Par Adama Gaye (journaliste & consultant)
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, affirmait dans un temps ancien le philosophe Héraclite d'Ephèse, et le présent, avec le déferlement des vagues, tel un tsunami, le confirme a posteriori dans son diagnostic.
Dans ce que j'appelle la techtonique des plaques, portée par les nouvelles technologies de l'information et la multidirectionnalité de l'information surgissant tous azimuts sans passer par le filtre des experts de naguère, nul n'est à l'abri d'une erreur d'appréciation sur la magnitude et la rapidité des moments qui semblent agir sur nos vies, conditionnent nos quotidiens et orientent nos réflexions, notre vécu.
Arrêtons-nous un instant et distinguons ce qui doit l'être dans cette furie déstabilisatrice dont l'humanité, ici notre pays, est le réceptacle, dépassé. Sans aller loin, on peut retenir:
- les détournements qui valent au maire de Dakar son arrestation, pendant que ses acolytes, notamment des collaborateurs bureaucratiques et des affairistes, y compris libano-sénégalais, tremblent de toutes leurs...poches;
- la virée politicienne d'un président perdu par la lourdeur de sa charge autant que par les assauts de zélés opportunistes, de cyniques multi-transhumants ou néo-politiciens, et d'alliés ou partisans incapables de dépasser la quête pour la satisfaction de leurs petits intérêts, quitte à participer au meurtre d'une nation dont le corps saigne abondamment, davantage que le flot des verbes, adverbes et adjectifs déversés sur les tréteaux électoralistes;
- une opposition écartelée entre trahison, passé sulfureux, criminel, et une incapacité à soumettre une offre alternative pour tirer le pays de ce qui ressemble à une intenable impasse.
En scrutant le ciel sénégalais à partir de Pékin, où je viens de participer à une importante conférence restreinte sur la protection des intérêts de la Chine, des USA et de l'Afrique dans la trilatérale qui les unit, le sentiment que je ressens est que notre pays va à vau-l'eau.
Et c'était prévisible. Car sa classe politique, vénale et frappée de vacuité, ne contrôle plus rien tandis que des forces obscures, attirées par le gain, sans souci du devenir de la nation s'en pourlèchent les babines, trop heureuses de la pousser dans le vide, peu importe ce qu'il en coutera à la masse.
Les soupapes de sécurité, religieuses, intellectuelles ou sociales ont sauté. Parce qu'il ne pouvait en être autrement dans un contexte de rapide paupérisation généralisée. Vouloir être sage dans une foule de fous, comme le décommande un proverbe peulh, n'est pas avisé.
C'est donc le temps des gladiateurs, dans un Sénégal hobbesien, ou l'anarchie, malgré les discours du procureur, du président, de ses partisans et pourfendeurs, est devenue l'expression d'une explosive anomie...
Le mal du Sénégal, c'est l'évidence, relève d'une contradiction: ayant longtemps fait figure de parangon de la démocratie et de chantre des libertés, sur tous les fronts, il se trouve désormais dépassé par les espaces, les boulevards, qui ont découlé de leur matérialisation, fruit de longs combats patriotiques.
Ce que l'on constate, sous ce rapport, c'est le fait qu'un peuple immature, irresponsable, intellectuellement déclassé, en retard de modernisme, incapable de transcender les aspirations individuelles pour s'aligner sur des valeurs et vertus supérieures, relevant de ce que les juristes appellent le jus cogens, est un peuple inscrit dans la course vers sa malédiction.
Le phénomène s'accentue quand ses dirigeants pris dans la tourmente de la quincaillerie matérialiste n'intègrent pas l'histoire, la grande histoire dans leur perspective. Oui, il faut immédiatement réussir -Tekki, en wolof, preuve d'une pauvreté des néo-idéologies politiques. D'autres, plus crus, l'expriment en empruntant la même langue nationale pour dire qu'il faut dominer ses rivaux -tiim sayy noon!
