Le poisson se fait de plus en plus rare. Industriel et exportateur de produits halieutiques, dans quelle situation se trouve la pêche industrielle et artisanale du Sénégal ?
Le plus grand problème de la pêche, c’est la gestion de la ressource. Le produit se fait rare et cela met en difficulté toutes les entreprises de la chaine de production, des pécheurs jusqu’aux industriels qui exportent, et les consommateurs. Quand il n’y a plus de produits, il n’y a plus de ventes, plus de rentrée d’argent.
C’est cela notre problème principal. Maintenant, il reste à savoir quelles sont les causes de ce problème. A mon avis, elles sont multiples. C’est d’abord la mauvaise gestion de nos ressources et la mise en œuvre de mauvaises politiques au Sénégal. On a permis à des bateaux étrangers, à travers les licences de pêche, de venir pêcher dans nos eaux, de piller nos ressources en détruisant l’habitat des poissons. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de poissons qui ont disparu ou qui se font rares et automatiquement toutes les entreprises ou les personnes du secteur sont dans des difficultés. Cette mauvaise gestion persiste, elle est latente et c’est la faute des politiques.
Quel autre problème ?
Il y a aussi le fait de penser qu’il y a toujours une pêche traditionnelle au Sénégal alors qu’elle n’existe plus. La pêche dite artisanale a disparu. On utilise certes des pirogues mais les pêcheurs utilisent des instruments modernes. Ils peuvent aller jusqu’au Libéria et rester en mer durant 15 jours, ce n’est plus de la pêche artisanale. C’est de la pêche semi-industrielle et il faudrait que les gens le comprennent ainsi. En plus de cela, il y a les bateaux russes qui ne respectent aucunes réglementations. C’est des bateaux énormes qui font plus de 110 mètres de long, comme des terrains de football et qui font sept étages en hauteur. Ce sont des navires avec des stocks de 2000 tonnes dans leur cale, qui peuvent prendre jusqu’à 200 personnes et qui font 200 tonnes par jours. Ils brisent tout sur leur passage et, par conséquent, détruisent l’habitat des poissons. Ils raflent tout ce qui est sardinelle, pélagique, chinchard et l’exportent vers des pays comme le Nigéria.
Qu’y gagne notre pays ?
Le Sénégal n’y voit rien en termes de ressources à part des redevances qui sont des miettes au regard de ce que rapportent ces bateaux. On avait lâché 32 de ces monstres dans nos eaux du temps du Président Wade. Ils représentent plus de 200 unités à terre dans nos eaux avec 700 km de côtes. Pour moi, c’est un crime imputable en partie à l’irresponsabilité de nos dirigeants. Je peux en témoigner parce que nous industriels de la pêche, depuis que les bateaux russes sont passés, nous voyons que le poisson se fait de plus en plus rare.
A cela s’ajoute, le manque d’harmonisation de nos politiques de pêche au niveau régional. Si le Sénégal interdit certaines pêches et que celles-ci sont autorisées en Guinée Bissau, cela n’a pas trop. Si le poisson disparait, cela va être irréversible. On a vu en Sibérie des espèces qui ont disparu à cause des mauvaises pratiques. L’homme est en train de détruire son environnement, ainsi que tout ce qui pourra le nourrir, lui et sa génération. Il faut que nos gouvernements prennent conscience de cela et pour cela il faut une vraie volonté politique.
Le gouvernement actuel est-il conscient de ces enjeux ?
Quand le Président Macky Sall est arrivé au pouvoir, il n’a pas renouvelé les accords avec les bateaux russes. Ils sont partis mais j’entends dire qu’ils seraient en Guinée Bissau alors que c’est le même stock de pélagiques. Ces espèces migratrices quittent le Sénégal pour aller pondre en Guinée Bissau. Là, ils sont capturés par les Chinois ou par les Russes. Donc, la régénération des espèces n’existe pas, cela met en danger toute notre politique de pêche. En outre, la pêche illégale prospère avec des bateaux qui viennent la nuit pour pêcher et repartir.
