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Monsieur le Président, abrogez la loi sur la double nationalité !

Lundi 6 Février 2017

Certains de nos politiciens professionnels agitent la question de la double nationalité pour les candidatures aux élections présidentielles dans le but d’exclure des citoyens sénégalais du jeu politique et se rapprocher de notre président par défaut son Excellence Macky Sall.
Je n’ai pas voulu me prononcer sur cette question parce que je la jugeais saugrenue. C’est la dernière sortie de monsieur Baïla Wone qui m'a conduit à écrire cette contribution afin de mieux appréhender la situation et de demander en toute conscience à nos autorités publiques et au législateur sénégalais de revoir leur copie. Cette disposition constitutionnelle porte atteinte aux droits inaliénables et aux libertés publiques des ressortissants sénégalais nés et/ou établis à l’étranger.
 
Au passage, il y a lieu de souligner le fait que les partisans de cette iniquité juridique comme monsieur Baïla Wone n’ont jamais jugé utile de défendre cette position sous l’ancien régime libéral de maître Abdoulaye Wade. Monsieur Baïla Wone,  du temps de sa superbe, a eu des démêlés avec la justice. Cet homme qui devait se faire oublier tente son retour en politique pour accompagner la mouvance présidentielle dans la gestion partisane et vertueuse des affaires de la Cité en mettant en relief des questions de discorde nationale.
 
L’article 23 de la constitution stipule que : « Tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de 35 ans au moins ». Cette disposition juridique porte atteinte aux droits des citoyens sénégalais. Elle a pour objectif d'écarter certains de nos compatriotes du simple fait de leurs origines familiales indépendamment de leur compétence, de leur patriotisme et de leur probité morale. Nous ne sommes pas responsables du choix de nos parents, ni du lieu de notre naissance.
 
Au juste c’est quoi être Sénégalais ? Être né au Baol, au Fouta, au Cayor, au Boundou, en pays sérère ou lébous… de père et mère sénégalais depuis plusieurs générations. Parler une des langues vernaculaires du territoire. Croire à l’islam confrérique et suivre ad vitam aeternam les recommandations du marabout. Étudier et passer sa vie au pays de la Teranga. Ou s'attacher à l'éthique thiedo avec son fameux masla qui s'apparente dans beaucoup de situations à une certaine hypocrisie sociale qui a fini par gangrener tout le corps social au   détriment de l’intérêt général et de la bonne gouvernance. Nos enfants nés en territoire étranger se sont affranchis de ces déterminismes familiaux et sociaux. C’est certainement ce que nos politiciens professionnels reprochent aux citoyens sénégalais nés à l’étranger et qui ne sont pas formatés au modèle culturel du terroir, un véritable frein à la bonne gouvernance.
 
En quoi un citoyen sénégalais de père et de mère est différent d’un citoyen dont un seul des parents est Sénégalais ? Je ne vois pas de différence. Ils partagent tous le même attachement patriotique au pays de leurs parents. Les autorités de la République voient d’un mauvais œil la réussite de certains citoyens sénégalais nés à l’étranger voire disposant d’une autre nationalité  et souhaitent les éloigner de la vie politique ou à tout le moins faire d’eux des porteurs de voix et des agitateurs.
 
Il est regrettable que le législateur en soit venu par calcul politicien à établir deux catégories de citoyens. Cette disposition constitutionnelle est plus proche du système aristocratique que du système démocratique. Le conseil constitutionnel avait l’obligation de déclarer anticonstitutionnelle cette mesure de l’ancien président de la République maître Abdoulaye Wade qui consacre de fait une inégalité de droits envers les citoyens du même pays. Nous avons le sentiment que le conseil constitutionnel savait pertinemment que cette énième modification de la constitution était contraire à l'éthique et pénaliserait les droits de certains nos compatriotes dont un des parents n’est pas sénégalais de naissance. C’est comme si le législateur reprochait et condamnait leur lieu de naissance. Moi qui suis né de père et de mère sénégalais, en quoi j’ai plus de droits à faire prévaloir que mon compatriote né au pays de Marianne ou ailleurs ?
 
Le nationalisme traditionnel à la Barrés lié au droit du sang pur et au droit du sol, toute proportion gardée, doit être refusée au pays de la Teranga. Il est par ailleurs  source de tensions, de désunions qui peuvent conduire à  la violence. Nous sommes tous témoins du concept d’« ivoirité », qui a fini par détruire le tissu social de la République de Côte d'ivoire en refusant à monsieur Alassane Ouattara la possibilité de se présenter aux élections présidentielles alors que ce dernier a occupé le poste de premier ministre du président Houphouët-Boigny pendant de nombreuses années. Après des années de massacre, de transition politique, de révolte, l'enfant banni par l'appareil d’Etat et sa cohorte d'obligés, monsieur Ouattara est devenu président de ce même pays. L’histoire a souvent tendance à bégayer. Nos autorités doivent avoir à l’esprit que l'exclusion sous toutes ses formes est source de désordre et dangereuse pour l’équilibre de la nation entière.
 
