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Premier président de l’assemblée nationale : Lamine Coura Guèye, le "créateur" de Senghor

Dimanche 2 Juillet 2017

Il fait partie des hommes politiques sénégalais qui ont marqué leur temps. Premier président de l’Assemblée nationale du Sénégal indépendant, Lamine Coura Guèye est mort le 10 juin 1968 à l’âge de 77 ans. Élu de l’histoire, le saint-louisien né au Mali, était un modèle de patriotisme, de générosité, de don de soi et d’abnégation.


Premier président de l’assemblée nationale : Lamine Coura Guèye, le "créateur" de Senghor
Son parcours est très riche. Né le 20 septembre 1891 au Mali, Lamine Coura Guèye est le fils de Birahim Guèye, riche commerçant et membre d’une famille notable de Saint-Louis. Après des études coraniques, il entre à l’école Faidherbe de Saint-Louis où il obtient le Certificat d’études primaires, suivi du Brevet en 1907.
 
Devenu instituteur-stagiaire à l’école Duval, il aura un diplôme de droit privé en 1919 et en droit romain en 1933. Il devient du coup le premier docteur en droit de l’Afrique française avec deux diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS). C’est cet homme qui va devenir le premier président de l’Assemblée nationale du Sénégal indépendant de 1961 à 1968, année à laquelle il quitta ce bas-monde.
 
«Modèle de patriotisme, de générosité, de don de soi…»
Aujourd’hui, il est vrai que nombre de Sénégalais connaissent le nom de cet élu de l’histoire dont le lycée Lamine Guèye porte le nom, mais méconnaissent beaucoup de facettes sur sa vie et son œuvre. Le professeur Adama Baytir Diop, historien, l’a décrit avec adresse et pertinence. «Lamine Guèye était un modèle de patriotisme, de générosité, de don de soi, d’abnégation. Faisant son éloge funèbre en 1968, le Président Senghor déclarait : ‘il rassemblait en sa personne des dons et des séductions. La naissance et l’intelligence, l’aisance et la générosité, la culture et l’éloquence.»
 
Poursuivant, l’historien ajoute : «En fait, il était un grand patriote en tant qu’avocat, magistrat, homme politique, homme d’Etat. C’est lui qui, en 1945 a appelé Senghor, jeune agrégé de grammaire, à ses côtés au Sénégal pour lutter contre l’iniquité des colonialistes. Il imposa Senghor comme son colistier au sein du Bloc africain, un mouvement politique qu’il venait de créer pour briguer les deux postes de députés prévus pour deux collèges.»
 
Populaire et respecté
Durant cette période, Lamine Guèye était incontestablement l’un des hommes politiques sénégalais les plus populaires et respectés. Ce qui a été prouvé lorsque Senghor, après vingt-sept ans d’absence au pays, était fortement contesté pour être son colistier. «Par sa popularité, Lamine avait réussi à le faire élire député en 1945.
 
Il faut dire qu’après la mort du député Blaise Diagne en 1934, le jeune Senghor et d’autres étudiants sénégalais de l’époque qui étaient en France comme Birago Diop, par exemple, avaient demandé à Lamine Guèye de briguer le seul poste de député prévu pour le Sénégal afin de succéder à Blaise Diagne. Donc, Lamine Guèye avait renvoyé l’ascenseur à Senghor en le faisant venir en 1945 et en le présentant comme son colistier dans la liste des députés.»
 
Avocat des tirailleurs sénégalais
Dans la foulée, le professeur Adama Baytir Diop se veut clair lorsqu’il affirme : «Lamine Guèye, était un grand patriote car en tant qu’avocat et magistrat, en tant qu’homme politique et député, il avait toujours défendu les Noirs, les Africains. En 1944, il avait défendu les tirailleurs sénégalais lors de la minuterie de Thiaroye. En 1946, il avait fait voter à l’Assemblée nationale française la loi sur l’indigénat qui mettait fin à l’indigénat.»
 
Ce n’est pas tout. En effet, «l’année suivante, il avait fait voter aussi la loi sur l’extension de la citoyenneté.» En 1956, après quelques malentendus avec Senghor et ses amis, Lamine avait accepté la fusion de sa formation, le Parti sénégalais d’action socialiste (PSAS) avec le Bloc populaire sénégalais (BPS) de Senghor. C’était le 8 avril 1958. Ce qui donna naissance à l’Union progressiste sénégalais (UPS). Pour lui, le principe était l’unité des forces politiques dans l’Afrique occidentale française (AOF) avant l’indépendance.
 
D’ailleurs, il faut le noter, l’UPS était le grand parti qui allait faire pression sur les autorités françaises pour hâter l’indépendance. «Mais par la suite, avec le référendum du 26 septembre 1958 proposé par de Gaule, il y a eu une dissension au sein du parti du fait de l’attitude de revirement manifesté par les dirigeants de l’Ups, Senghor en tête pour accepter la nouvelle Constitution proposé par de Gaule avec la création de la communauté franco-africaine», relate le professeur Diop.
 
Il rappelle que ces désaccords avaient poussé Abdoulaye Ly, Amadou Makhtar Mbow et bien d’autres responsables politiques à créer le Parti du Regroupement Africain-Sénégal (Pra-S) en 1958. Ce qui s’est prolongé jusqu’à la création suivie de l’éclatement de la Fédération du Mali. A ce propos, M. Diop rappelle : «Lamine Guèye, lors de la création de la Fédération du Mali, avait étalé toute sa sagesse en tant que doyen d’âge des hommes politiques qui avaient créé cette fédération. En août 1960, une crise éclata.
 
Ce qui allait engendrer l’éclatement de la fédération. Lors des querelles de préséance – chacun ne voulait pas de l’autre comme président – Modibo Keïta, en dernier recours, avait pressenti Lamine Guèye comme président de la fédération. Une manière de la sauver. Mais les Sénégalais avaient déjà décidé de quitter la fédération.»
 
Des bourses d’études pour tous les bacheliers sénégalais
Le fait est assez rare et il faut bien être un homme de grande dimension sociale pour accomplir un tel geste. Maire de Dakar de 1945 à 1961, Lamine Guèye avait initié une politique d’octroi de bourse  à tous les jeunes bacheliers du Sénégal qui voulaient poursuivre leurs études en France.
 
«C’est ainsi que de nombreux jeunes partirent et revinrent diplômés de l’enseignement supérieur. Parmi eux, on peut citer Me Babacar Sèye (ancien vice-président du Conseil constitutionnel, qui mourut assassiné le 15 mai 1993), Me Doudou Thiam, Me Abdourahmane Diop et même Cheikh Anta Diop», souligne le professeur Adama Baytir Diop.

De quoi lui faire dire que «beaucoup de cadres sénégalais purent ainsi servir leur pays au moment où le Sénégal accéda à l’indépendance et à la souveraineté internationale.» C’est dire que Lamine Guèye fait inévitablement partie de la race des hommes politiques qui ont participé à construire le Sénégal. (Abdoulaye Mbow)
 
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