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Gouvernance de Macky Sall: de la corruption à ciel ouvert au népotisme exacerbé

Lundi 17 Septembre 2018

«La loi est la loi. Et nul n’est au-dessus des lois. Pas même le président.» (Barack Obama)
 
Dans un discours historique au peuple africain, tenu le 28 juillet 2015 à Addis Ababa, Barack Obama fustigeait le cancer de la corruption qui ponctionne des milliards de dollars à des pays dont les économies sont structurellement faibles. Surtout, l’ex Président américain pointait les déviances de certains dirigeants africains qui changent les règles du jeu pour rester au pouvoir, au risque d’engendrer instabilité et conflits. Une vidéo récente, largement relayée par les médias et les réseaux sociaux, illustre parfaitement, l’un des traits de la gouvernance de Macky Sall: la corruption à ciel ouvert.
 
En plein jour, un élu local (Maire de Touba) corrompt publiquement des chefs de quartier à qui il promet 50 000 F CFA pour chaque fiche de parrainage recueillie. Nous sommes au Sénégal, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Les partenaires économiques du Sénégal apprécieront ces images d’un Maire pris en flagrant délit de corruption active, et qui, à ce jour, vaque tranquillement à ses occupations. Le coup d’envoi de telles pratiques nauséabondes a été donné par le Président de la République himself, qui, depuis sa tour de contrôle, a transformé le palais présidentiel en un supermarché de la corruption.
 
A l’approche de l’échéance présidentielle, des dizaines de mouvements de soutien, et des partisans de l’APR affluent au palais, comme dans une foire au bétail où « chacun affiche son prix », ressortent avec des millions de F CFA et inondent le pays avec de l’argent SALE. Pendant ce temps, le Procureur de la République fait le mort. Celui qui a diligenté une enquête ayant conduit à l’arrestation de Bamba Fall et de plusieurs militants socialistes sur la base d’images (vidéo) suite au saccage du siège du parti socialiste est invisible. Alors que la famine guette dans plusieurs localités (750 000 Sénégalais risquent de mourir de famine selon une alerte du Programme alimentaire mondial), que des dizaines de milliers de Sénégalais sont tenaillés par la soif, que de simples ruissellements de pluies transforment la ville de Dakar en une mare, que des milliers de jeunes désespérés prennent le chemin de l’exil au péril de leur vie, que le système éducatif est au bord de l’implosion, Macky Sall verse dans le laxisme, l’insouciance, la gabegie et la prévarication. Sans coup férir.
 
Avec la nomination de son frère, Aliou Sall, comme Directeur Général de la Caisse des dépôts et Consignations, il parachève son magistère par un népotisme abject. Une lecture attentive de la Loi n° 2017-32 du 15 juillet 2017 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la « Caisse des Dépôts et Consignations » permet de savoir qu’il s’agit d’une loi taillée sur mesure pour le frère du Président de la République. L’introduction de l’immunité d’exécution (cf. article 17), au simple motif de l’exercice d’une mission d’intérêt général, relève d’un détournement du principe d’intérêt général qui, en l’espèce, est applicable à de nombreuses entités publiques qui ne bénéficient pas d’une telle immunité (agences ou organismes, personnes morales de droit public dont l'activité est financée majoritairement par l'État ou une collectivité locale dans le cadre d’activités d’intérêt général).
 
Par ailleurs, l’article 25 constitue une entorse majeure au principe de transparence et de bonne gouvernance car il dispose: « Les membres de la Commission de Surveillance sont astreints à l’obligation de discrétion pour les informations, faits et actes dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ». En cas de manquements graves ou de malversations financières dans le fonctionnement de la CDC, les membres de ladite Commission de surveillance ne pourraient porter ces informations à la connaissance du public. Pour comprendre la dangerosité du libellé de l’article 25, il faut se référer à l’article 40 qui précise que « Les conditions dans lesquelles le contrôle de la Cour des comptes s’exerce sur les opérations de la Caisse des Dépôts et Consignations sont fixées par décret ». Autrement dit, c’est Macky Sall en personne qui détermine les conditions dans lesquelles son frère Aliou Sall doit être contrôlé. Un mélange des genres. Du jamais vu dans une République !
 