Les citoyens sénégalais de la Diaspora sont victimes de cette disposition juridique scélérate. Nos enfants nés hors du pays vont par la force des choses devenir citoyens de leur pays de naissance et seront par voie de conséquence écartés  de la gestion du Sénégal. Pourtant, nous parents, associations culturelles, dahira, mobilisons toutes nos forces afin de leur faire découvrir le pays de leurs ancêtres et de leur inculquer nos valeurs traditionnelles. Ils se sentent attachés au Sénégal. Ils ne se considèrent pas uniquement Français, Belges, Espagnols, Italiens ou autres. Ils savent qu’ils sont aussi Sénégalais. Cette identité sénégalaise est fortement ancrée dans leur vie quotidienne. Ils parlent la langue du pays et s'habituent aux us et coutumes du Sénégal. Nos enfants vivant hors du territoire national portent le Sénégal dans leur cœur. Ils vibrent de la même façon que leurs compatriotes du pays lors des matchs de l’équipe nationale de football. Les politiciens professionnels du Sénégal ont très souvent la mauvaise habitude de prendre des décisions qui impactent négativement le vécu de nos compatriotes.
 
Nos enfants nés hors du territoire sénégalais et disposant de la nationalité de leur pays de naissance ou d'accueil constituent une opportunité en terme de compétence, d’expertise, de savoir-faire pour notre développement économique et social.
 
Je souhaite attirer l'attention du président de la République et des membres du Conseil Constitutionnel que cette disposition est contraire à nos valeurs d'unité nationale, de partage et de solidarité de l’ensemble du corps social sénégalais. Vous avez l’obligation morale d'accepter que nos enfants nés à l’étranger se sentent pleinement sénégalais et de leur permettre de servir le pays de leurs ancêtres sans devoir renoncer à l’autre partie de leur identité. Cette disposition nous prive  de nos droits et prérogatives de citoyens sénégalais. Toutefois, si vous décidiez de maintenir cette disposition dans l’arsenal juridique du Sénégal, vous devriez aussi renoncer à notre contribution financière qui, au demeurant, permet de sauvegarder l’équilibre de la société. Vous devez nous rendre nos droits, qui ne vous appartiennent pas.
 
Je tiens aussi à rappeler aux défenseurs de cette disposition juridique inique que la plupart de leurs représentants au niveau de la Diaspora sont détenteurs de deux nationalités ou plus. Ils sont aussi bien dans la mouvance présidentielle et dans les partis de l'opposition sénégalaise. Pourquoi, monsieur le président Macky Sall, n’êtes-vous pas animé par cette même volonté en nommant des citoyens sénégalais de la Diaspora possédant la double nationalité dans nos ambassades et consulats ? Pourquoi pensez-vous qu’il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise pour pouvoir défendre les intérêts supérieurs de la nation ? Il existe au sein de notre pays des citoyens sénégalais disposant d’une double nationalité et qui sont par ailleurs plus patriotes que nos politiciens professionnels qui défendent cette mesure. Pourquoi demandez-vous la contribution de ressortissants étrangers dans la marche du pays alors que vous refusez ce même droit à nos compatriotes nés à l’étranger ? Certaines de nos autorités politiques défendent mieux les intérêts des puissances occidentales au détriment des intérêts intrinsèques de la société sénégalaise alors qu'elles ne connaissent que le pays et y ont fait toute leur vie ? Vous mettez en relief le degré de patriotisme afin de choisir avec partialité ceux d’entre nous qui méritent le mieux de diriger le Sénégal. Où sont l'équité et la droiture dans votre façon de gouverner ?
 
Pourquoi également permettez-vous à des citoyens sénégalais disposant de la double nationalité de pouvoir voter aux différents scrutins alors que la loi leur empêche de briguer le suffrage universel à l’élection présidentielle ? Pourquoi encore dans votre démarche politicienne donnez-vous l’opportunité à nos politiciens de la Diaspora possédant deux nationalités de devenir députés du peuple lors des prochaines élections législatives ? Beaucoup de ressortissants de pays africains limitrophes participent activement aux élections sénégalaises en raison d'une part de la porosité de nos frontières et d’autre part de la corruption généralisée dans nos administrations publiques et territoriales ? Pourquoi ne mettez-vous pas la même énergie pour protéger le suffrage universel des citoyens sénégalais ?
 
Vous devriez être conséquent avec vous-même. Nous vous demandons d'abroger cette disposition pour permettre à tous les citoyens sénégalais jouissant de leurs droits civils et politiques de pouvoir participer aux élections présidentielles. Le respect des valeurs républicaines et démocratiques repose sur le principe d’égalité des citoyens devant la loi.
masssambandiaye2012@gmail.com
 
 
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