocratie.
Après deux ans d’observation du Pse, quelles limites objectives lui trouvez-vous ?
Quand Macky Sall arrivait au pouvoir, le taux de croissance était d’environ 3% en 2011, puis 3,7% en 2012. La cause: le président de la république avait accordé une subvention de 34 milliards de francs Cfa au monde rural et avait déboursé plus de 80 milliards pour essayer d’alléger le coût de la vie et aider les ménages vulnérables. En 2013, le taux de croissance a connu un revirement de 2,6% malgré les déclarations du ministre de l’Economie et des Finances, affaibli par des fuites au niveau du secteur primaire, ce qui montre le rôle de l’agriculture. Le gouvernement avait bien fait de faire la part belle à l’agriculture dans le Pse à travers le Pracas qui a été adopté en aout 2014 et qui aujourd’hui vise l’autosuffisance en riz et en oignon à l’horizon 2017, mais aussi de rationaliser la production arachidière.
Concrètement ?
Ce que je peux dire, c’est que le Sénégal a obtenu un taux de croissance de 6,7% selon les chiffres officiels. Le Fmi a dit que l’augmentation du taux de croissance n’avait rien à voir avec le Pse: il s’agit simplement de l’amélioration des incidences des termes de l’échange. On achetait du pétrole très cher et on achète maintenant moins cher. Et nous vendons aux mêmes prix les produits que nous vendons à l’étranger. C’est une amélioration des termes de l’échange qui a eu des incidences sur le Pib du Sénégal. Parlant du Pse, je pense que deux années d’observation ne suffisent pas pour essayer de tirer un bilan. Tout compte fait, le Pse reste un plan qui n’est pas ambitieux. Au regard des potentialités qu’il y a dans le pays, nous pouvons bel et bien dépasser le revenu par tête poursuivi de 1500 dollars à l’horizon 2024. Ensuite, le taux de croissance recherché de 7,1% en 2017, on voit maintenant à travers l’amélioration des termes de l’échange, à travers les actions que le gouvernement est en train de mener sur le plan macroéconomique, on voit que ce taux pouvait être dépassé dès 2017. Le Pse n’a pas d’âme, il est juste basé sur une litanie de milliards, de tonnes de kilowatts.
Vous êtes donc à l’opposé de ceux qui voient un effet Pse se faire sentir au Sénégal ?
Moi je pense que le Président de la république va plus vite que le Pse. Il a créé le Pudc (ndlr : programme d’urgence de développement communautaire), des pistes ont été construites au niveau local. Dans mon village natal, j’ai vu qu’il y a une route en latérite qui a été construite en un laps de temps. Je vois que le chef de l’Etat est plus rapide que le Pse. Le Pse est un plan qui ne peut pas répondre aux objectifs d’accélération de création de richesses et de lutte contre le chômage de masse qui sévit dans notre pays. Il faut une autre approche non basée sur l’endettement, ni sur les cabinets étrangers encore moins sur l’ego personnel des gens. Il faut un Pse basé sur une observation des réalités du pays. Ce n’est pas moi qui ai critiqué le Pse, il l’a été par des économistes de renom comme Samir Amine qui parle de « fumée ». Moubarack Lô a dit que l’horizon du Pse était trop loin et qu’il avait besoin de délais. Le sociologue Aliou Sall, président des futurs africains, a dit qu’on ne peut pas inscrire l’émergence dans un horizon temporel ; il a ajouté que l’émergence est un processus, non un document qu’on vend pour obtenir des financements. Le Pr. Moustapha Kassé a bien dit que le Pse n’est pas ambitieux. (…)
Le processus d’autosuffisance en riz est pourtant déclenché.
Il est noble de vouloir atteindre l’autosuffisance en riz ou en oignon, mais il faut le faire avec la manière, ne pas se précipiter. Il ne faut pas bloquer les importations et créer des pénuries inutilement. Il faudrait que le Président vérifie que la production voulue est atteinte et que le traitement qui devrait se faire a été fait. Le riz sénégalais reste un riz qui n’est pas de qualité, il ne peut concurrencer les autres riz qu’on nous vend. L’oignon sénégalais n’est pas de qualité, il est bourré de pesticides et pourrit au bout de deux semaines. L’émergence n’est pas de brandir des taux de croissance pour séduire la Banque mondiale afin d’obtenir un bon classement dans le Doing business, ni de séduire le Pnud afin d’obtenir un bon classement de l’indice de développement humain. C’est plus simple que tout cela : c’est la bonne gouvernance, en évitant le népotisme et le clientélisme politique qui sont en train d’anéantir tous les efforts du Président Macky Sall.
