Dans l’interview accordée à la chaine CNN et dans laquelle il a annoncé sa demande d’émission de plusieurs mandats d’arrêt contre des responsables israéliens et du Hamas, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a également lâché une autre bombe. Karim Khan révèle en effet qu’un dirigeant (d’Europe ou des Etats-Unis, sans doute) dont il n’’a pas cité le nom lui a confié : « ce tribunal est construit pour l’Afrique et pour des voyous comme Poutine ».
La Cour pénale internationale est entrée en vigueur le 1er juillet 2002 avec le traité du Statut de Rome qui a défini et établi ses compétences universelles sur quatre sujets : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.
Cette tentative d’orienter le procureur de la CPI est intervenue après la demande de mandats d’arrêt exprimée le 20 mai 2024 contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant, et contre trois dirigeants du mouvement de la résistance islamique palestinienne (Hamas) dont le chef du Bureau politique Isamaïl Haniyeh.
Au contraire, « ce tribunal est l’héritage de Nuremberg, il devrait être le triomphe de la loi sur le pouvoir et la force brute : prendre ce que l'on peut, prendre ce que l'on veut, faire ce que l'on veut », a rétorqué Karim Khan au mystérieux dirigeant auteur de la remarque. «Personne n'est au-dessus de la loi », a précisé le magistrat britannique.
Installée à la Haye, la CPI ne s’est jusqu’ici occupée que de prévenus issus (tous ou presque) du continent africain et de ses sanglantes rebellions politico-militaires. Les plus célèbres d’entre ses ‘’clients’’ sont Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé (Côte d’Ivoire), Jean-Pierre Bemba et Bosco Ntaganda (République démocratique du Congo), Uhuru Kenyatta, William Ruto et Joshua Arap Sang (Kenya), Abdallah Banda Abakaer Nourain (Soudan), Mahamat Saïd Abdel Kane, Noureddine Adam, Patrice-Edouard Ngaïssona, Alfred Yekatom, Maxime Mokome… (Centrafrique), etc.
Depuis mars 2023, le Président russe Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour ses responsabilités présumées dans le transfert d’enfants ukrainiens en marge de l’invasion de l’Ukraine de février 2022 que Moscou appelle « Opération militaire spéciale ».
Dans un entretien avec le quotidien Walfadjri en novembre 2010, Alioune Tine, alors président de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme), déplorait que les pays africains n’aient pas toujours les capacités de juger leurs élites politiques, militaires et économico-financières par des tribunaux locaux. En effet, le principe de subsidiarité et de complémentarité est prévu par l’article 16 du Statut de la CPI qui laisse aux Etats le soin de juger les crimes sur lesquels la juridiction de la Haye a compétence universelle.
Au moins 123 Etats sont parties au Statut de Rome : 33 d’Afrique, 25 d’Europe occidentale, 18 d’Europe orientale, 28 du bloc Amérique Latine/Caraïbes, 19 d’Asie/Pacifique. Au contraire de la France, les Etats-Unis ne sont pas signataires du Traité de Rome.
Il y a quelques semaines, douze sénateurs américains ont ouvertement menacé la CPI à travers un courrier d’une rare violence fuitée par un site américain. L’ancien président Donald Trump, de hauts responsables du Département d’Etat (Mike Pompeo) et du Conseil national de sécurité (William Bolton) ont qualifié la CPI d’institution « inefficace, irresponsable et dangereuse »lorsque l’ancienne procureur Fatou Bensouda et son Bureau ont entrepris de mettre en cause des dirigeants israéliens et des militaires américains dans des pogroms survenus en Palestine et dans certains pays comme l’Irak, l’Afghanistan.