Lilyan Kesteloot, pour reprendre la belle expression de Nelson Mandela, est « rentrée à la maison » le 28 février 2018, à l’âge de 87 ans. Cette Belge, née en 1931 à Bruxelles, a beaucoup apporté à la recherche africaniste qui a été la grande affaire de sa vie. C’est en 1961 qu’elle soutient une thèse de doctorat consacrée aux écrivains noirs d’expression française. Publié en 1963, cet ouvrage s’impose rapidement comme une œuvre pionnière, suivie de plusieurs publications de premier plan consacrées à la littérature nègre d’expression française, parmi les lesquelles on peut citer : une étude sur Aimé Césaire (Aimé Césaire : choix de textes, bibliographie, portraits, fac-similés, Paris, 1962), une anthologie de poètes camerounais (Neuf poètes camerounais, Yaoundé, 1965), Négritude et situation coloniale (Yaoundé, 1968). En 1975, elle soutient une monumentale thèse de doctorat d’État ès lettres et sciences humaine, sur travaux, comportant onze volumes, à Paris 3, sous le titre générique : Études sur la littérature africaine francophone et traditionnelle.
Au long des années, elle multiplie les travaux et explore tous les aspects de la « littérature traditionnelle » : mythes, épopées, légendes, contes et récits divers. Dans tous ces domaines, seule ou en collaboration avec des sommités de la tradition et/ou de l’université africaines, elle conduit des recherches de premier plan permettant, aujourd’hui, d’avoir une très bonne connaissance de la littérature traditionnelle africaine. L’épopée bambara de Ségou (avec la collaboration de J.-B. Traoré, 1972), Césaire et Senghor : un pont sur l’Atlantique (2006), Les grandes figures de la négritude (avec A. Gounongbe, 2007), Dieux d’eau du Sahel (2007), Les épopées d’Afrique noire (avec B. Dieng, 2009), Introduction aux religions d’Afrique (2010), Contes et mythes wolof (avec Bassirou Dieng, 2015) sont quelques-uns des ouvrages marquants de la bibliographie de Lilyan Kesteloot, qui est considérable.
Lilyan Kesteloot, historienne éminente de la littérature africaine traditionnelle comme moderne, était aussi une chercheuse de terrain infatigable, qui sillonnait les coins et recoins les plus improbables de l’Afrique noire, rencontrant griots et fabulistes, conteurs et traditionnistes pour recueillir épopées, contes, légendes, mythes, récits historiques et chants de toutes sortes, qui forment la puissante trame littéraire de l’Afrique noire et le levain de sa culture millénaire. C’est ainsi qu’elle a constitué une banque de données incomparable tant par sa richesse que par sa diversité, formant une véritable « Africathèque », néologisme répondant parfaitement à la somme gigantesque de faits culturels africains qu’elle a rassemblés et étudiés en grande partie. Elle a toujours scrupuleusement veillé à mettre les trésors qu’elle exhumait à la disposition des institutions publiques africaines de recherche. C’est ainsi qu’elle a considérablement contribué à enrichir le patrimoine de l’IFAN Ch. A. Diop de milliers d’enregistrements précieux.
Autant que dans le domaine de la recherche, la contribution de Mme Kesteloot dans l’enseignement supérieur mérite d’être soulignée. Elle a joué un rôle essentiel dans la formation des enseignants de français, dont beaucoup ont pu devenir professeurs titulaires grâce à son encadrement.
J’ai très bien connu Mme Kesteloot à la faculté des lettres et sciences humaines, où nous avons été collègues et amis pendant de longues années, avant de nous retrouver à l’IFAN Ch. A. Diop durant une décennie environ. J’ai pu l’apprécier en tant que collègue, puis en qualité de responsable de la plus ancienne institution de recherche en Afrique noire. Je suis donc particulièrement bien placé pour mesurer l’immense apport de cette grande dame à la recherche africaniste de ces cinquante dernières années, et pour dire combien grand fut son dévouement constant à celle-ci.
Elle ne s’est jamais réellement comportée comme une retraitée tournant le dos au monde de la recherche. Pour le chercheur, en effet, la seule vraie retraite est la mort. Tant que le chercheur garde un souffle de vie, il le consacre à la grande cause de l’approfondissement et du progrès des connaissances au service de l’humaine condition. C’est ainsi que Mme Kesteloot comprenait les choses. Elle restait attentive à toutes les activités académiques. En avril 2017, après avoir assisté à ma conférence consacrée à l’œuvre d’Alassane Ndaw, sur la philosophie africaine, elle avait été à l’initiative de la mise sur pied d’un groupe pour approfondir notre connaissance de la pensée africaine.
Plus récemment encore, après que j’eus présenté le livre fondamental d’Abdoulaye Élimane Kane sur Les systèmes de numération parlée en Afrique de l’Ouest, alors qu’elle était alitée en France, elle avait souhaité prendre connaissance de mon texte de présentation. Ainsi était Mme Kesteloot, l’increvable chercheuse, que rien de ce qui touchait la vie, la culture et l’histoire de l’Afrique noire ne lui était indifférent.
