Un journaliste nigérien a invité mercredi à Tsaghkadzor, en Arménie, les "grands médias" internationaux à enquêter sur "le drame du désert d’Agadès", ville située dans le nord du Niger, devenue zone de transit pour les migrants clandestins et leurs passeurs, en vue d’alerter l’opinion sur cette situation.
Ibrahim Manzo Diallo, directeur du journal Aïr Info et de la radio Sahara FM, deux médias privés du Niger, a appelé les ’’grands médias’’ internationaux à enquêter sur "le drame du désert d’Agadès pour alerter l’opinion internationale sur ce qui se passe dans cette partie du pays devenue la frontière de l’Europe, pourvoyeuse de migrants".
Il prenait part à une table ronde sur le thème "Comment mieux informer sur les migrations", à l’occasion des 47èmes assises internationales de l’Union de la presse francophone (UPF).
"Osez aller au-delà de la commune d’Agadès où il n’y a rien, osez allez dans le désert pour témoigner de ce qui se passe, nous sommes de petits médias et n’avons pas les moyens de le faire, mais nous avons le pouvoir de partager ces informations avec vous", a lancé Ibrahim Manzo Diallo.
Selon des chiffres disponibles, près de 250.000 personnes ont transité par Agadès pour aller en Europe en passant par la Lybie ou l’Algérie, en 2014 et 2015.
Cela fait d’Agadès "une ville de transit, la nouvelle frontière de l’Europe, pourvoyeuse de migrants en route vers le nord" du continent, avec des pays européens pour destination, a dit le journaliste.
"Aujourd’hui, a-t–il ajouté, beaucoup de moyens militaires ont été déployés sur les routes pour contrecarrer le flux de migrants qui passent par le désert à l’aide de passeurs. Ces routes bloquées, les passeurs utilisent des pistes secondaires dangereuses au milieu du désert, des pistes qui tuent".
D’où son "cri du cœur", à l’endroit des "grands médias" et des journalistes d’investigation, invités à "venir enquêter sur ce drame du désert".
"On parle beaucoup plus de ce qui se passe dans la Méditerranée avec ses milliers de morts, mais le sable du désert est devenu également un linceul pour ces migrants africains en quête de mieux-être", a déclaré Diallo.
Les médias présents dans la ville d’Agadès "n’ont pas toujours les coudées franches, face aux autorités, pour faire passer toute les informations sur ce drame du désert", a-t-il souligné.
"Tout ce qu’on écrit reste dans notre petite commune d’Agadès, qui compte 130.000 habitants, malgré le fait qu’on utilise tous les moyens pour alerter l’opinion", a dit Ibrahim Manzo Diallo.
Il a fait part de menaces et d’intimidations dont les journalistes font l’objet de la part des autorités nigériennes déterminées à empêcher la publication de "nombreuses images de migrants morts sans sépulture sur la route du désert". Des images partagées par le journaliste lors de la table ronde de l’UPF.
Selon lui, ce qui se passe dans le désert du Niger, de la Lybie et de l’Algérie "est plus dramatique" que la situation qui prévaut en Méditerranée, "parce qu’il n’y a aucune statistique, aucun chiffre".
Il signale toutefois que les radios communautaires ont des journalistes lanceurs d’alerte dans les villages situés sur le tracé des routes migratoires.
Ibrahim Manzo Diallo affirme que "les passeurs empruntent d’autres routes secondaires, plus dangereuses, inaccessibles et impraticables".
"Certes, il y a eu une nette régression du mouvement migratoire qui est passé de 70.000 en 2015 à 25.000 en 2017, mais il n’y a aucune comptabilité de ces morts ensevelis par le sable du Sahara aussi bien au Niger qu’au Mali", a-t-il insisté.
Une plateforme dénommée "Alerte Info Sahara" a été mise en place par des journalistes pour alerter l’opinion sur le drame du désert du Sahara, a annoncé Diallo. Selon lui, cette plateforme fait appel aux organisations non gouvernementales pour faire passer certaines informations.
Diallo a donné l’exemple de la Fondation Hirondelle, qui met à la disposition de la plateforme un studio radio pour relayer les informations. (Envoyée spéciale de l'APS a Erevan)