Les assassinats de dirigeants du Hamas et du Hezbollah par Israël sont "totalement inutiles" et ne servent que "l'ego de certains machos israéliens", selon le journaliste et auteur israélien de renom, Gideon Levy.
"Les assassinats ne changent en rien la donne. Ils ne l'ont jamais fait et ne le feront jamais, et par conséquent, tous ces meurtres sont toujours sans but", a déclaré Levy dans une interview accordée à Anadolu.
"Cela ne sert à rien, ni les intérêts d'Israël, ni la sécurité, ni rien. C'est vraiment un jeu d'enfants, des enfants qui veulent tous être des James Bonds et montrer à quel point ils sont sophistiqués", a-t-il ajouté.
Le leader politique du Hamas, Ismail Haniyeh, a été tué, mercredi, dans la capitale iranienne, Téhéran, après avoir assisté à la cérémonie d'investiture du président Masoud Pezeshkian. La veille, un commandant du Hezbollah, Fuad Shukr, a été la cible d'une frappe aérienne israélienne dans la banlieue sud de la capitale libanaise, Beyrouth.
Le Hamas et l'Iran attribuent la responsabilité de la mort de Haniyeh à Israël, mais Tel-Aviv n'a ni confirmé ni infirmé son implication.
Un jour plus tard, jeudi, l'armée israélienne a affirmé qu'elle disposait de renseignements selon lesquels le commandant militaire du Hamas, Mohammad Deif, avait été tué lors d'une frappe aérienne le 13 juillet dans la région de Khan Younes, à Gaza. Le mouvement de résistance palestinien n'a toutefois pas confirmé la mort de Deif.
Levy a souligné que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu "pense que l'assassinat de Haniyeh éliminera le Hamas et qu'il (Israël) atteindra son objectif", mais ajoute que cela est "totalement déconnecté de la réalité".
"Au contraire, le Hamas n'est pas plus faible aujourd'hui, il est beaucoup plus fort politiquement qu'avant cette guerre", a-t-il déclaré.
"Politiquement, le Hamas est aujourd'hui beaucoup plus populaire en Cisjordanie, dans le monde arabe, voire dans le monde entier, beaucoup plus accepté [...] et tuer Ismail Haniyeh n'y change pas grand-chose.
Citant l'histoire d'Israël qui a assassiné des dirigeants du Hamas, y compris son fondateur, le Cheikh Ahmed Yassine, il a ajouté : "A chaque fois, ils nous ont dit que le Hamas avait été écrasé ... et quelques mois plus tard, on voyait un Hamas plus fort".
- "Netanyahu ne veut pas que cette guerre prenne fin".
Selon Levy, la récente vague d'assassinats est liée à l'objectif de Netanyahu de prolonger, voire d'élargir, sa guerre contre la Bande de Gaza.
Israël est poursuivi pour "crime de génocide" devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour son offensive meurtrière contre l'enclave palestinienne, où quelque 40 000 Palestiniens ont été tués, dont plus de 27 200 femmes et enfants, tandis que plus de 91 000 autres ont été blessés.
Les pourparlers en vue d'un cessez-le-feu ne peuvent se poursuivre "lorsque vous assassinez le négociateur", a déclaré Levy.
"Soit on négocie, soit on assassine. On ne peut pas gagner sur les deux tableaux", a-t-il déclaré, ajoutant que les négociations "risquent d'être reportées pour longtemps".
"Nous pourrions être confrontés très bientôt à une guerre régionale et il est évident qu'aucun cessez-le-feu ne sera sur la table et que personne ne parlera à Israël", a déclaré Levy, ajoutant qu'obtenir la libération des prisonniers israéliens n'a jamais été l'objectif de Netanyahu et qu'il continue à "agir comme s'il voulait une escalade".
"Personne de sérieux ne peut croire que tuer Haniyeh contribuera à la libération des otages. Au contraire, cela ne fait que la retarder, mais c'est là l'objectif de Netanyahu", a-t-il ajouté.
"Netanyahu ne veut pas que la guerre prenne fin et il fait tout ce qui est en son pouvoir pour retarder la fin de la guerre et le cessez-le-feu. Le prix à payer est de jouer avec la vie des otages", a déploré le journaliste israélien.
Après le 7 octobre, tout le monde était certain que la carrière de Netanyahu était finie, mais il "remonte dans les sondages", a déclaré Levy. Et d'ajouter : "Netanyahu est l'homme politique israélien le plus détesté et le plus aimé de tous les temps".
"Ceux qui le détestent n'accepteront rien de lui et ceux qui le suivent accepteront tout de lui", précise Gidéon Levy.
Celui-ci a réaffirmé que les récents assassinats ont entraîné une escalade et que "nous sommes plus proches d'une guerre régionale".
"Si l'Iran entre en jeu, nous aurons une nouvelle donne, et je ne vois pas comment l'Iran pourrait ne pas entrer en jeu", a-t-il conclu. [AA]