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Le sens et la portée de la séparation des pouvoirs

Samedi 29 Juillet 2017

Par Mamadou Sy Albert
Dans quelques jours on aura une idée plus précise de la physionomie de la future Assemblée Nationale, des hommes et des femmes devant incarner l’image du  pouvoir législatif du pays, les profils, les ambitions et les contours des relations entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. En attendant l’issue fatale et la  proclamation définitive des résultats tant attendus par les observateurs de notre paysage politique et économique, le suspens électoral est de rigueur. La victoire du pouvoir ou celle de l’opposition ; la défaite de l’un de ces deux camps.
 
Tout est dans le domaine des possibles. Une victoire éclatante de la majorité gouvernante ou une victoire de l’opposition parlementaire est dans l’ordre normal de l’évolution controversée du Sénégal. La Coalition Benno  Bokk Yakaar a  les moyens à la fois  politiques et économiques pour rafler la mise. Le budget estimé à des milliards, la mobilisation des moyens de l’Etat central et ceux des collectivités locales sous le contrôle du camp présidentiel, l’achat de conscience systématique de certaines couches sociales fragilisées par la crise multiforme et le débauchage sélectif de leaders et de responsables des principaux partis de l’opposition significative, constituent autant de leviers financiers, économiques et politiques  militant en faveur de la préservation de  l’hégémonie et de la victoire de la majorité.
 
L’absence de transparence du processus électoral fortement marqué par l’inexistence de concertation, de dialogue franc sur les problèmes d’organisation et de règles du jeu , la distribution scandaleuse des cartes biométrique et la menace à peine voilée de toute manifestation publique dans le centre- ville de la capitale sous contrôle,  laissent penser que les adversaires du régime en place pourraient ne voir que du feu le jour du vote.
 
Ce scénario est classique au Sénégal et en Afrique. Les régimes traditionnels régentés  parti  le unique, le parti- Etat et  la culture du clientélisme en démontrent la preuve depuis des décennies. En dépit du fait que la majorité politique fait face au Sénégal à un peu moins de cinquante listes concurrentes d’inégale importance, la victoire écrasante du pouvoir sur les listes nationales et départementales n’est point à exclure. De ce côté, la démocratie pluraliste pourrait révéler à la face de l’opinion publique africaine et internationale une face cachée du modèle démocratique sénégalais.
 
On vote démocratiquement depuis des siècles mais la majorité politique a toujours la mainmise sur l’Etat central, sur le fichier électoral, sur l’organisation des résultats et l’issue finale du scrutin. Ce scénario fait peur à plus d’un électeur au Sénégal. Il explique la ruée et la résistance de pans entiers de la classe politique de la mouvance de l’opposition républicaine, des acteurs de la société civile et de certaines franges de la population singulièrement les élites arabophones naguère exclues du jeu politique. Tous ces acteurs ont en commun l’ambition de casser la logique infernale de la victoire écrasante du gouvernant, de son parti et de ses alliés.
 
C’est probablement cette poussée démocratique vers la politique politicienne qui nourrit le risque d’un basculement électoral au soir du 30 juillet. La victoire de l’opposition ou de la coalition électorale la plus influente de l’opposition dans les villes et les départements en rébellion contre la gouvernance de la seconde alternance est possible. Ce fut le cas aux électorales de 2017.
 
La panique palpable dans les allées du pouvoir se dessinant à l’horizon des législatives  témoigne de la prise de conscience d’une défaite potentielle. Les risques d’une cohabitation forcée avec les adversaires du pouvoir ne cessent de provoquer des tensions, de la violence politique. Curieusement, le pouvoir n’est pas préparé à ce scénario pourtant démocratique et constitutionnellement établi par la séparation des pouvoirs.
 
Le Sénégal politique attend depuis des décennies ce régime de gouvernance répartissant intelligemment la gouvernance publique entre trois pouvoirs distincts mais travaillant en intelligence et en parfaite harmonie. Au-delà de cette aspiration démocratique et patriotique, d’un besoin de réforme des institutions et de l’esprit tronqué de la séparation des pouvoirs par le fait de la majorité mécanique.
 
La corruption politique, le clientélisme politique, le bradage des biens communs et de l’économie nationale, le vote des lois à la commande du pouvoir exécutif et la subordination de la justice à l’exécutif, ne pourraient  guère se développer,  si le Parlement a les moyens politiques de ses missions cardinales de contrôle de l’action gouvernementale, de l’évaluation des politiques publiques et le vote des lois suivant l’intérêt national du pays et des populations.
 
Les électeurs feront-ils ce choix de rupture politique et psychologique avec le régime Présidentialiste et ses effets négatifs sur la démocratie et les pouvoirs constitutionnels ? Le peuple, le seul souverain  décidera librement en dernière instance au soir du 30 juillet 2017. Il subira naturellement  les conséquences de son choix jusqu’à la prochaine élection.
Mamadou SY Albert
 
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