Quand le peuple et ses élites encore capables refusent de voir la houle qui monte, pour se refugier derrière des explications métaphysiques, soutenir les voleurs, d'hier et d'aujourd'hui, se tromper sciemment dans ses choix électoraux en refusant d'être rigoureux, ou faire montre d'une résistance aux efforts seuls à même de favoriser ce retour urgent aux fondamentaux, pour recréer la nation, on peut dire que la chute ne peut qu'être inéluctable.
La grande question est de savoir si nous sommes aptes à faire cette ascèse douloureuse sans laquelle le renouveau sénégalais, devenu impératif, restera une vue de l'esprit.
Nous en sommes loin. Alors, dans le fatras de nouvelles qui ont secoué notre environnement, ces derniers jours, qu'il me soit permis, pour sortir de la sinistrose, d'en citer une digne de rester dans les annales.
C'est cette journée du 8 mars, celle des femmes, qui est devenue, avec celle contre le Sida, celle de l'Afrique, et celle contre le...cancer, l'un des marqueurs profonds de notre vécu. Parce que l'autre moitié démographique de la planète, avec sa version nationale, est longtemps restée les mains liées, et que dans notre pays la gent féminine compte le moins de corrompus et d'irresponsables, je veux ici saluer les femmes sénégalaises. En déposant à leurs pieds, un énorme bouquet de fleurs, remplis de roses.
Des chrysanthèmes sont venus rappeler que nos malheurs terrestres ne sont pas qu'humaines. La faucheuse a encore fait des siennes, en emportant la belle fille de Moustapha Niasse, trop jeune, brillante et belle, que je ne connaissais pas, le talentueux guitariste Cheikh Tidiane Tall, et un jeune doctorant marocain, assassiné à la fleur de l'âge, sans compter les dizaines de victimes de nos routes.
L'eau d'Héraclite -Panta Rei, disait-il, coule encore. Toujours plus vite. Il faut lui donner du sens, en réordonnant nos priorités. Substance, avez-vous dit?
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, affirmait dans un temps ancien le philosophe Héraclite d'Ephèse, et le présent, avec le déferlement des vagues, tel un tsunami, le confirme a posteriori dans son diagnostic.
Dans ce que j'appelle la techtonique des plaques, portée par les nouvelles technologies de l'information et la multidirectionnalité de l'information surgissant tous azimuts sans passer par le filtre des experts de naguère, nul n'est à l'abri d'une erreur d'appréciation sur la magnitude et la rapidité des moments qui semblent agir sur nos vies, conditionnent nos quotidiens et orientent nos réflexions, notre vécu.
Arrêtons-nous un instant et distinguons ce qui doit l'être dans cette furie déstabilisatrice dont l'humanité, ici notre pays, est le réceptacle, dépassé. Sans aller loin, on peut retenir:
- les détournements qui valent au maire de Dakar son arrestation, pendant que ses acolytes, notamment des collaborateurs bureaucratiques et des affairistes, y compris libano-sénégalais, tremblent de toutes leurs...poches;
- la virée politicienne d'un président perdu par la lourdeur de sa charge autant que par les assauts de zélés opportunistes, de cyniques multi-transhumants ou néo-politiciens, et d'alliés ou partisans incapables de dépasser la quête pour la satisfaction de leurs petits intérêts, quitte à participer au meurtre d'une nation dont le corps saigne abondamment, davantage que le flot des verbes, adverbes et adjectifs déversés sur les tréteaux électoralistes;
- une opposition écartelée entre trahison, passé sulfureux, criminel, et une incapacité à soumettre une offre alternative pour tirer le pays de ce qui ressemble à une intenable impasse.
En scrutant le ciel sénégalais à partir de Pékin, où je viens de participer à une importante conférence restreinte sur la protection des intérêts de la Chine, des USA et de l'Afrique dans la trilatérale qui les unit, le sentiment que je ressens est que notre pays va à vau-l'eau.
