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Lutte contre la corruption : du folklore et des bons sentiments

Mardi 10 Décembre 2019

La loi sur les déclarations de patrimoine au Sénégal a-t-elle encore un sens ? Les «difficultés» et «blocages» de toutes natures qui empêchent sa pleine application par les autorités compétentes sur les personnes y étant assujetties rendent la question légitime. Au lancement hier à Pikine de la «Quinzaine nationale de sensibilisation sur la corruption», la présidente de l’Ofnac a révélé que les statistiques de déclaration tournaient autour de 60% pour les entrées et sorties de fonctions. Soit 40% des fonctionnaires désignées par la loi qui refusent encore de déclarer leurs biens avant ou après l’exercice de fonctions publiques.
 
Pour justifier cet échec, Mme Seynabou Ndiaye Diakhaté soutient: «Le Sénégalais répugne à parler de son patrimoine, mais lorsque nous expliquons aux assujettis le rôle protecteur de la déclaration de patrimoine, ils y adhèrent. Ils comprennent que c’est un moyen pour eux, s’ils sont poursuivis ou accusés d’enrichissement illicite, de prouver qu’ils ont acquis légalement leur patrimoine.»
 
Pour la présidente de l’Ofnac, la lutte contre la corruption se limiterait donc à des exercices de plaidoyer, de sensibilisation à l’endroit de catégories sociales et professionnelles présumées poreuses ou exposées aux trafics, en attendant que les personnes assujetties à la déclaration de patrimoine veuillent bien le faire, selon leur propre agenda.
 
Cette méthode de gouvernance frise l’irresponsabilité, la faiblesse, et tendrait vers une certaine compromission. La loi du 2014-17 du 2 avril 2014 stipule en son article 2 que les personnes suivantes nommément désignées doivent obligatoirement déclarer leurs biens. Ce sont : le président de l’assemblée nationale,, le premier questeur de l’assemblée nationale, le premier ministre, les ministres (sans exception donc), le (la) président(e) du conseil économique, social et environnemental, tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses, les comptables publics effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à 1 milliard de francs CFA, en plus du président de la République qui, lui, déclare son patrimoine devant le conseil constitutionnel.
 
Pour évacuer tout malentendu, il est précisé sur le site de l’Ofnac que : «les personnes occupant les positions visées à l’article 2 et qui exercent leurs fonctions avant la promulgation de la présente loi, sont soumises au régime de l’effet immédiat. Pour celles-ci, l’entrée en vigueur entraine le fait générateur, dans les mêmes conditions que pour la nomination.»
 
L’opinion avait bien sentie, avec le limogeage brutal de Nafi Ngom Keïta, que les investigations de nature sensible et ayant des connexions directes ou dangereuses avec le président de la République, son gouvernement, sa famille, allaient être strictement encadrées pour éviter les scandales publics. A l’heure qu’il est, cette mission d’endiguement semble parfaitement assurée par Seynabou Ndiaye Diakhaté à travers le folklore qui caractérise globalement l’anti-corruption sous sa présidence. Une posture qui n’est pas si éloignée du principe consistant à gagner de l’argent en dormant.
 
 
 
 
 
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