La pêche, secteur économique et activité industrielle, est-elle suffisamment prise en charge dans le Pse ?
Je pense qu’il y a des efforts qui ont été faits mais il reste la volonté politique. De la même manière qu’on a fait des programmes pour l’autosuffisance en riz, il faudrait qu’on en fasse autant sinon plus pour la pêche. Sans le poisson, on ne parlera plus de riz au poisson, notre plat national. Il faudrait un fonds spécial pour redorer les entreprises de pêche et leur permettre d’aller vers la modernisation. Cela demande un vrai budget. Cela veut dire qu’il faut faire tout le diagnostic de la filière pêche. Il faudrait qu’on soit courageux dans ce que l’on veut. Cela suppose que les choses soient redéfinies à partir d’un langage de vérité car ce secteur est vraiment en danger. Les pécheurs doivent être conscients de cela et développer en eux et pour eux des comportements responsables, dans une gestion commune de la ressource.
Pour aboutir à quoi ?
Il faut que le mareyeur puisse avoir les moyens de valoriser ce produit, que l’exportateur puisse tirer profit de ses activités dans le milieu, que toute la chaîne en tire profit raisonnablement. Si on devait vendre le poisson à 10 euros, on le vendrait à 2 euros parce que le produit n’est pas bien traité. Il faut donc ce milieu. En même temps, il est indispensable que l’Etat aide le secteur privé national qui est dans ce secteur par rapport aux entreprises multinationales qui sont là et qui ont des subventions de leur Etat d’origine
Ne faudrait-il pas que l’Etat favorise la transformation locale des produits halieutiques ?
Absolument. C’est comme le cacao, le café et le coton. Ce ne sont pas de produits qu’on cultive en Europe mais c’est eux qui nous les vendent. Ce n’est pas normal. Nous sommes des pourvoyeurs de matières premières. Et cela doit cesser d’autant plus qu’il n’y a plus une grande abondance, c’est pourquoi, il faut aller dans le sens de la valorisation des produits locaux. Cela, seul l’Etat peut l’impulser car les banques ne suivent pas. L’Etat doit avoir ce courage de faire le diagnostic de la filière pêche et aider à moderniser les outils de travail. C’est l’Etat qui doit dire quelle pêche il veut et quelle perspective il veut donner au secteur.
C’est la gouvernance du secteur qui est ainsi posée.
C’est le problème majeur, j’en suis convaincu. Nous avons les idées mais on ne va pas jusqu’au fond des choses. On bricole finalement. De la même manière que le Président de la république a dit qu’on va atteindre l’autosuffisance en riz en 2017, j’aurai aimé qu’il dise que d’ici à 2020, il ne veut plus voir d’usine exporter des manières premières afin que les produits soient transformés localement. Pour cela, il faut une législation contraignant non seulement pour le pêcheur mais pour tous les acteurs.
Les acteurs ne semblent pas assez organisés pour contraindre l’Etat à aller dans ce sens.
Les acteurs comment à s’organiser. Je ne dirai pas qu’ils doivent s’organiser pour mettre la pression sur l’Etat. Nous nous organisons pour mieux collaborer avec l’Etat afin qu’il ait des interlocuteurs de qualité capables de lui faire des propositions. En tant qu’acteurs, nous savons ce que nous voulons, il ne faudrait pas qu’on nous ramène des projets mort-nés. Il faut que l’Etat nous écoute pour qu’on puisse faire des propositions structurantes. Et cela, nous en sommes capables. Les mareyeurs sont en train de se regrouper au tour de ma personne pour parler d’une seule voix et constituer une force de proposition politique et organisationnelle. Cela nous permettra d’avoir des représentants au niveau des instances décisionnelles, où on parlera de la pêche. Nous devons pouvoir défendre les lois qui gouvernent notre secteur d’activité. (Par Cheikh NDONG)
Le plus grand problème de la pêche, c’est la gestion de la ressource. Le produit se fait rare et cela met en difficulté toutes les entreprises de la chaine de production, des pécheurs jusqu’aux industriels qui exportent, et les consommateurs. Quand il n’y a plus de produits, il n’y a plus de ventes, plus de rentrée d’argent.
