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La sortie ratée de Serigne Bassirou Gueye, procureur de la République

Mardi 7 Mars 2017

L’exercice de communication du procureur de la République du Sénégal fut délicat et inquiétant à plus d’un titre pour  tous les citoyens sénégalais épris de justice et de défense des libertés publiques. Au niveau de l’arsenal juridique moderne, le procureur est habilité à protéger aussi bien les individus et les biens publics ou privés contre toutes les entraves qui visent à déposséder les citoyens de leurs droits garantis par la Constitution. Le procureur a pour rôle de défendre la société, mais également de veiller à ce qu’aucune action contraire à l’ordre et à l'éthique ne vienne semer le trouble voire menacer la sécurité de la nation. Il conduit l’action publique à chaque fois que les intérêts de la société sont menacés par des tiers.
 
A cet égard, le procureur peut, dans le cadre d’une enquête préliminaire ou l’ouverture d’une information judiciaire, informer voire apporter des précisions et éclaircissements à la société dans des limites circonscrites par la loi. Il a l’obligation de ne pas trop rentrer dans les détails significatifs d’une affaire en cours et de préserver les droits de la personne mise en cause. A ce stade de la procédure, il ne peut en aucune manière violer le secret de l’instruction en révélant insidieusement les résultats de l'enquête visant à prouver de façon intrinsèque la culpabilité du prévenu. Le législateur a mis en évidence la présomption d’innocence de l'accusé afin de garantir ses droits et de s’assurer de l'effectivité d’un procès juste et équitable nonobstant les charges qui peuvent peser sur le prévenu.
 
Tout au long de sa conférence de presse, il m’est d'avis que le procureur Bassirou Gueye est sorti de son rôle de défense des droits et libertés des citoyens et nous a livré le réquisitoire de la culpabilité de monsieur Barthélémy Diaz, de l’ancien premier ministre Abdoul  Mbaye, des maires  Khalifa Sall, Bamba Fall et ses co-détenus. Dans le cadre d’un État de droit respectueux des droits et libertés des citoyens, le procureur Bassirou Gueye aurait dû être plus réservé dans sa livraison des faits incriminés à la société et réserver les points névralgiques de sa plaidoirie à la Cour. On ne peut pas jeter en pâture la dignité de nos compatriotes ou de bafouer leurs droits à ce stade de l'instruction alors que les mêmes faits livrés au public peuvent être refusés ou jugés non fondés par le tribunal.
 
La manière dont le procureur de la République a distillé les informations relatives à ces dossiers judiciaires, montre une volonté réelle du parquet sur instruction du pouvoir exécutif de condamner d’avance des adversaires politiques et de les livrer à une vindicte populaire.
 
Le procureur Bassirou Gueye peut se démener comme il le souhaite, mais il ne parvient pas à nous convaincre de sa bonne volonté d’asseoir une justice souveraine et équitable. Il semble oublier voire d'ignorer qu’il doit instruire à charge et à décharge. Sa conférence de presse ne parvient pas à dissiper la méfiance certes regrettable des citoyens à l’encontre de l’institution judiciaire. Toutefois, on ne peut pas refuser au procureur de la République de défendre son point de vue, mais dans le respect des lois et règlements en vigueur au Sénégal. Ce qui ne semble pas être le cas dans sa sortie. Il a le devoir moral de s'affranchir des recommandations opportunistes du pouvoir exécutif en vue de persécuter des opposants. Il ne doit suivre que sa liberté et son intime conviction dans les affaires qu’il instruit.
 
La concomitance des dossiers judiciaires d'adversaires politiques de son Excellence notre président par défaut Macky Sall ne plaide pas en sa faveur. La justice doit être la même pour tous les citoyens sénégalais. Cependant, j’estime que nos politiciens professionnels ne doivent se prévaloir d’aucune faveur pouvant leur permettre de ne pas répondre devant la justice de leurs turpitudes ou violations manifestes de la loi.
 
