Le Mali a rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine. Selon le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition, Kiev assume son soutien à « l’agression caractérisée du Mali » dans les combats qui ont eu lieu du 25 au 27 juillet 2024 à Tinzaouatène près de Kidal entre les Forces armées maliennes (FAMa) et une coalition de rebelles touaregs et de groupes djihadistes de la mouvance al-Qaïda. Pour Bamako, l’ambassadeur ukrainien à Dakar Yurii Pyvovarov et le porte-parole du Renseignement Andriy Yusov ont reconnu avoir transmis des informations de terrain aux rebelles avant les affrontements de Tinzaouatène. Pyvovarov a été convoqué et sermonné par la cheffe de la diplomatie sénégalaise le 3 août. Apres un long silence, Kiev a daigné démentir mais sans vraiment convaincre.
Depuis le 24 février 2022, l’Ukraine et ses dirigeants vivent avec le statut lucratif d’un pays victime d’une agression russe - « opération militaire », selon Moscou - qui l’a jetée dans les bras du bloc occidental. Ses ressortissants sont accueillis dans l’espace de l’Union européenne (UE) et mis dans des conditions dignes de réfugiés de luxe. Une posture qui semble la transformer peu à peu en protectorat euraméricain aux frontières de l’ennemi russe ou - au minimum - en un dispositif avancé de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le gigantisme de l’aide militaire, financière et économique décrétée pour Kiev par Washington et imposée à tous les alliés, sous-tendue par un puissant soutien politique dans tous les cénacles internationaux d’influence, est jugé sans commune mesure depuis la fin de la guerre froide. Un autre Israël en voie de consolidation sur le sol européen pour, surtout, tailler des croupières à l’ex ‘’grand-frère’’ slave devenu ennemi irréductible.
Le pays de l’ex comédien Volodymyr Zelensky, encore sous perfusion générale des bailleurs occidentaux, entretient en Afrique de l’Ouest une curieuse diplomatie. Les fondements de celle-ci paraissent contradictoires au principe de non violation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de chaque pays, principe sur lequel l’Ukraine s’est appuyée pour faire punir la Russie de diverses manières par l’Union européenne (UE), les Etats-Unis et leurs alliés. Cette diplomatie fonctionne sous une doctrine substantiellement utilitariste : les ennemis de mes ennemis sont mes amis. D’où le soutien affirmé aux « rebelles-terroristes » que combattent les FAMa qui, elles-mêmes, sont appuyées par des troupes russes. Pour Kiev, tous les moyens sont légitimes dès lors qu’il s’agit de faire payer à Moscou l’occupation et l’annexion d’une partie de ce qu’elle considère comme son foyer national, même en avouant fièrement un soutien à des « terroristes » contre un pays indépendant.
Du reste, les Ukrainiens n’en sont pas à leurs premières incartades ouest-africaines. Au début de la guerre avec la Russie, ils ont publiquement lancé un programme de recrutement de mercenaires sénégalais sur le site internet de leur ambassade à Dakar, sous l’égide du même ambassadeur, Yurii Pyvovarov. C’est la fermeté de l’ancien régime qui a fait capoter une initiative qui a pu être déroulée de manière clandestine, selon diverses sources. Ont-ils procédé ainsi quand il s’est agi de recruter des mercenaires européens et américains ? Rien n’est moins sûr.
Au fil des opérations sur le front de la guerre contre la Russie, l’Ukraine s’est taillée un costume d’ingérence un peu trop large pour ses épaules de pays « occupé ». Sa plongée audacieuse dans les affaires intérieures du Mali la place de fait, selon Bamako, dans le cartel des « puissances étrangères » qui déstabilisent le Mali. L’Ukraine en fait-elle partie ? Bamako n’en doute plus, de même que Ouagadougou. Dakar est sur une ligne de prudence, se contentant pour le moment d’un (simple) rappel à l’ordre qui semble agacer les autorités maliennes.
Aujourd’hui, l’Ukraine est devenue un Etat satellite du bloc occidental. Son soutien inconditionnel au génocide israélien contre les civils palestiniens dans le ghetto de Gaza la rend de facto compatible avec le vagabondage diplomatique des Etats-Unis et de l’Union européenne contre les principes fondamentaux du droit international, contre les décisions de la Cour pénale internationale (CPI) et de la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye. Le soutien inattendu de son ambassadeur au Sénégal aux « terroristes » en guerre contre le Mali présage peut-être d’un engagement plus fort de Kiev dans le bourbier du Sahel où les Occidentaux ont tendance a être dégagés par des régimes dits progressistes.