En état d’ébriété médiatique, le nouveau président élu de la Gambie Adama Barrow a maladroitement accordé en moins d’une semaine, plus d’une vingtaine d’interviews à la presse gambienne, sénégalaise et internationale. Mais passons les tragiques erreurs de communication de ce ravi de crèche.
De sa grâce, il n’en était pas encore revenu qu’il avait additionné dangereusement les sottises et les bêtises en agitant le chiffon rouge devant "le taureau de Kanilaï", Yahya Jammeh, 51 ans dont 22 à la baguette sur deux millions de Gambiens et 800.000 Sénégalais vivant dans cette enclave logée à l’intérieur du Sénégal, tel un doigt enfoncé dans une bouche.
Passons également les jugements sans appel et les condamnations à l’avance des médias et de la société civile qui ont vite fait de vitrifier et de crucifier le président sortant devant la Cour Pénale Internationale, avant même la passation de pouvoir théoriquement prévue pour le 12 janvier 2017.
Passons enfin les félicitations officielles adressées au gagnant et l’absence de remerciements à l’endroit du grand perdant, ne serait-ce que pour services rendus – quoique tardivement – à la démocratie et aux valeurs et principes républicains.
A présent, attardons-nous sur le sort des Gambiens et des Sénégalais, otages du seul satrape ouest-africain encore en vie. La semaine dernière, à la surprise générale, le fantasque Jammeh reconnaissait dignement sa défaite à l’issue de la présidentielle du 1er décembre. Cette semaine, l’imprévisible Jammeh se dédisait honteusement en refusant le verdict des urnes. Toutefois, en exigeant un nouveau scrutin, en fermant les frontières, en interdisant aux populations le droit de manifester et en défiant la communauté internationale, l’encore maître de Banjul a commis "le coup d’Etat électoral" le plus triste et le plus honteux du siècle.
"Ban Ki-moon peut aller en enfer"
Plus sérieusement, avant que ne soit constitué le corps du délit de non-assistance à peuple en danger, avant que ne commence un massacre à huis-clos, avant que ne coule une rivière de sang, le Sénégal - qui partage le même destin, la même histoire, la même géographie et la même population que la Gambie - doit impérativement agir. Agir pour la Gambie, c’est réagir pour le Sénégal : parce que de facto, il n’existe aucune frontière entre les deux pays. Parce qu’aussi l’un est logé dans le ventre de l’autre. Cette délimitation coloniale est une aberration géographique unique au monde. Parce qu’enfin "le kilomètre affectif" n’impose rien d’autre au Sénégal que la libération du peuple gambien.
Mais auparavant, deux options stratégiques se présentent. La première est d’ordre diplomatique et la seconde est d’ordre militaire. L’une a trait à la diplomatie parallèle et l’autre est relative au Droit international, c’est-à-dire l’emploi de la force armée, conformément à l’article 44 du chapitre 7 de la charte des Nations-Unies.
En plus de la pression internationale que la Cedeao, l’Union africaine et l’Onu commencent à exercer sur le dictateur gambien, il faut tout de suite imposer un ultimatum. C’est alors que la diplomatie parallèle entrera en jeu pour lui faire entendre raison. Aujourd’hui, seuls trois chefs d’Etat peuvent avoir une influence sur Yahya Jammeh : celui qu’il considère comme son ami et confident, Robert Mugabé. Malheureusement "le camarade Bob" est le parfait contre-exemple démocratique, en ce qu’il affiche 36 ans de pouvoir au compteur. Le deuxième qu’il tient en estime est un grand stratège militaire, Idriss Déby. Là encore, le "Bismarck du Sahel" est accroché à son fauteuil depuis 26 ans. Enfin le troisième, celui qu'il appelle "big brother", le Professeur Alpha Condé, qui aspire à présider aux destinées de l’Union africaine en janvier prochain. Par conséquent, le chef de l’Etat guinéen a une occasion inattendue d’emporter l’adhésion de ses pairs africains, s’il se pose en "sauveur du peuple gambien".
