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En finir avec cette déréliction qui plombe le débat démocratique

Mardi 21 Mai 2024

La chroniqueuse Khady Gadiaga
La chroniqueuse Khady Gadiaga

DÉRÉLICTION, un mot qui tonne et qui sied comme un gant à notre landerneau politique. 

Un écosystème sensé être démocratique et dont les membres refusent d’emblée l’échange et la vie qui l’anime – comme si l’adversité politique, ne pouvait plus être perçue que comme une intrusion dangereuse, un cannibalisme qui vient en effet menacer les acteurs tombés dans la disgrâce de l'opposition dans la forteresse de leur solitude et du dénigrement dans laquelle, ils se sont emmurés.

 

Il est déplorable de constater que les discours politiques et les postures manichéennes qui émergent de la nouvelle opposition, au lendemain des élections présidentielles de 2024 soient alimentés par les préjugés, l'invective et la diffamation. 

L'adversité politique est entrée dans une nouvelle phase pas nécessairement productive. 

 

Ce que j'en retiens : les partis politiques traditionnels sont en déliquescence, au moment où un jeune parti souverainiste à peine éclos déferle sur la vie politique et remporte l'adhésion des masses. Se surajoute, en symptôme de ce démantèlement des partis historiques et des mouvances de gauche comme libérales, en pleine déconfiture. 

 

Les républicains, n'en parlons pas. Ils n'ont jamais su faire de leur entité politique une organisation structurée avec une force de  délibération démocratique, l'appétit du monstre même au-delà de réduire l'opposition républicaine à sa plus simple expression a plombé toute possibilité d'épanouissement de vrais leaders au sein de sa formation et a instauré des clivages infranchissables au sein de l'APR, la transformant en une véritable armée mexicaine, incapable  de montrer le visage d'une véritable force de proposition alternative.

 

Un concours d'indignité nationale animé par la nouvelle opposition 

 

Ces temps-ci qui révèlent donc toute la misère de la gouvernance mackyste après le lever du coude de l'ancien président sur la gabegie générale orchestrée en système de gestion du pays, le débat politique exhale une puanteur franchement peu ragoûtante. Un concours d'indignité nationale au sommet des formations politiques issues du système tombé en déshérence souligne, par contraste, une vérité oubliée : à en entendre certains spin doctors du régime apriste déchu, on a l'impression qu'ils ont vite fait de réduire leurs rôles d'opposition à l'esbroufe et à la calomnie. Serions-nous capables de bienveillance, de courtoisie, qu'il nous est insupportable de soutenir avec le sourire le spectacle de ces affreux jojos de l'ancien régime, dézinguant tout ce qui bouge! La méchanceté, la malhonnêteté et la perfidie qui animent leur prises de parole dépassent les limites du tolérable. 

 

Ils se laissent aller avec une joie indescriptible à jouer les langues de vipères et mieux encore, à en faire profiter la terre entière !  Les uns et les autres ont oublié que se mouvoir dans l'arène politique est synonyme d'engagement en faveur d'un programme, d'une vision et d'une nation.

 

Les Sénégalais attendent la rupture dans l'art de faire la politique 

 

 À l'ère post+covid dont les effets dévastateurs sont encore bien palpables sur fond de rupture d'équilibre macroéconomique et crise énergétique accrue au plan mondial, les Sénégalais qui nourrissent de très grandes espérances, attendent beaucoup des politiques.

 

Ils attendent qu'on leur parle de ce projet d'avenir pour lequel, ils ont souscrit. Ils attendent des propositions concrètes loin de toutes tentations démagogiques et électoralistes.  Les citoyens sont dépités et déçus de ce triste spectacle, ils rejettent ces querelles de chiffonniers sortis des caniveaux de la République, qui n'intéressent que les concernés.

 

À défaut de les chasser, le moment est venu d'interpeller sérieusement, «ces politiciens kamikazes», qui veulent tout faire exploser sur leur passage. À les entendre, on a la sensation qu'on est en plein combat fratricide et non dans un débat sérieux autour des questions essentielles, autour des défis de l'heure.

 

 Il n'est pas question de les laisser enterrer les débats, ces esprits convenus sans foi ni loi, qui accaparent micros et tribunes pour mieux éteindre le débat: Ils doivent comprendre qu'ils sont en perte d'influence politique! À croire que certains esprits autoproclamés éclairés ont perdu la raison, la haine fuse de tous les débats, est-ce une fatalité? Bien sûr que non! Notre classe politique ne sait pas débattre, ne sait pas communiquer. Nos politiques doivent se «challenger» sur le Noble projet  de la consolidation de la "Nation Sénégal" tout en restant dans le politiquement correct. 

 

Au fond, ces «politiciens» qui peuvent avoir de nombreux points de convergence, et aussi des différences d'approche, et de désaccords parfois, doivent faire l'effort patriotique de comprendre que les différences de vues, n'ont jamais empêché un débat d'idées, un débat responsable et lucide, à la hauteur des grands défis qui attendent le pays devenu Etat pétrolier et gazier, donc objet de toutes les convoitises.

 

Au sein d’une société éclatée et d’un monde incertain, le changement réussi suppose de construire patiemment, dans un temps long, les expérimentations qui permettraient de passer de la colère à la confiance et à l’espoir. Cela ne peut se faire dans un climat de surchauffe et guerre larvée. Le progrès se construit dans la paix et la paix ne peut s'obtenir qu'en luttant contre l’obsession de l’identité et des intérêts particuliers. Renforcer les ressorts de la cohésion en modernisant le parti pris de l’égalité, retisser les liens de la combativité sociale et des constructions politiques, réconcilier la politique et les catégories populaires, relégitimer l’action politique organisée, restaurer le débat politique en respectant la voix de l'opposition et permettre à chaque entité politique de redonner à son programme et à sa proposition le souffle d’un projet alternatif sont des actes à poser pour maintenir les fondements de ce qui fait une république.

 

Rien de tout cela n’est à même de répondre pleinement aux exigences de l’époque si également, l'opposition ne perçoit pas aussi que l’avenir de notre nation balafrée par les stigmates de la haine qui menace notre vivre-ensemble, dépendra de sa capacité à innover, et notamment dans la réarticulation de plus en plus cruciale de la critique sociale en actes et du champ proprement politique.

 

Construire un projet de société autour de l'appartenance 

 

Le contexte sociopolitique fragile nous envoie un message clair : la seule manière de nous en sortir, c’est la réciprocité, le sens de l’appartenance, la communauté, se sentir faire partie de quelque chose de plus grand, dont il faut prendre soin, et qui peut prendre soin de nous.

 

La responsabilité partagée, sentir que de nos actions dépendent, non pas seulement notre propre sort, mais du sort des autres, de tous ceux qui nous entourent. Et que nous dépendons d’eux.

 

S’il est une leçon à tirer de ces temps de confusion et d'incertitudes, elle est peut-être dans ce constat. Elle n’interdit pas l’optimisme ; Elle oblige à la lucidité.

Khady Gadiaga, 21 mai 2024

 
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