L’Union des magistrats sénégalais a rejeté toute présence de membres non magistrat dans le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). C’est la position exprimée par son président, Ousmane Chimère Diouf, en assemblée générale le 10 août à Dakar devant les plus hautes autorités judiciaires du pays. Pour le patron de l’UMS, « la possibilité de voir des personnes ayant une coloration politique ou défendant des intérêts particuliers siéger en conseil relève de l’évidence ». Or, l’engagement politique partisan et la promotion d’intérêts particuliers sont « deux choses interdites aux magistrats ».
En fin mai début juin 2024, les pouvoirs publics ont organisé des assises inclusives portant sur des réformes dans le fonctionnement de la justice. Ainsi, plusieurs propositions ont été faites dont celle visant l’ouverture du CSM à des personnalités extérieures au corps des magistrats.
Le Conseil supérieur de la magistrature est l’organe statutaire en charge de la gestion de la carrière des magistrats, en termes de sanctions et d’avancement en particulier. Il est composé de 19 magistrats et de 2 membres du pouvoir exécutif que sont le président de la République - qui en assure la présidence - et le ministre de la Justice - qui en est le vice-président.
Selon Ousmane Chimère Diouf, outre le « subjectivisme » tapi dans l’argumentaire des « théoriciens » de l’ouverture du CSM à d’autres couches professionnelles, il y a « un amalgame » qui serait entretenu à dessein entre l’administration quotidienne de la justice par des fonctionnaires qui ne sont pas toujours des magistrats et la magistrature en tant que telle.
C’est de « l’agitation médiatique », a dénoncé Diouf qui repose le débat sous une autre forme en faisant la distinction « entre le juridique se disant de choses propres au droit et le judiciaire relatif à l’application de la loi ».
« Tout juriste, quel que soit son niveau, n’est ni juge, ni procureur tant qu’il n’aura pas reçu la formation » qui en fait un juge ou un procureur « après avoir réussi au concours d’entrée au centre de formation judiciaire et franchi l’étape de l’examen de sortie », rappelle-t-il.
Ousmane Chimère Diouf, président de l'Union des magistrats sénégalais (UMS)
Contrairement aux députés qui sont considérés comme les représentants du peuple à l’assemblée nationale, « le Conseil supérieur de la magistrature ne peut en aucun cas être un reflet de la société », souligne le président du l’UMS. « Le risque de voir des lobbies être à l’origine d’une proposition ou d’un soutien de candidat à un poste n’est pas à écarter », prévient-il.
Sur le registre de l’étonnement, le président de l’Union des magistrats sénégalais souligne la curiosité qu’il y a à considérer que les juges d’une république bâtie sur des lois et des procédures « aussi complexes les unes que les autres », garants des droits et libertés constitutionnels mais aussi de l’intégrité de tous les scrutins, sont incapables « d’assurer (eux-mêmes), dans la transparence, la gestion de leurs carrières ».
Il appelle ses collègues à s’interroger « sur la qualité de ceux qui (…) parlent au nom du peuple sans aucun mandat », mais aussi sur « ceux qui sont supposés siéger au Conseil sans être magistrat, pour représenter qui et pour apporter quelle plus-value ».