Comment neutraliser Jammeh ?
Et si malgré tout "le boucher de Kanilaï" résiste, alors l’Onu devra recourir en urgence à l’usage de la force légale. Il y a six mois déjà, de façon prémonitoire, il déclarait que le Secrétaire général, "Ban Ki-moon pouvait aller en enfer". Dans la foulée, il menaçait d’attaquer le Sénégal. C’est sous ce rapport qu’il faut également décrypter le message du Sénégal, à travers son ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, qui a haussé le ton et a mis en garde l’autocrate de Banjul, avant de demander une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
A l’image de la résolution 1975 du Conseil de sécurité, base légale du déroulement de l’opération française, Licorne, venue déloger le président Laurent Gbagbo, grand contestataire du verdict des urnes devant l’Eternel, à l’image de la résolution 2164 (opération Barkane au Mali) et enfin, à l’image de la résolution 2121 (opération Sangaris en Centrafrique), le Sénégal qui figure actuellement dans la short-list des quinze dirigeants du Conseil de sécurité, fort de sa « diplomatie d’objectifs et de résultats » n’aura aucun mal à convaincre les cinq membres permanents qui jouissent du droit de veto (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Chine et Russie) et les neuf non-permanents (Angola, Egypte, Espagne, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Ukraine, Uruguay et Venezuela), aux fins de recourir à l’emploi de la force militaire pour neutraliser dé-fi-ti-ve-ment Jammeh. Cette résolution ouvrira la voie à une Mission d’Intervention et de Soutien à la Gambie, composée de forces militaires issues des Etats africains, sous commandement sénégalais à l'effet de mettre hors d’état de nuire le successeur de Dawda Jawara, en même temps qu’elle assurera la sécurité des populations civiles.
C'est alors que le Sénégal gardera indiscutablement son rang de puissance diplomatique, tout en révélant sa puissance militaire. Si la France a sauvé le Mali du chaos, si le Président Hollande a sauvé la Centrafrique d’un génocide, alors le Président Macky Sall peut bien ôter ce doigt gambien coincé dans notre bouche.
Cheikh Omar Diallo, Docteur en Science politique, Consultant en Communication
De sa grâce, il n’en était pas encore revenu qu’il avait additionné dangereusement les sottises et les bêtises en agitant le chiffon rouge devant "le taureau de Kanilaï", Yahya Jammeh, 51 ans dont 22 à la baguette sur deux millions de Gambiens et 800.000 Sénégalais vivant dans cette enclave logée à l’intérieur du Sénégal, tel un doigt enfoncé dans une bouche.
Passons également les jugements sans appel et les condamnations à l’avance des médias et de la société civile qui ont vite fait de vitrifier et de crucifier le président sortant devant la Cour Pénale Internationale, avant même la passation de pouvoir théoriquement prévue pour le 12 janvier 2017.
Passons enfin les félicitations officielles adressées au gagnant et l’absence de remerciements à l’endroit du grand perdant, ne serait-ce que pour services rendus – quoique tardivement – à la démocratie et aux valeurs et principes républicains.
A présent, attardons-nous sur le sort des Gambiens et des Sénégalais, otages du seul satrape ouest-africain encore en vie. La semaine dernière, à la surprise générale, le fantasque Jammeh reconnaissait dignement sa défaite à l’issue de la présidentielle du 1er décembre. Cette semaine, l’imprévisible Jammeh se dédisait honteusement en refusant le verdict des urnes. Toutefois, en exigeant un nouveau scrutin, en fermant les frontières, en interdisant aux populations le droit de manifester et en défiant la communauté internationale, l’encore maître de Banjul a commis "le coup d’Etat électoral" le plus triste et le plus honteux du siècle.
