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Débat avec Ousmane Sonko – Les raisons évidentes du refus Aminata Touré

Dimanche 24 Juillet 2022

En exigeant d’Ousmane Sonko qu’il boucle lui-même un dossier politico-judiciaire qui traîne entre les mains d’un juge d’instruction depuis 17 mois, Aminata Touré avoue un refus de principe de soutenir un débat public avec un adversaire politique qui ne serait pas loin d'être le diable incarné.


Aminata Touré (d) et Ousmane Sonko
Aminata Touré (d) et Ousmane Sonko
A raison, beaucoup d’observateurs (et même des acteurs) de la vie politique ont mis le doigt sur la pauvreté du débat politique de fond qui devrait entourer les élections législatives du 31 juillet 2022. Les propositions visant à transformer l’Assemblée nationale en une institution forte, respectée et surtout utile ne sont pas réellement mises en évidence et en contradiction les unes par rapport aux autres à travers des affrontements entre candidats à la députation. La faute sans doute à mille et une lourdeurs qui maintiennent la démocratie de débats dans des postures plus personnelles que d’ordre programmatique.
 
Faut-il le rappeler, alors que les alternances s’enchainent dans notre pays depuis 2000, il n’y a jamais eu de débat présidentiel d’entre deux tours. Les présidents sortants qui se croient assez solides et jaloux de leurs positions ne prennent aucun risque qui les mettrait en danger face à leurs challengers d’opposition. L’opposant Abdoulaye Wade a en vain  remué ciel et terre pour en découdre avec Abdou Diouf. Devenu Président, il a récidivé en 2012 – toujours sans succès - pour croiser le fer avec un Macky Sall qui était en ballotage plus que favorable pour le second tour. C’est à croire que seuls les perdants présumés auraient intérêt à débattre…
 
C’est à peu près dans cette même configuration qu’aurait dû se situer l’appel au débat lancé par Ousmane Sonko, chef de file de l’opposition mais non candidat aux législatives du 31 juillet, à Aminata Touré, tête de liste nationale de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar (BBY). Loin de la dimension affective et individuelle des joutes présidentielles, ces élections parlementaires n’en restent pas moins les plus dramatiques de ces dernières années en termes d’enjeux eu égard à la puissance des adversités entre le camp présidentiel et l’opposition de la mouvance Yewwi.
 
Violence contre violence
 
Pour accepter le débat avec Ousmane Sonko, Aminata Touré lui a opposé de nombreux « préalables » : le renoncement à la violence, la condamnation du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), un « soutien sans faille à l’Armée nationale », sa reconnaissance « du caractère multiethnique de la Casamance comme partie intégrante et inséparable du Sénégal », son engagement « à respecter les institutions qu’il attaque régulièrement », et enfin « que Ousmane Sonko se lave de toutes les accusations graves dans le dossier pendant en justice car elle (Aminata Touré) milite depuis de longues années pour la protection morale et physique des femmes vulnérables. »
 
Cette liste de « préalables » non négociables dressée par l’ancienne première ministre suffit à elle seule pour valider une fuite en avant on assumée. Comment exiger d’un adversaire politique qu’il « renonce publiquement à la violence » alors qu’il accuse - justement ou injustement - votre camp d’être la source et le vecteur des dites violences ? Aminata Touré a-t-elle une seule fois condamné les dérapages ethnicistes et les appels à la violence de ses propres amis politiques – Aliou Dembourou Sow et ses machettes, Lat Diop et Hamath Suzanne Camara et leur apologie du meurtre contre Ousmane Sonko ?
 
Si le thème de la violence est opportunément érigé en poncif politicien par le camp présidentiel pour faire écran sur des faiblesses intrinsèques de taille, les autres « préalables » relèvent davantage d’une démarche populiste dont le but ultime est de fermer la porte à tout débat. Par exemple, comment exiger d’un simple justiciable sénégalais qu’il hâte lui-même son procès éventuel (où son non-lieu) dans une affaire dont l’avancée dépend de la volonté du juge d’instruction qui en a la charge ?  
 
Le bilan du président Sall, un boulet
 
La qualité boiteuse des conditionnalités dressées en barrage par l’ancienne ministre de la Justice pour sa protection et celle de son camp ne peut masquer les motivations derrière une fuite en avant mâtinée de prétextes en phase avec l’air du temps chez une partie de l’opinion publique. Mais leurs limites ne peuvent échapper à la critique et aux observateurs de bonne foi.
 
Le bilan du président Macky Sall ne peut certes être ravalé à un zéro pointé, mais dix ans après son arrivée au pouvoir, défendre publiquement ledit bilan – qui plus est dans un débat radiotélévisé qui se prolongerait sur les réseaux sociaux et intéresserait de près la presse étrangère – à quelques jours de scrutins législatifs cruciaux ne serait pas loin du suicide politique prémédité. Ne serait-ce pas là la raison cachée de cette multiplication effrénée de barrières ?
 
Au fond, Aminata Touré – auteure jusqu’ici d’une campagne électorale dynamique - avait une seule bonne raison de «sécher» la confrontation médiatique avec Ousmane Sonko. Elle aurait consisté à dire : « je suis candidate, vous ne l’êtes pas, donc pas de débat possible entre nous. » Et le débat serait clos ! Et elle aurait été inattaquable.
 
 
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