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Le Brésil secoué face à la probable incarcération de Lula

Jeudi 5 Avril 2018

Marchés et partis réagissaient jeudi au Brésil au séisme politique provoqué par le rejet du recours devant la Cour suprême de l'ex-président Lula et le probable emprisonnement de celui qui est favori des sondages pour la présidentielle d'octobre.

Lors d'une audience d'une dizaine d'heures retransmise en direct à la télévision, les 11 juges de la plus haute juridiction du Brésil ont rejeté sa demande d'habeas corpus, une mesure qui autorise tout condamné à rester en liberté tant qu'il n'a pas épuisé tous ses recours.

Selon de nombreux juristes, l'icône de la gauche brésilienne ne devrait toutefois pas se retrouver derrière les barreaux avant la semaine prochaine, le mardi 10 avril étant présenté comme la date la plus probable.

Lula n'avait pas encore réagi à la décision de la Cour suprême.

De leur côté, les marchés, instables ces derniers jours face à la possibilité que Lula puisse rester libre, ont affiché leur soulagement, sans euphorie toutefois, l'indice Ibovespa prenant 1,50% en fin de matinée et le réal s'appréciant légèrement, à 3,34 unités pour un dollar. Il s'agit de sa plus forte cotation en dix mois.

L'arrestation imminente de celui qui était donné en tête des intentions de vote pour la présidentielle rebat les cartes d'un scrutin présenté comme l'un des plus imprévisibles depuis des décennies.

"La décision met pratiquement fin aux espoirs de Lula de se présenter à l'élection présidentielle d'octobre" et elle "ouvre totalement la course à la présidentielle", estime dans une note Edward Glossop, expert du cabinet britannique Capital Economics.

Luiz Inacio Lula da Silva, 72 ans, devra purger une peine de 12 ans et un mois de prison pour avoir reçu un luxueux appartement en bord de mer de la part d'une entreprise de bâtiment en échange de faveurs dans l'obtention de marchés publics.

L'ex-président (2003-2010) nie farouchement, invoquant l'absence de preuves et dénonçant un complot visant à l'empêcher de briguer un troisième mandat, huit ans après avoir quitté le pouvoir avec une popularité record.

"Le peuple brésilien a le droit de voter pour Lula, le candidat de l'espérance. Sa candidature sera défendue dans les rues et dans toutes les instances", a réagi sur Twitter le Parti des Travailleurs (PT), fondé par Lula dans les années 80.

"Le président est tranquille, serein, il a la conscience tranquille des innocents", a affirmé jeudi la présidente du PT, Gleisi Hoffmann, à l'issue d'une réunion des dirigeants de cette formation, dont Dilma Rousseff et Lula, pour analyser la décision de justice.

- "La lutte continue" -

L'ex-président a également reçu le soutien du président vénézuélien Nicolas Maduro, qui a affirmé sur Twitter avoir "mal au coeur face à une telle injustice".

À l'image du Brésil, les 11 juges de la Cour suprême se sont montrés profondément divisés et la demande d'habeas corpus de Lula a été rejetée par six voix contre cinq.

Bien que très serré, ce résultat est une victoire éclatante pour les procureurs de l'opération "Lavage-Express", enquête tentaculaire qui a mis au jour un gigantesque scandale de corruption impliquant des hommes politiques de tous bords.

Même s'il a été rattrapé par les affaires, Lula reste perçu comme "près du peuple" et dispose encore d'un réservoir de voix considérable, notamment dans les régions pauvres du nord-est, dont il est originaire.

Mais il est aussi détesté par toute une partie de la population.

Mercredi soir, l'annonce de son revers face à la Cour suprême a été accueillie par des célébrations et des feux d'artifice de ses détracteurs à Brasilia.

"L'ex-président n'est pas au-dessus de la loi", a affirmé le parti de centre-droit PSDB dans un communiqué, mettant en garde contre "un retour en arrière dans le combat contre l'impunité

Dans ce pays qui a vécu sous le joug de la dictature militaire de 1964 à 1985, c'est le député d'extrême droite Jair Bolsonaro, grand nostalgique de cette époque, qui arrive derrière Lula dans les intentions de vote.

"Le Brésil a marqué un but contre l'impunité et la corruption, mais ce n'est qu'un but, l'ennemi n'est pas encore vaincu", a-t-il déclaré dans une vidéo sur Youtube, appelant à élire en octobre un président "qui soit honnête".

A gauche, Juliano Medeiros, le président du Parti Socialisme et Liberté (PSOL), la formation de Marielle Franco, élue noire abattue en mars, a critiqué la décision et appelé à "la formation d'un front démocratique contre l'escalade de l'autoritarisme et la violence".
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