C’est cela notre problème principal. Maintenant, il reste à savoir quelles sont les causes de ce problème. A mon avis, elles sont multiples. C’est d’abord la mauvaise gestion de nos ressources et la mise en œuvre de mauvaises politiques au Sénégal. On a permis à des bateaux étrangers, à travers les licences de pêche, de venir pêcher dans nos eaux, de piller nos ressources en détruisant l’habitat des poissons. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de poissons qui ont disparu ou qui se font rares et automatiquement toutes les entreprises ou les personnes du secteur sont dans des difficultés. Cette mauvaise gestion persiste, elle est latente et c’est la faute des politiques.
Quel autre problème ?
Il y a aussi le fait de penser qu’il y a toujours une pêche traditionnelle au Sénégal alors qu’elle n’existe plus. La pêche dite artisanale a disparu. On utilise certes des pirogues mais les pêcheurs utilisent des instruments modernes. Ils peuvent aller jusqu’au Libéria et rester en mer durant 15 jours, ce n’est plus de la pêche artisanale. C’est de la pêche semi-industrielle et il faudrait que les gens le comprennent ainsi. En plus de cela, il y a les bateaux russes qui ne respectent aucunes réglementations. C’est des bateaux énormes qui font plus de 110 mètres de long, comme des terrains de football et qui font sept étages en hauteur. Ce sont des navires avec des stocks de 2000 tonnes dans leur cale, qui peuvent prendre jusqu’à 200 personnes et qui font 200 tonnes par jours. Ils brisent tout sur leur passage et, par conséquent, détruisent l’habitat des poissons. Ils raflent tout ce qui est sardinelle, pélagique, chinchard et l’exportent vers des pays comme le Nigéria.
Qu’y gagne notre pays ?
Le Sénégal n’y voit rien en termes de ressources à part des redevances qui sont des miettes au regard de ce que rapportent ces bateaux. On avait lâché 32 de ces monstres dans nos eaux du temps du Président Wade. Ils représentent plus de 200 unités à terre dans nos eaux avec 700 km de côtes. Pour moi, c’est un crime imputable en partie à l’irresponsabilité de nos dirigeants. Je peux en témoigner parce que nous industriels de la pêche, depuis que les bateaux russes sont passés, nous voyons que le poisson se fait de plus en plus rare.
A cela s’ajoute, le manque d’harmonisation de nos politiques de pêche au niveau régional. Si le Sénégal interdit certaines pêches et que celles-ci sont autorisées en Guinée Bissau, cela n’a pas trop. Si le poisson disparait, cela va être irréversible. On a vu en Sibérie des espèces qui ont disparu à cause des mauvaises pratiques. L’homme est en train de détruire son environnement, ainsi que tout ce qui pourra le nourrir, lui et sa génération. Il faut que nos gouvernements prennent conscience de cela et pour cela il faut une vraie volonté politique.
Le gouvernement actuel est-il conscient de ces enjeux ?
Quand le Président Macky Sall est arrivé au pouvoir, il n’a pas renouvelé les accords avec les bateaux russes. Ils sont partis mais j’entends dire qu’ils seraient en Guinée Bissau alors que c’est le même stock de pélagiques. Ces espèces migratrices quittent le Sénégal pour aller pondre en Guinée Bissau. Là, ils sont capturés par les Chinois ou par les Russes. Donc, la régénération des espèces n’existe pas, cela met en danger toute notre politique de pêche. En outre, la pêche illégale prospère avec des bateaux qui viennent la nuit pour pêcher et repartir.