Et c'était prévisible. Car sa classe politique, vénale et frappée de vacuité, ne contrôle plus rien tandis que des forces obscures, attirées par le gain, sans souci du devenir de la nation s'en pourlèchent les babines, trop heureuses de la pousser dans le vide, peu importe ce qu'il en coutera à la masse.
Les soupapes de sécurité, religieuses, intellectuelles ou sociales ont sauté. Parce qu'il ne pouvait en être autrement dans un contexte de rapide paupérisation généralisée. Vouloir être sage dans une foule de fous, comme le décommande un proverbe peulh, n'est pas avisé.
C'est donc le temps des gladiateurs, dans un Sénégal hobbesien, ou l'anarchie, malgré les discours du procureur, du président, de ses partisans et pourfendeurs, est devenue l'expression d'une explosive anomie...
Le mal du Sénégal, c'est l'évidence, relève d'une contradiction: ayant longtemps fait figure de parangon de la démocratie et de chantre des libertés, sur tous les fronts, il se trouve désormais dépassé par les espaces, les boulevards, qui ont découlé de leur matérialisation, fruit de longs combats patriotiques.
Ce que l'on constate, sous ce rapport, c'est le fait qu'un peuple immature, irresponsable, intellectuellement déclassé, en retard de modernisme, incapable de transcender les aspirations individuelles pour s'aligner sur des valeurs et vertus supérieures, relevant de ce que les juristes appellent le jus cogens, est un peuple inscrit dans la course vers sa malédiction.
Le phénomène s'accentue quand ses dirigeants pris dans la tourmente de la quincaillerie matérialiste n'intègrent pas l'histoire, la grande histoire dans leur perspective. Oui, il faut immédiatement réussir -Tekki, en wolof, preuve d'une pauvreté des néo-idéologies politiques. D'autres, plus crus, l'expriment en empruntant la même langue nationale pour dire qu'il faut dominer ses rivaux -tiim sayy noon!
Quand le peuple et ses élites encore capables refusent de voir la houle qui monte, pour se refugier derrière des explications métaphysiques, soutenir les voleurs, d'hier et d'aujourd'hui, se tromper sciemment dans ses choix électoraux en refusant d'être rigoureux, ou faire montre d'une résistance aux efforts seuls à même de favoriser ce retour urgent aux fondamentaux, pour recréer la nation, on peut dire que la chute ne peut qu'être inéluctable.
La grande question est de savoir si nous sommes aptes à faire cette ascèse douloureuse sans laquelle le renouveau sénégalais, devenu impératif, restera une vue de l'esprit.
Nous en sommes loin. Alors, dans le fatras de nouvelles qui ont secoué notre environnement, ces derniers jours, qu'il me soit permis, pour sortir de la sinistrose, d'en citer une digne de rester dans les annales.
C'est cette journée du 8 mars, celle des femmes, qui est devenue, avec celle contre le Sida, celle de l'Afrique, et celle contre le...cancer, l'un des marqueurs profonds de notre vécu. Parce que l'autre moitié démographique de la planète, avec sa version nationale, est longtemps restée les mains liées, et que dans notre pays la gent féminine compte le moins de corrompus et d'irresponsables, je veux ici saluer les femmes sénégalaises. En déposant à leurs pieds, un énorme bouquet de fleurs, remplis de roses.
Des chrysanthèmes sont venus rappeler que nos malheurs terrestres ne sont pas qu'humaines. La faucheuse a encore fait des siennes, en emportant la belle fille de Moustapha Niasse, trop jeune, brillante et belle, que je ne connaissais pas, le talentueux guitariste Cheikh Tidiane Tall, et un jeune doctorant marocain, assassiné à la fleur de l'âge, sans compter les dizaines de victimes de nos routes.
L'eau d'Héraclite -Panta Rei, disait-il, coule encore. Toujours plus vite. Il faut lui donner du sens, en réordonnant nos priorités. Substance, avez-vous dit?