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Les Tours Nuages de Nanterre, emblème architectural en danger

Samedi 25 Novembre 2017

Les Tours Nuages de Nanterre, emblème architectural en danger
Symbole des grands projets utopiques construits pour les classes populaires de la banlieue parisienne, les emblématiques Tours Nuages, édifiées par l'architecte Emile Aillaud à Nanterre entre 1973 et 1981, font aujourd'hui l'objet d'un vaste et controversé plan de rénovation.

"L'an 2000 dans un mauvais bouquin de science-fiction": voilà ce qu'en disait en 1978 une habitante de Nanterre (Hauts-de-Seine), interrogée par une équipe de télévision, en apercevant pour la première fois ces drôles de tours colorées aux formes arrondies et ornées de nuages dessinés en mosaïque par l'Italien Fabio Rieti.

Cet ensemble architectural de dix-huit tours est aujourd'hui considéré comme l'un des plus remarquables de la banlieue parisienne et a reçu le label "Patrimoine du XXe siècle" du ministère de la Culture en 2008.

Ses formes n'en finissent plus de fasciner les amoureux des paysages urbains. L'ancienne idole du Parc des Princes, le Suédois Zlatan Ibrahimovic, y a même tourné une pub pour sa marque de vêtements.

Mais aujourd'hui, les mosaïques se détachent, les bâtiments ne sont plus aux normes thermiques et le quartier souffre d'une paupérisation grandissante.

"A l'heure actuelle on purge les fers à béton, on met de l'enduit et on fait des rustines", explique Marie-Claude Garel, présidente de l'office HLM de Nanterre, propriétaire de la plupart des tours. "Mais on arrive au bout du bout".

Les tours sont devenues un véritable "gouffre financier". "Les solutions pour préserver l'oeuvre d'Aillaud n'existaient pas", assure Mme Garel. La municipalité a donc organisé un concours et s'est arrêtée sur un projet d'une équipe d'architectes.

Ce projet prévoit de recouvrir les tours de panneaux en inox pour un style métallisé qui rappelle les édifices de La Défense voisine, une idée qui indigne certains habitants. Ces derniers ont créé le collectif de défense des Tours Aillaud, l'autre nom des Tours Nuages, afin de peser sur les décisions.

Car la rénovation des tours n'est pas le seul chantier. La mairie a également lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour transformer le quartier, qui souffre d'un manque de mixité sociale.

- 'Spéculation immobilière' -

"46,5% des locataires vivent sous le seuil de pauvreté", assure la mairie et le taux de refus d'attribution est anormalement élevé, "jusqu'à 78% pour certaines tours".

Les scenarii à l'étude prévoient la destruction de une à quatre tours et la reconversion de trois à cinq autres en hôtels, bureaux ou espaces de "coworking", soit la disparition d'un tiers des 1.421 logements.

Le projet inquiète les membres du collectif de défense des tours. El mahdi Lablali, expert comptable de 35 ans, habite le quartier depuis sept ans. "Pour nous, c'est de la spéculation immobilière. Il y a des milliers de mètres carrés vides à La Défense alors pourquoi venir s'installer aux Tours Aillaud ?", s'interroge-t-il.

Il s'insurge que les habitants ne soient pas associés au processus de décision et déplore qu'un "projet qui ne proposait que de l'habitat pour les étudiants ou en accession à la propriété" a été écarté "sans nous consulter".

Le constat d'un besoin de mixité sociale est partagé par tous dans le quartier. Jacqueline Grimault, 80 ans, et son mari Gérard, 68 ans, habitent ici depuis 1977. Du haut de leur 19e étage, ils ont vu la cité se transformer.

Ces anciens compagnons de route du parti communiste se rappellent de l'époque où "il y avait encore beaucoup d'enseignants, de fonctionnaires, d'employés".

"Et puis les gens sont partis petit à petit à cause des problèmes. La drogue notamment, qui est arrivée très rapidement", raconte Gérard. Il a vu le climat se dégrader à partir des années 1990 mais comme quelques familles, il a décidé de rester avec sa femme pour y élever leurs quatre enfants.

"Bouygues et Nexity, qui sont les investisseurs potentiels dans le projet, ne vont pas cohabiter avec des tours où il y a 70% d'étrangers et du linge qui pend aux fenêtres", assure Gérard, avant de confier ses craintes: "à moyen et long terme, c'est tout le quartier qui va disparaître".
 
 
 
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