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France : le gouvernement démissionnaire d’Attal se déclare incensurable (note secrète de Matignon)

Vendredi 30 Août 2024

Le président en poste Emmanuel Macron (d) et le premier ministre démissionnaire Gabriel Attal
Le président en poste Emmanuel Macron (d) et le premier ministre démissionnaire Gabriel Attal

L'actuel gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal gouverne sur la base d'une note du Secrétariat Général du Gouvernement (SGG, les services administratifs de Matignon), qui estime le gouvernement incensurable tout en lui attribuant de larges pouvoirs de décision, souligne François Malaussena, conseiller politique à l'Assemblée nationale.

 

Dans un billet publié jeudi 29 août sur le site de Mediapart, François Malaussena explique que le SGG est l'organe non-politique le plus important de France. Ses services sont très puissants, de par leur centralité et leur permanence et survivent aussi bien à la succession des présidents de la République que des gouvernements et des majorités parlementaires.

 

À la suite des élections législatives de 2024, il a été demandé au SGG de préparer une note sur les pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire chargé d’expédier les affaires courantes.

 

La note élaborée par les services du SGG détermine trois types de décisions : les décisions ordinaires, les décisions urgentes, et le reste (la note ne donne pas de nom, mais le conseiller politique à l'Assemblée nationale appelle ça les décisions politiques, ndlr).

 

Selon cette note, un gouvernement démissionnaire peut prendre les décisions ordinaires et urgentes, mais pas les décisions politiques. 

 

Cependant, sur le fond, il n’y a que deux types de décisions, les décisions ordinaires et celles politiques... dans le sens où ‘’plus le temps passe, plus les décisions politiques peuvent devenir des décisions urgentes, ce qui justifie qu'elles soient prises par le gouvernement’’, explique François Malaussena.

 

Autrement dit, plus un gouvernement démissionnaire restera aussi longtemps chargé d’expédier les affaires courantes, plus il acquiert de larges pouvoirs à tel point qu'il aura le droit de presque tout faire - tant qu'il peut expliquer l'urgence motivant chaque décision.

 

Dans ce même document, les services du SGG mentionnent que ‘’Le Parlement est privé de la possibilité de renverser le Gouvernement’’ (qui est déjà démissionnaire).

 

En d’autres termes, un gouvernement démissionnaire ne pourrait pas être renversé, pour la simple raison que “ce n'est plus un Gouvernement.”

 

Cette lecture proposée par les services administratifs de Matignon est ‘’particulièrement surprenante, mais surtout extrêmement dangereuse’’, fait observer François Malaussena. Surprenante dans la mesure où elle soutient qu'un ‘’groupe de personnes qui a les pouvoirs, les moyens, les services, l'image publique, bref qui aurait tout d'un gouvernement, sauf le nom de gouvernement… ne serait pas un gouvernement’’. En clair, la France peut être gouvernée par un groupe de personnes qui n'est pas un gouvernement.

 

Dangereuse, parce qu'elle permet d’opérer un changement complet de régime.

En conséquence, un gouvernement démissionnaire chargé d’expédier les affaires courantes aurait presque les mêmes pouvoirs qu'un gouvernement en fonction, avec en plus, l’impossibilité d’être renversé. Cela neutralise l’une des plus importantes prérogatives de l’Assemblée nationale et permet au président de la République de changer la nature du régime politique en France, vers ce que l’Hexagone a connu de pire.

 

Ainsi, si on retient l’interprétation des services du SGG, rien n’empêchera le président de la République de nommer un Premier ministre, le laisser nommer son gouvernement, puis accepter immédiatement leur démission, les charger de la gestion des affaires courantes, et ne renommer personne.

 

Ce gouvernement démissionnaire pourra ainsi gouverner sans être responsable devant personne à l’exception du président de la République, et presque sans pouvoir d'action du Palais Bourbon.

 

Le seul moyen d’empêcher cela serait alors la destitution du chef de l’État, mais cette mesure est improbable puisqu’elle requiert 66 % des députés et autant de sénateurs, soit deux seuils impossible à atteindre.

 

François Malaussena précise que dans le cas présent ‘’nous serions en présence d'un exécutif intégralement irresponsable devant la Chambre, qui peut en plus menacer cette dernière de dissolution’’, soit l’exact inverse des excès de pouvoir des 3ème et 4ème Républiques.

Il ajoute qu’avec cette note du SGG, c’est l’exécutif qui se fixe, seul, ses propres limites, or il n’en a pas.

 

Le conseiller politique à l'Assemblée nationale estime que c’est au Palais Bourbon de trancher à ce sujet.

 

‘’L’Assemblée nationale est l’institution souveraine en France. Elle fait ce qu’elle veut - dans la limite des textes certes, mais dans leur silence, ses mains sont libres. Or il n’est écrit nulle part qu’il est interdit de voter la censure d’un gouvernement démissionné. Si l’Assemblée nationale le veut, elle le peut’’, assure François Malaussena, citant en exemple le vote en octobre 1962 du Sénat sur l’affichage du discours de son président, Gaston Monnerville, une longue et violente diatribe contre Charles de Gaulle, dans toutes les mairies de France.

 

‘’Les sénateurs ne se sont pas demandé s’ils avaient le droit, si la procédure existait, ou quoi que ce soit d'autre : ils ont constaté que ce n’était interdit nulle part, et ils l’ont fait’’, explique le conseiller politique à l'Assemblée nationale. [AA]

 
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