Une étude récente classe le Sénégal dans le Top 10 des pays africains les plus prospères. Un tel classement se reflète-t-il dans le vécu quotidien des Sénégalais ?
Comment définit-on l’émergence ? Certains le ramènent à des taux de croissance soutenus sur plusieurs années ; avec un revenu par habitant significatif, et que le pays fasse l’objet de flux commerciaux importants, notamment dans ses exportations. J’ai cité le Brésil où le soja, la canne à sucre, le café et le cacao font de ce pays un émergent. Il suffit qu’un produit d’exportation soit rare au Brésil pour que cela se ressente sur le marché international. L’Inde, à travers le cheptel, les produits laitiers, la charcuterie, son agriculture, a des flux commerciaux significatifs au plan mondial. Dans la perspective de l’entrée en vigueur des Ape, ce qui nous interpelle ici en Afrique, c’est de constituer une assise industrielle compétitive nous permettant de faire face, le moment venu. C’est cette bataille là qu’il nous faut préparer, au lieu de nous saupoudrer avec des chiffres pour avoir des classements Doing Business favorable. Le fait que le Sénégal soit dans le Top 10 des pays créateurs de richesses en Afrique, c’est juste une question de croissance. On a dit que notre taux de croissance est de 6,4%. Donc, s’il fait partie des dix premiers, il devient facile dire que le Sénégal figure parmi les 10 pays les plus prospère en Afrique en 2016. Toutefois, je rappelle que le Fmi a bien dit, et nous sommes d’accord avec cela, que l’augmentation du taux de croissance n’a rien à voir avec le Pse, c’était juste dû à l’amélioration des termes de l’échanges durant ces deux dernières années.
Du pétrole et du gaz sont découverts. Quels mécanismes économiques pertinents mettre en œuvre pour échapper à la « malédiction des ressources naturelles » ?
Le Président de la république a clairement dit que sur le pétrole, c’était des contrats de partage de production. J’estime que le Sénégal a innové à ce niveau. Nous savons ce qui s’est passé dans certains pays africains où les contrats pétroliers sont des contrats spoliateurs, comme au Gabon et au Togo. Pour éviter ces tares au Sénégal, il faut innover dans la négociation. Pourquoi ne pas négocier un contrat de concession à durée déterminée ? Il faut aussi prévoir un mécanisme de transfert de technologies sinon nous pourrions être victimes de ce que les économistes des contrats appellent l’effet locking. C’est le fait d’être piégé dans la dépendance à l’égard des multinationales pour toutes les exploitations de ce genre là. Tout dépendra finalement de la bonne gouvernance et du leadership de nos autorités.
Concernant les Ape, quels sont les risques liés à leur application dans nos économies fragiles ?
Vous savez que nous avons eu un traitement de faveur depuis 1960 dans notre coopération avec l’Europe. Nous nous sommes trompés, comme l’a démontré le Pr. Moustapha Kassé, dans son livre « L’industrialisation de l’Afrique est possible ». Au départ, on a fait croire que les Africains pouvaient ne pas construire d’industrie, qu’ils pouvaient donc continuer à vendre leurs matières premières et de bénéficier des produits finis des pays occidentaux. Dans ce jeu du commerce mondial, nous étions réduits à rester dans la chaine primaire. Même dans le secteur de l’assurance, il n’existe aucune entreprise africaine significative pour les importations et les exportations. Les Africains, comme l’a dit Abdoulaye Wade dans son livre « Un destin pour l’Afrique », payent chaque année plus de 120 milliards de dollars d’assurance sur les importations et exportations. Et on nous a fait comprendre qu’on pouvait être dans cette situation. Avec le développement des pays asiatiques comme la Corée de Sud, Taiwan, Singapour, Pakistan, les Africains commencent à croire que l’industrialisation est possible parce que tous ces pays se sont développés sur la base de l’industrialisation. Il faut donc commencer à construire tout de suite cette industrie pour demain commencer à commercer d’égal à égal avec les Européens (…) (Cheikh NDONG)