L’Ukraine ne négociera avec la Russie que lorsque celle-ci sera prête à le faire de « bonne foi », a déclaré mercredi en Chine, où il est en voyage officiel, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
Malgré ses forts liens économiques, diplomatiques et militaires avec Moscou, encore renforcés depuis le déclenchement en février 2022 de l’invasion russe de l’Ukraine, Pékin entend depuis de nombreux mois jouer les médiateurs entre les deux belligérants.
La visite de M. Kouleba, qui doit durer jusqu’à vendredi, est à cet égard la première d’un responsable ukrainien de ce niveau depuis le début de ce conflit.
Pendant sa rencontre mercredi avec son homologue chinois Wang Yi, le chef de la diplomatie ukrainienne a « réitéré la position de l’Ukraine qui est d’être prête à négocier avec la partie russe […] lorsque la Russie sera prête à négocier de bonne foi », selon un communiqué ukrainien, martelant qu’« actuellement la partie russe n’est pas disposée à le faire ».
Les autorités russes ont fixé des conditions draconiennes à des pourparlers de paix. En préalable, elles réclament quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée annexée en 2014, et que l’Ukraine renonce à entrer dans l’OTAN.
La Chine se veut médiatrice
Interrogée sur la rencontre dans la matinée à Canton, dans le sud de la Chine, entre Wang Yi et Dmytro Kouleba, Mao Ning, une porte-parole de la diplomatie chinoise, a simplement dit qu’ils avaient « échangé leurs points de vue » sur le dossier ukrainien.
« Wang Yi a souligné que la crise en Ukraine était entrée dans sa troisième année, que le conflit se poursuivait et qu’il existait un risque d’escalade et de débordement ».
« La Chine estime que le règlement de tous les conflits doit, au final, passer par la table des négociations », a-t-elle ajouté devant la presse.
Dans un communiqué diffusé le même jour par son ministère, Dmytro Kouleba a assuré que l’Ukraine souhaitait « également suivre la voie de la paix, du redressement et du développement ».
« Je suis convaincu qu’il s’agit là des priorités stratégiques que nous partageons », a déclaré le responsable ukrainien, pour lequel « l’agression russe a détruit la paix et ralenti le développement ».
Dans son adresse quotidienne, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré mercredi que la Chine avait donné « un signal clair » de son soutien à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Ukraine.
« J’attends un rapport détaillé du ministre (Kouleba) à son retour en Ukraine », a-t-il ajouté.
La Chine, qui partage avec la Russie la volonté de constituer un contrepoids face aux États-Unis, n’a jamais condamné l’invasion russe et accuse l’OTAN de négliger les préoccupations de Moscou en matière de sécurité.
Ce géant asiatique a néanmoins aussi appelé l’an passé, dans un document sur la guerre, au respect de l’intégrité territoriale de tous les États, et donc de l’Ukraine.
Il se présente ainsi comme un interlocuteur mesuré comparé aux Occidentaux, accusés de « jeter de l’huile sur le feu » en livrant des armes aux Ukrainiens.
Malgré d’évidentes différences de positions, Dmytro Kouleba avait jugé mardi sur Instagram que Kyiv et Pékin devaient s’engager « dans un dialogue direct » et appelé à « éviter la concurrence entre les plans de paix ».
Accusations occidentales
Il y a une semaine, Volodymyr Zelensky avait ouvert la porte à des pourparlers avec la Russie, en se disant favorable à la présence de représentants russes à un futur sommet pour la paix.
Un premier sommet avait été organisé mi-juin en Suisse, mais la Russie n’avait pas été conviée et la Chine avait donc décidé de ne pas y participer, estimant qu’il n’avait aucune chance, dans ces conditions, d’aboutir à des avancées.
Les Chinois avaient posé plusieurs conditions à leur éventuelle présence : un sommet doit « permettre la participation égale de toutes les parties » et une « discussion juste de tous les plans de paix », y compris de celui du président Vladimir Poutine, ce que Kyiv refuse, celui-ci impliquant de facto une capitulation de l’Ukraine.
« La Russie et l’Ukraine ont récemment montré, à des degrés divers, qu’elles étaient disposées à négocier », a commenté mercredi la porte-parole chinoise Mao Ning. « Même si les conditions ne sont pas encore réunies, nous soutenons tous les efforts propices à la paix et sommes disposés à continuer à jouer un rôle constructif pour parvenir à un cessez-le-feu et à la reprise de pourparlers de paix », a-t-elle affirmé.
La Chine est régulièrement accusée par les Américains et les Européens d’offrir à la Russie, visée par d’importantes sanctions occidentales, un soutien économique crucial dans son effort de guerre.
Les Occidentaux reprochent notamment à des entreprises chinoises de vendre des produits « à double usage » (civil et militaire) nécessaires au maintien à flot de la production russe d’armements, ce que Pékin dément. [AFP]