"Ban Ki-moon peut aller en enfer"
Plus sérieusement, avant que ne soit constitué le corps du délit de non-assistance à peuple en danger, avant que ne commence un massacre à huis-clos, avant que ne coule une rivière de sang, le Sénégal - qui partage le même destin, la même histoire, la même géographie et la même population que la Gambie - doit impérativement agir. Agir pour la Gambie, c’est réagir pour le Sénégal : parce que de facto, il n’existe aucune frontière entre les deux pays. Parce qu’aussi l’un est logé dans le ventre de l’autre. Cette délimitation coloniale est une aberration géographique unique au monde. Parce qu’enfin "le kilomètre affectif" n’impose rien d’autre au Sénégal que la libération du peuple gambien.
Mais auparavant, deux options stratégiques se présentent. La première est d’ordre diplomatique et la seconde est d’ordre militaire. L’une a trait à la diplomatie parallèle et l’autre est relative au Droit international, c’est-à-dire l’emploi de la force armée, conformément à l’article 44 du chapitre 7 de la charte des Nations-Unies.
En plus de la pression internationale que la Cedeao, l’Union africaine et l’Onu commencent à exercer sur le dictateur gambien, il faut tout de suite imposer un ultimatum. C’est alors que la diplomatie parallèle entrera en jeu pour lui faire entendre raison. Aujourd’hui, seuls trois chefs d’Etat peuvent avoir une influence sur Yahya Jammeh : celui qu’il considère comme son ami et confident, Robert Mugabé. Malheureusement "le camarade Bob" est le parfait contre-exemple démocratique, en ce qu’il affiche 36 ans de pouvoir au compteur. Le deuxième qu’il tient en estime est un grand stratège militaire, Idriss Déby. Là encore, le "Bismarck du Sahel" est accroché à son fauteuil depuis 26 ans. Enfin le troisième, celui qu'il appelle "big brother", le Professeur Alpha Condé, qui aspire à présider aux destinées de l’Union africaine en janvier prochain. Par conséquent, le chef de l’Etat guinéen a une occasion inattendue d’emporter l’adhésion de ses pairs africains, s’il se pose en "sauveur du peuple gambien".
Comment neutraliser Jammeh ?
Et si malgré tout "le boucher de Kanilaï" résiste, alors l’Onu devra recourir en urgence à l’usage de la force légale. Il y a six mois déjà, de façon prémonitoire, il déclarait que le Secrétaire général, "Ban Ki-moon pouvait aller en enfer". Dans la foulée, il menaçait d’attaquer le Sénégal. C’est sous ce rapport qu’il faut également décrypter le message du Sénégal, à travers son ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, qui a haussé le ton et a mis en garde l’autocrate de Banjul, avant de demander une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
A l’image de la résolution 1975 du Conseil de sécurité, base légale du déroulement de l’opération française, Licorne, venue déloger le président Laurent Gbagbo, grand contestataire du verdict des urnes devant l’Eternel, à l’image de la résolution 2164 (opération Barkane au Mali) et enfin, à l’image de la résolution 2121 (opération Sangaris en Centrafrique), le Sénégal qui figure actuellement dans la short-list des quinze dirigeants du Conseil de sécurité, fort de sa « diplomatie d’objectifs et de résultats » n’aura aucun mal à convaincre les cinq membres permanents qui jouissent du droit de veto (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Chine et Russie) et les neuf non-permanents (Angola, Egypte, Espagne, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Ukraine, Uruguay et Venezuela), aux fins de recourir à l’emploi de la force militaire pour neutraliser dé-fi-ti-ve-ment Jammeh. Cette résolution ouvrira la voie à une Mission d’Intervention et de Soutien à la Gambie, composée de forces militaires issues des Etats africains, sous commandement sénégalais à l'effet de mettre hors d’état de nuire le successeur de Dawda Jawara, en même temps qu’elle assurera la sécurité des populations civiles.
C'est alors que le Sénégal gardera indiscutablement son rang de puissance diplomatique, tout en révélant sa puissance militaire. Si la France a sauvé le Mali du chaos, si le Président Hollande a sauvé la Centrafrique d’un génocide, alors le Président Macky Sall peut bien ôter ce doigt gambien coincé dans notre bouche.
Cheikh Omar Diallo, Docteur en Science politique, Consultant en Communication