La pêche, secteur économique et activité industrielle, est-elle suffisamment prise en charge dans le Pse ?
Je pense qu’il y a des efforts qui ont été faits mais il reste la volonté politique. De la même manière qu’on a fait des programmes pour l’autosuffisance en riz, il faudrait qu’on en fasse autant sinon plus pour la pêche. Sans le poisson, on ne parlera plus de riz au poisson, notre plat national. Il faudrait un fonds spécial pour redorer les entreprises de pêche et leur permettre d’aller vers la modernisation. Cela demande un vrai budget. Cela veut dire qu’il faut faire tout le diagnostic de la filière pêche. Il faudrait qu’on soit courageux dans ce que l’on veut. Cela suppose que les choses soient redéfinies à partir d’un langage de vérité car ce secteur est vraiment en danger. Les pécheurs doivent être conscients de cela et développer en eux et pour eux des comportements responsables, dans une gestion commune de la ressource.
Pour aboutir à quoi ?
Il faut que le mareyeur puisse avoir les moyens de valoriser ce produit, que l’exportateur puisse tirer profit de ses activités dans le milieu, que toute la chaîne en tire profit raisonnablement. Si on devait vendre le poisson à 10 euros, on le vendrait à 2 euros parce que le produit n’est pas bien traité. Il faut donc ce milieu. En même temps, il est indispensable que l’Etat aide le secteur privé national qui est dans ce secteur par rapport aux entreprises multinationales qui sont là et qui ont des subventions de leur Etat d’origine
Ne faudrait-il pas que l’Etat favorise la transformation locale des produits halieutiques ?
Absolument. C’est comme le cacao, le café et le coton. Ce ne sont pas de produits qu’on cultive en Europe mais c’est eux qui nous les vendent. Ce n’est pas normal. Nous sommes des pourvoyeurs de matières premières. Et cela doit cesser d’autant plus qu’il n’y a plus une grande abondance, c’est pourquoi, il faut aller dans le sens de la valorisation des produits locaux. Cela, seul l’Etat peut l’impulser car les banques ne suivent pas. L’Etat doit avoir ce courage de faire le diagnostic de la filière pêche et aider à moderniser les outils de travail. C’est l’Etat qui doit dire quelle pêche il veut et quelle perspective il veut donner au secteur.
C’est la gouvernance du secteur qui est ainsi posée.
C’est le problème majeur, j’en suis convaincu. Nous avons les idées mais on ne va pas jusqu’au fond des choses. On bricole finalement. De la même manière que le Président de la république a dit qu’on va atteindre l’autosuffisance en riz en 2017, j’aurai aimé qu’il dise que d’ici à 2020, il ne veut plus voir d’usine exporter des manières premières afin que les produits soient transformés localement. Pour cela, il faut une législation contraignant non seulement pour le pêcheur mais pour tous les acteurs.
Les acteurs ne semblent pas assez organisés pour contraindre l’Etat à aller dans ce sens.
Les acteurs comment à s’organiser. Je ne dirai pas qu’ils doivent s’organiser pour mettre la pression sur l’Etat. Nous nous organisons pour mieux collaborer avec l’Etat afin qu’il ait des interlocuteurs de qualité capables de lui faire des propositions. En tant qu’acteurs, nous savons ce que nous voulons, il ne faudrait pas qu’on nous ramène des projets mort-nés. Il faut que l’Etat nous écoute pour qu’on puisse faire des propositions structurantes. Et cela, nous en sommes capables. Les mareyeurs sont en train de se regrouper au tour de ma personne pour parler d’une seule voix et constituer une force de proposition politique et organisationnelle. Cela nous permettra d’avoir des représentants au niveau des instances décisionnelles, où on parlera de la pêche. Nous devons pouvoir défendre les lois qui gouvernent notre secteur d’activité. (Par Cheikh NDONG)