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Énergie - Poutine durcit le ton face à l’Europe qui craint des pénuries

Mercredi 7 Septembre 2022

Le président russe Vladimir Poutine a menacé mercredi de cesser toute livraison d’hydrocarbures en cas de plafonnement des prix, tout en se défendant d’utiliser l’énergie comme une « arme » face à l’Europe qui craint des pénuries.
 
La semaine dernière, les pays du G7 ont dit vouloir mettre en œuvre « urgemment » un plafonnement du prix du pétrole russe, encourageant une « large coalition » de pays à y participer, en représailles contre l’offensive menée en Ukraine.
 
Mercredi, Vladimir Poutine a tenu à être clair : la Russie ne livrera plus de pétrole ou de gaz aux pays qui plafonneraient les prix des hydrocarbures vendus par Moscou.
 
Plafonner les prix des hydrocarbures russes serait « une décision absolument stupide », « une bêtise », a lancé M. Poutine à l’occasion d’un forum économique à Vladivostok (Extrême-Orient russe).  
 
« Si les pays européens veulent renoncer à leurs avantages compétitifs, c’est à eux de décider », a-t-il prévenu. Mais « nous ne livrerons rien du tout si c’est contraire à nos intérêts, en l’occurrence économiques. Ni gaz, ni pétrole, ni charbon […]. Rien », a-t-il ajouté, sur un ton ferme.
 
« Nous ne fournirons rien en dehors du cadre des contrats » signés avec les pays importateurs, a encore affirmé M. Poutine devant plusieurs dirigeants économiques russes et asiatiques, fustigeant « ceux qui essaient de nous dicter leur propre volonté ».
 
« Boomerang »
 
C’est dans ce contexte de bras de fer que la Russie a annoncé la semaine dernière la fermeture des vannes du gazoduc Nord Stream, qui dessert l’Allemagne et plusieurs autres pays européens, invoquant des raisons techniques.  
 
Selon le géant russe Gazprom, cette interruption prolongée est due à la nécessité de réparer une turbine du gazoduc.
 
Cette décision a renforcé les craintes des pays européens d’une coupure totale du gaz russe vers le continent à l’approche de l’hiver et sur fond d’inflation galopante des prix de l’énergie.
 
Dans un communiqué, Gazprom a affirmé mercredi que « les pays de l’Union européenne avaient réduit de 48 % les livraisons de gaz russe sur leur marché depuis le début de l’année, et de 49 % si on ajoute la Grande-Bretagne ».  
 
Mercredi, M. Poutine a appelé les pays européens à « revenir à la raison », au moment où des voix s’élèvent en Occident pour accuser la Russie d’utiliser son gaz comme un moyen de pression dans le contexte du conflit en Ukraine.
 
Des accusations balayées mercredi par Vladimir Poutine : « Ils disent que la Russie utilise l’énergie comme une arme. Encore un non-sens ! », a-t-il lancé.
 
Moscou se défend notamment en arguant que les sanctions à son encontre pour son offensive en Ukraine ont provoqué une pénurie de pièces de rechange qui menace l’intégrité de Nord Stream.
 
« Donnez-nous une turbine et demain nous relancerons Nord Stream », a lancé le président russe à l’adresse des Européens.
 
« Nous sommes prêts à (reprendre les exportations) demain. Tout ce que vous avez à faire est d’appuyer sur un bouton », a-t-il affirmé, rappelant que ce n’était pas la Russie qui avait « imposé des sanctions ».
 
Selon le président russe, les pays de l’UE, confrontés à une envolée des prix de l’énergie, « ont plusieurs solutions : soit subventionner (ces) prix élevés […] soit réduire la consommation ».
 
« D’un point de vue économique, c’est correct. Mais d’un point de vue social, c’est dangereux. Cela peut provoquer une explosion », a-t-il mis en garde.
 
« Il vaut mieux respecter les obligations contractuelles, les règles civilisées », a fait valoir M. Poutine. « Il est impossible de nuire aux lois économiques “objectives”. Sinon cela vous reviendra comme un boomerang ».
 