Les autorités académiques veilleront certainement à rendre l’hommage qui lui est dû à Lilyan Kesteloot, qui était non seulement de nationalité belge, mais aussi, semble-t-il, sénégalaise. Quoi qu’il en soit, elle a consacré l’essentiel de sa vie et de sa carrière aux institutions publiques d’enseignement et de recherche du Sénégal.
L’État aussi, pour sa part, a un devoir de reconnaissance à l’endroit de Lilyan Kesteloot, chercheuse, savante, professeur et africaniste qui restera vivante dans nos mémoires. Son œuvre scientifique, j’en suis convaincu, saura résister au temps qui passe et la fera ainsi survivre indéfiniment.
Par Djibril Samb
Au long des années, elle multiplie les travaux et explore tous les aspects de la « littérature traditionnelle » : mythes, épopées, légendes, contes et récits divers. Dans tous ces domaines, seule ou en collaboration avec des sommités de la tradition et/ou de l’université africaines, elle conduit des recherches de premier plan permettant, aujourd’hui, d’avoir une très bonne connaissance de la littérature traditionnelle africaine. L’épopée bambara de Ségou (avec la collaboration de J.-B. Traoré, 1972), Césaire et Senghor : un pont sur l’Atlantique (2006), Les grandes figures de la négritude (avec A. Gounongbe, 2007), Dieux d’eau du Sahel (2007), Les épopées d’Afrique noire (avec B. Dieng, 2009), Introduction aux religions d’Afrique (2010), Contes et mythes wolof (avec Bassirou Dieng, 2015) sont quelques-uns des ouvrages marquants de la bibliographie de Lilyan Kesteloot, qui est considérable.
Lilyan Kesteloot, historienne éminente de la littérature africaine traditionnelle comme moderne, était aussi une chercheuse de terrain infatigable, qui sillonnait les coins et recoins les plus improbables de l’Afrique noire, rencontrant griots et fabulistes, conteurs et traditionnistes pour recueillir épopées, contes, légendes, mythes, récits historiques et chants de toutes sortes, qui forment la puissante trame littéraire de l’Afrique noire et le levain de sa culture millénaire. C’est ainsi qu’elle a constitué une banque de données incomparable tant par sa richesse que par sa diversité, formant une véritable « Africathèque », néologisme répondant parfaitement à la somme gigantesque de faits culturels africains qu’elle a rassemblés et étudiés en grande partie. Elle a toujours scrupuleusement veillé à mettre les trésors qu’elle exhumait à la disposition des institutions publiques africaines de recherche. C’est ainsi qu’elle a considérablement contribué à enrichir le patrimoine de l’IFAN Ch. A. Diop de milliers d’enregistrements précieux.
Autant que dans le domaine de la recherche, la contribution de Mme Kesteloot dans l’enseignement supérieur mérite d’être soulignée. Elle a joué un rôle essentiel dans la formation des enseignants de français, dont beaucoup ont pu devenir professeurs titulaires grâce à son encadrement.
J’ai très bien connu Mme Kesteloot à la faculté des lettres et sciences humaines, où nous avons été collègues et amis pendant de longues années, avant de nous retrouver à l’IFAN Ch. A. Diop durant une décennie environ. J’ai pu l’apprécier en tant que collègue, puis en qualité de responsable de la plus ancienne institution de recherche en Afrique noire. Je suis donc particulièrement bien placé pour mesurer l’immense apport de cette grande dame à la recherche africaniste de ces cinquante dernières années, et pour dire combien grand fut son dévouement constant à celle-ci.
Elle ne s’est jamais réellement comportée comme une retraitée tournant le dos au monde de la recherche. Pour le chercheur, en effet, la seule vraie retraite est la mort. Tant que le chercheur garde un souffle de vie, il le consacre à la grande cause de l’approfondissement et du progrès des connaissances au service de l’humaine condition. C’est ainsi que Mme Kesteloot comprenait les choses. Elle restait attentive à toutes les activités académiques. En avril 2017, après avoir assisté à ma conférence consacrée à l’œuvre d’Alassane Ndaw, sur la philosophie africaine, elle avait été à l’initiative de la mise sur pied d’un groupe pour approfondir notre connaissance de la pensée africaine.
Plus récemment encore, après que j’eus présenté le livre fondamental d’Abdoulaye Élimane Kane sur Les systèmes de numération parlée en Afrique de l’Ouest, alors qu’elle était alitée en France, elle avait souhaité prendre connaissance de mon texte de présentation. Ainsi était Mme Kesteloot, l’increvable chercheuse, que rien de ce qui touchait la vie, la culture et l’histoire de l’Afrique noire ne lui était indifférent.
Les autorités académiques veilleront certainement à rendre l’hommage qui lui est dû à Lilyan Kesteloot, qui était non seulement de nationalité belge, mais aussi, semble-t-il, sénégalaise. Quoi qu’il en soit, elle a consacré l’essentiel de sa vie et de sa carrière aux institutions publiques d’enseignement et de recherche du Sénégal.
L’État aussi, pour sa part, a un devoir de reconnaissance à l’endroit de Lilyan Kesteloot, chercheuse, savante, professeur et africaniste qui restera vivante dans nos mémoires. Son œuvre scientifique, j’en suis convaincu, saura résister au temps qui passe et la fera ainsi survivre indéfiniment.
Par Djibril Samb