Ils étaient parmi les magistrats les plus controversés sous le régime de l’ancien président Macky Sall. Ils ont joué des rôles capitaux dans l’exacerbation des tensions politiques au Sénégal entre 2021 et 2024, mais aussi dans la répression féroce contre les opposants, activistes et simples citoyens. L’opinion attendait avec impatience le sort qu’il leur serait réservé après la chute de l’ancien régime à la présidentielle du 24 mars 2024. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), instance suprême de gestion de la carrière des magistrats, a tranché en sa séance du 9 août 2024.
Oumar Maham Diallo, le magistrat des mandats de dépôt pour opposants
Puissant procureur de la République près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Abdou Karim Diop n’est plus qu’avocat général près la cour d’appel de Tambacounda. De même que Mamadou Seck, célèbre juge du 2e cabinet de la même juridiction. Oumar Maham Diallo, le troisième homme de la bande, est défenestré du prestigieux poste de doyen des juges d’instruction pour une présidence de chambre à la cour d’appel de Tambacounda.
L’affection à Tambacounda de ces trois magistrats ressemble fort à une sanction pour trois icônes « mackysards » qui ont été au coeur de la répression des années de braise. Leur regroupement dans une même juridiction située à plus de 500 km de Dakar laisserait croire à la reconstitution d’une « association de malfaiteurs » que le pouvoir tenait à éloigner des « scènes de crimes » (la capitale surtout).
Mamadou Seck, l'autre juge qui emprisonnait plus vite que son ombre
A eux trois, avec le concours de la police et de la gendarmerie, ils envoyé en prison plusieurs milliers de jeunes sénégalais, la quasi totalité sans jugement, avec des détentions longues et douloureuses dont certaines ont duré un an ou plus.
Deux autres magistrats du système judiciaire répressif de Macky Sall, quoique laissés à Dakar, ont été relégués au purgatoire de l’Administration centrale du ministère de la Justice.
Le premier est Amady Diouf. Il était Premier président de la cour d’appel de Dakar et prédécesseur d’Abdou Karim Diop comme procureur de la République. C’est lui le précurseur des machinations politiciennes relatives aux « forces occultes » et « forces spéciales » à partir desquelles ont été menées les premières vagues d’arrestations contre les opposants, en particulier ceux du parti Pastef. Le second est Ibrahima Bakhoum, désormais ex-procureur général près la cour d’appel et rouage essentiel de la répression mackyste. A ce poste, il a été remplacé par Mbacké Fall, l'expérimenté magistrat qui a dirigé le parquet des Chambres africaines extraordinaires (CAE) lors du procès de Hissein Habré, l'ancien et défunt président du Tchad, en 2015 à Dakar.