Les céréales ukrainiennes vont aux pays de l’UE, pas aux pays pauvres, affirme Poutine
Le président russe Vladimir Poutine a affirmé mercredi que les exportations de céréales ukrainiennes allaient majoritairement vers les pays européens et non pas vers les pays pauvres, ce qui crée selon lui un risque de « catastrophe humanitaire ».
 
Des affirmations pas totalement confirmées par les chiffres fournis à l’AFP par le centre de coordination en Turquie, selon lesquels 36 % seulement des céréales ukrainiennes sont allées à des pays de l’Union européenne.
 
« Presque toutes les céréales exportées d’Ukraine sont envoyées non pas aux pays en développement et aux pays les plus pauvres, mais aux pays de l’Union européenne », a affirmé M. Poutine au cours d’un forum économique à Vladivostok (Extrême-Orient russe).
 
« Ce que nous observons est une tromperie […], une attitude grossière et imprudente envers ces partenaires pour qui tout cela était censé être fait », a-t-il enchaîné devant de nombreux responsables économiques et politiques asiatiques.
 
Le président russe a dénoncé une attitude « colonialiste » de la part des pays occidentaux, notamment de l’UE, qui « pensent d’abord à (leur) propre peau, à (leurs) propres intérêts ». « Ils s’en fichent ! », a-t-il lâché.
 
« Regardez le compte : 80 navires, et deux seulement vers les pays en développement », soit « 3 % uniquement », a affirmé M. Poutine dans son discours, indiquant « avoir parlé avec un dirigeant européen » de ce sujet « il y a un mois ». « Mais la quantité de céréales envoyée aux pays en développement n’augmente toujours pas ».
 
« Cela pourrait mener à une catastrophe humanitaire sans précédent », a-t-il alerté dans un discours de plus d’une demi-heure. « Peut-être devrions-nous réfléchir à la façon de limiter les exportations de céréales et d’autres produits alimentaires par cette voie ? », a-t-il poursuivi.
 
« Je vais consulter le président turc (Recep Tayyip) Erdogan », qui a parrainé un accord à Istanbul permettant l’exportation des céréales ukrainiennes, a-t-il ajouté.
« Trompés », selon Poutine
 
Selon les données communiquées mercredi à l’AFP par le Centre de coordination conjointe (CCC) d’Istanbul, chargé de superviser cet accord, 100 navires ont quitté depuis début août les ports ukrainiens d’Odessa, de Tchornomorsk et de Pivdenny, transportant à leur bord 2 334 310 tonnes de céréales et autres produits agricoles.
 
Les principaux pays destinataires de ces livraisons ont été la Turquie (20 %), l’Espagne (15 %), l’Égypte (10 %), la Chine (7 %) et l’Italie (7 %). Les pays européens représentent 36 % du total et les pays africains 17 %.
 
« 30 % des cargos sont allés vers des pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires inférieurs », assure le CCC.
 
Une partie importante des céréales livrées à la Turquie est toutefois réexportée, notamment vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, soulignent des analystes.
 
Une responsable du gouvernement américain, qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat, a qualifié les affirmations du président Poutine de fausses et précisé que certaines céréales étaient transportées en Europe pour y être transformées avant d’être envoyées vers des nations pauvres.
 
« Peut-être que l’accord fonctionne mieux que prévu et que les Ukrainiens en profitent plus qu’il ne l’espérait en termes de revenus allant à l’Ukraine », a-t-elle déclaré.
 
« Je pense qu’il pourrait avoir plusieurs motivations. Il ne veut pas aider les Ukrainiens, il aimerait obtenir un meilleur accord et (il essaie de maîtriser) le récit face aux pays du Sud », a-t-elle ajouté.
 
Les déclarations de Vladimir Poutine interviennent à un moment où les inquiétudes persistent sur la sécurité alimentaire mondiale qui a été impactée par les retombées du conflit en Ukraine. (AFP)
 
 
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