L'instruction de ces dossiers indépendamment des charges retenues par le procureur Bassirou Gueye est éminemment politique. Nous n’avons pas observé chez le procureur Bassirou Gueye la même détermination pour défendre les intérêts supérieurs de la nation. Des affaires plus graves et qui nuisent à l’équilibre de la société sénégalaise sont rangées dans les tiroirs du président Macky Sall et pour lesquels le procureur n’estime pas nécessaire de s’autosaisir afin de clarifier ces dossiers délictuels voire criminels. Le comble de l'irresponsabilité notoire eu égard à  son statut de défenseur de la société est le fait d’imputer son silence voire son incurie par sa non saisine par les autorités de la République pour diligenter ces nombreuses affaires.
 
Si par malheur le procureur de la République Bassirou Gueye pense que son rôle de protecteur des intérêts de la société se limite à sa saisine par le pouvoir exécutif pour monter au créneau, c’est la République qui part en vrille. C’est également désespérant de constater que le procureur Bassirou Gueye ne connaît pas ses prérogatives ou à tout le moins par sa soumission aux desiderata de l'exécutif ne veut pas prendre de manière effective son autonomie et son indépendance critique de se mouiller pour défendre contre vents et marées les intérêts intrinsèques de la société.
 
Que le procureur de la République, monsieur Bassirou Gueye, se livre tous azimuts à des menaces aux citoyens sénégalais, relève de l'ignominie, de l'irresponsabilité et au manquement grave à son devoir de protecteur de l’exercice des libertés publiques. Le procureur Gueye feint de balayer d’une main les véritables raisons de la méfiance ou suspicion des Sénégalais vis-à-vis de la justice. Nous sommes tous témoins de la géométrie variable de l’institution judiciaire, plus prompte à poursuivre directement et à sanctionner les pauvres ou sans voix, les opposants politiques et plus encline à protéger un certain milieu politico-affairiste et maraboutique proche du pouvoir exécutif.
 
Nous n’avons que faire de vos menaces et nous ne nous tairons point sur les multiples  dérives autoritaires de nos responsables publics. Les citoyens sénégalais ont titillé votre orgueil en dénonçant le déséquilibre manifeste dans le traitement des affaires judiciaires. Le procureur de la République Bassirou Gueye devrait en toute conscience se réjouir de la mobilisation des citoyens pour une justice effective, équitable et efficiente, garante de l’exercice des libertés publiques et non nous intimider. Les citoyens sénégalais se sentent meurtris  par la valse et par l’incurie insupportable de certains magistrats tant du parquet que du siège. Ils se révoltent parce que l'état actuel déplorable de l’institution judiciaire du Sénégal constitue une menace réelle sur nos vies et nos libertés publiques.
 
Nous n’avons pas le droit de laisser s’installer sournoisement cette menace ignoble (la privation des libertés publiques) que les autorités de la République veulent nous imposer. Elles se réjouissent de notre silence sur leurs multiples turpitudes. Beaucoup de nos compatriotes ont renoncé au combat en estimant que le Sénégal s'écroule et qu’il n’y a rien à faire pour remettre le pays au centre de nos valeurs morales et spirituelles. Ce renoncement à la défense de notre pays contre les profiteurs du système d’accaparement de nos ressources publiques, contre le nivellement de nos valeurs culturelles et croyances religieuses, arme et encourage nos décideurs politiques afin de mieux nous asservir. Nous n’avons pas le droit de renoncer à notre droit et devoir d'indignation.
 
Monsieur le procureur Bassirou Gueye, vous êtes sorti de votre rôle et vous avez prêté le flanc par mégarde voire légèreté aux critiques légitimes de vos compatriotes. Cette sortie malheureuse ne vous honore point et illustre à merveille le degré d’inféodation  de la justice sénégalaise au pouvoir exécutif. Il ne vous appartient pas ainsi qu’aux autorités de la République de menacer inlassablement les citoyens sénégalais. C’est une peine inutile  et perdue d’avance car nous ne céderons pas à vos menaces, intimidations et caprices pour défendre nos libertés publiques et les intérêts supérieurs de la nation sénégalaise.
 
Nous refusons de vivre dans un État policier où nos droits les plus élémentaires sont bafoués quotidiennement par des autorités en manque total d'éthique, du sens de l’honneur, de la dignité et qui dans un aveuglement paranoïaque rêvent de régner sur des sujets considérés comme des objets manipulables à volonté.
Massambandiaye2012@gmail.com
 
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