Aminata Touré, figure de la troisième alternance sénégalaise du 24 mars 2024, a été propulsée au poste de Haut Représentant du président de la République par un décret rendu public le 27 août. Dans la foulée, elle a exprimé sa « profonde gratitude » au président Bassirou Diomaye Faye et renouvelé son « engagement entier pour l’avènement d’un Sénégal souverain, juste et prospère ». Mais cette « récompense » est-elle la meilleure qu’elle pouvait attendre de ses alliés au regard au regard, à la fois, de son apport à la chute du régime de Macky Sall et de ses états de services antérieurs dans l’appareil d’Etat sénégalais ? Devait-elle espérer « mieux » vu la qualité de ses rapports antérieurs avec l’ex opposant Ousmane Sonko devenu premier ministre ? Que dit une telle nomination de la démarche du duo de l’exécutif Faye-Sonko à l’endroit de celle qui avait perdu son poste de député de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) suite à une opposition frontale contre l’ancien regime?
Pour beaucoup d’observateurs, Aminata Touré pouvait peut-être tabler sur un poste plus prestigieux au coeur de la République. Ancienne première ministre du Sénégal, ancienne ministre de la Justice garde des Sceaux, cette ex trotskiste de la 4e Internationale devenue fonctionnaire du système des Nations unies n’aurait pas eu tort de rêver de diriger l’Assemblée nationale.
Le symbole de son intronisation en chef de file des députés Pastef et alliés en aurait été double. Il aurait consacré son retour triomphal sur les lieux du crime par lequel Macky Sall l’avait expulsée de l’hémicycle pour non subordination. Puis il aurait acté son installation dans l’arc institutionnel autour duquel tourne la démocratie sénégalaise. Et c’est peut-être là le problème.
Le poste de président de l’Assemblée nationale fait de son titulaire la seconde personnalité de l’Etat. Celle qui, immédiatement, assure la vacance du pouvoir en cas d’indisponibilité temporaire ou définitive du président de la République. Celle qui est susceptible d’assurer la transition découlant de cette « absence » et qui aurait la charge de l’organisation d’une éventuelle élection présidentielle anticipée. Les Pastéfiens supporteraient-ils qu’à un moment de leur histoire dans le pouvoir, le fondateur de leur parti Pastef soit institutionnellement placé en dessous d’une alliée politique venue rejoindre leur cause bien plus tard que leur propre engagement politique ? Ceci est une ou la raison majeure sur laquelle Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont pu s’accorder pour ne pas envoyer Aminata Touré à la tête de l’Assemblée nationale. Mais ce n’est pas la seule.
Presque cinq mois après leur arrivée au pouvoir, le président et son premier ministre doivent encore faire face à l’incertitude et casse-tête que constitue une Assemblée nationale encore dominée - mais plus pour longtemps, semble-t-il - par les députés de l’ancien pouvoir exécutif. Le projet de dissolution du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique social et environnemental (CESE) envisagé par le chef de l’Etat à partir de ce 29 août porterait lui-même les germes d’un effacement pur et simple de la 14e législature. Mais on ignore les péripéties juridiques, politiques et institutionnelles qui pourraient le retarder. Fallait-il faire attendre davantage Aminata Touré alors que la plupart des pontes politiques de la coalition Diomaye-Président sont aux affaires depuis belle lurette ?
Haut Représentant du président de la République, l’ancienne première ministre ferait également les frais de la « naïveté » originelle du duo Faye-Sonko. Dans le gouvernement formé en avril dernier, tous les ministères de souveraineté (Forces armées, Intérieur, Affaires étrangères et Justice) sauf Finances (Cheikh Diba, et encore !) sont allés à des personnalités hors de la mouvance Pastef (Birame Diop, Jean-Baptiste Tine, Yassine Fall et Ousmane Diagne).
Parce ce geste, l’exécutif estime avoir assez donné de gages d’ouverture en direction de la société civile pour décrédibiliser le principe agité d’un « Etat Pastef ». Mais les soubresauts de la vie politique sénégalaise peuvent être si déroutants. Et donc, rien ne semble totalement perdu pour celle que l’on appelle Mimi.