Résumons les articles 25 et 40 de la Loi n° 2017-32 du 15 juillet 2017 (double verrouillage) :
a). Les membres de la Commission de surveillance sont astreints à l’obligation de discrétion,
b). C’est Macky Sall qui précise les conditions dans lesquelles son frère Aliou Sall est contrôlé.
 
Mais le mieux est à venir avec l’article 34 de la CDC qui soustrait frauduleusement Aliou Sall des dispositions du code des marchés publics (Décret 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics). En effet, l’article 34 de la CDC dispose: «Les règles de passation des marchés de la Caisse des Dépôts et Consignations sont fixées dans un manuel de procédures qui détermine les règles applicables aux marchés conclus. Le manuel de procédures et tout amendement y afférent ne sont applicables qu’après approbation de la Commission de surveillance ».
 
Les dispositions contenues dans cet article 34 relèvent d’un scandale absolu et suscitent l’effroi : c’est la Caisse des dépôts et Consignations qui détermine elle-même les règles de passation de ses marchés, via un manuel de procédure qu’elle valide. Or l’article 2 du Décret 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics ne laisse place à aucune forme d’ambigüité :
 
Article 2 : Les dispositions du présent décret s'appliquent aux marchés conclus par les Autorités contractantes suivantes :
 
a). L'État, y compris ses services déconcentrés et les organismes non dotés de la personnalité morale placés sous son autorité

b). Les collectivités locales, y compris leurs services déconcentrés et les organismes non dotés de la personnalité morale, placés sous leur autorité ainsi que les groupements mixtes et les établissements publics locaux,

c). Les Etablissements publics

d). Les agences ou organismes personnes morales de droit public ou privé autres que les établissements publics, sociétés nationales ou sociétés anonymes à participation publique majoritaire dont l'activité est financée majoritairement par l'État ou une collectivité locale et le cadre d'activités d'intérêt général…
 
Il est donc clairement établi que la CDC est soumise au Décret 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics, et n’entre pas dans le champ des dérogations prévues à l’article 3 dudit code. En réalité, l’article 34 de la CDC constitue une véritable prime à l’impunité pour le frère du Président qui draine des milliards de F CFA, qu’il peut utiliser comme bon lui semble, dans le cadre de marchés qui n’obéissent à aucune règle (sauf celles fixées par la CDC dont il est le Directeur), et sans aucune possibilité de rendre compte (ni à la Direction Centrale des Marchés Publics, ni à L’Autorité de Régulation des Marchés Publics).
 
Au Sénégal, il y a le code des marchés publics qui est la règle de droit commun, d’une part, et d’autre part le Manuel des procédures pour Aliou Sall (le frère du Président). Il convient de signaler que le Manuel des procédures n’est rien d’autre qu’un document intitulé « Guide des procédures », comme il en existe dans la quasi-totalité des entreprises ou des entités publiques. Un tel document n’a aucune valeur juridique, car il se borne à faire des recommandations pour la bonne marche de la structure (sous forme d’instructions). Alors qu’il passe le plus clair de son temps à emprisonner des opposants sénégalais dont le seul tort est de s’opposer à sa politique et d’afficher une ambition légitime de briguer le suffrage des citoyens sénégalais, Macky Sall modifie la loi fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la « Caisse des Dépôts et Consignations » dans l’unique but de protéger son frère Aliou Sall des foudres de la Justice. En lui conférant une immunité totale (d’une part, Macky Sall détermine les modalités de contrôle de son frère via un décret (non publié), et d’autre part, il est destinataire de tout rapport concernant la gestion de ce dernier).

Par ailleurs, le fait que le montant de la caution à la présidentielle de 2019 soit versé au frère du Président de la République démontre que le Sénégal est une vraie République bananière (les SALL sont juges et partie) !
 
Entre la corruption à ciel ouvert (le Maire de Touba), le pillage des deniers publics (affaire PRODAC), et le népotisme (nomination de son frère à la tête de la CDC), Macky Sall a étalé toute une gamme de pratiques aux antipodes d’une gouvernance sobre et vertueuse. Il ne fait aucun doute que pour le clan « SALL », l’univers des malversations est quasi « infini ».
 
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr
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