La semaine dernière, les membres du parlement tanzanien ont unanimement appelé le gouvernement du pays à ne pas signer l’Accord de partenariat économique (APE) négocié entre l’UE et les États membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), soulignant pour bon nombre d’entre eux ses implications potentiellement négatives pour la stratégie d’industrialisation de la Tanzanie si l’accord était signé dans sa forme actuelle.
Le vote du parlement avait été précédé d’une session d’information, au cours de laquelle trois universitaires (Palamagamba Kabudi, Ng'waza Kamatta et John Jingu, tous trois de l’université de Dar es Salaam) avaient prévenu les parlementaires que cet accord risquait d’avoir des conséquences néfastes pour l’économie du pays. Ces trois spécialistes avaient été mandatés par le Ministère de l’industrie, du commerce et de l’investissement pour évaluer les conséquences de l’APE.
Les parlementaires du parti au pouvoir comme ceux de l’opposition ont appelé le gouvernement tanzanien à renégocier les termes de l’accord pour assurer une meilleure protection des industries nationales.
Quelques uns d’entre eux ont également exprimé la crainte qu’un rejet de l’accord ait un impact négatif sur les flux d’aide et la coopération pour le développement entre l’UE et les pays de la CAE.
« Certes, nous rejetons cet accord parce qu’il est mauvais pour notre économie, mais dans quelle mesure sommes-nous prêts à en assumer les conséquences ? Je propose que nous commencions à nous préparer sans tarder et que dans le prochain budget, nous allouions des fonds pour la réalisation des projets de développement actuellement financés par l’UE », a déclaré Saada Mkuya du parti Chama Cha Mapinduzi au pouvoir, qui est également une ancienne ministre des finances.
Malgré le vote consultatif négatif du parlement, le gouvernement tanzanien a toujours la possibilité de signer l’accord, comme l’a récemment souligné Roeland van de Geer, ambassadeur de l’UE auprès de la Tanzanie et de la CAE. « Un sommet de la CAE est prévu en janvier et cette question sera évoquée. J’espère qu’ils parviendront à un consensus. Nous ne pouvons pas procéder en l’absence de certains pays », a-t-il indiqué.
La CAE et l’UE avaient conclu les négociations de l’APE en octobre 2014, sept and après leur lancement en 2007. L’accord devait être signé en juillet 2016 en marge de la quatorzième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED 14), mais la signature avait été repoussée après que la Tanzanie ait exprimé le souhait d’un délai supplémentaire pour examiner le contenu de l’APE et évaluer ses répercussions économiques potentielles.
À cette date, l’Ouganda avait également annoncé qu’il reporterait la signature de l’APE jusqu’à ce que tous les membres de la CAE (à l’exception du Sud-Soudan, qui n’était pas impliqué dans le processus) soient parvenus à une position commune.
En septembre dernier, un sommet extraordinaire des chefs d’État de la CAE n’avait pas réussi à parvenir à un tel consensus, les pays membres décidant de repousser une nouvelle fois leur décision sur l’APE jusqu’en janvier 2017 pour permettre des discussions supplémentaires.
« Nous nous sommes donnés trois mois pour examiner plus avant la signature de l’APE et nous nous réunirons en janvier 2017 sur cette question. Nous ne manquerons pas de nous mettre d’accord et je pense qu’en tant que bloc régional, la solution à laquelle nous parviendrons sera bénéfique pour l’ensemble des parties », avait déclaré John Magufuli, président de la Tanzanie et de la CAE, lors du sommet.
La date butoir de signature et ratification de l’APE pour les membres de la CAE était le 1er octobre 2016. Le Kenya – seul pays de la région à ne pas faire partie des pays les moins avancés – avait manifesté de sérieuses craintes, avertissant que si les pays de la CAE ne signaient pas l’accord dans les délais, les exportations du pays risquaient d’être fortement pénalisées, car les conditions d’accès au marché de l’UE se détérioreraient de manière significative.
Bien que cette date butoir ait maintenant été dépassée, le Kenya a été en mesure de conserver ses préférences, l’UE ayant accepté de prolonger les conditions de marché ouvertes pour les exportateurs kenyans après que le Kenya ait signé l’APE fin août. Le Rwanda a lui-aussi signé l’accord en septembre.
« Nous avons l’espoir que tout le monde se ralliera à l’accord et qu’au lieu d’avoir seulement un accès partiel à l’UE, nous bénéficierons d’un accord beaucoup plus complet présentant des avantages d’infrastructure de développement résultant de sa signature », avait déclaré le ministre kenyan de l’industrie, du commerce et des coopératives Adan Mohamed, s’exprimant fin septembre sur la prolongation.
Avec le vote des parlementaires tanzaniens de la semaine dernière, la perspective d’une signature de l’APE par l’ensemble de la CAE semble s’amincir encore plus. Il est maintenant prévu que les dirigeants est-africains évoquent cette question lors d’un sommet de la CAE organisé en janvier. (Ictsd.org)