Verrouillage des organes de contrôle et de lutte contre la corruption, vassalisation des institutions au rang de faire-valoir républicain, conduite solitaire des grands projets exécutés en entente directe avec des entreprises minutieusement choisies, restriction à pas feutrée des libertés publiques, caporalisation des médias publics et des ex-combattants de la presse privée… La méthode Macky Sall prospère et transforme la république en un ersatz de royaume au service d’intérêts pas forcément collectifs.
(Momar Dieng)
Il faut avoir les yeux fermés pour ne rien remarquer car même les aveugles le voient. L’autoritarisme du président de la république ne s’embarrasse plus de fioritures, il est de plus en plus débridé, de plus en plus offensif, de moins en moins complexé. Le débat sur ce virage inattendu de la gouvernance de Macky Sall a été posé entre ces lignes il y a quelques jours (voir Nouvel Hebdo n°13) car l’évidence de sa conversion rampante à une dictature de type sahélien sautait aux yeux. Et pas seulement au cours des dernières semaines !
Le drame aujourd’hui, c’est que tout s’emballe du fait de la nouvelle posture radicale dans laquelle le chef de l’Etat voudrait s’acclimater et s’affirmer après une période d’apprentissage avec ses opposants et avec une frange importante de l’opinion qui ne se reconnait ouvertement ni dans ses orientations ni dans ses méthodes d’administration de l’Etat et du pays.
L’Etat-Sall-Apr tend à devenir une réalité politique à la fois tangible et quelque peu artificielle qui prend de l’embonpoint grâce à l’accaparement massif de tous les leviers du pays. Ce qui permet cette dérive d’intolérances froides, c’est l’affaissement net des contre-pouvoirs institutionnels, politiques et traditionnels qui opposaient des limites frein à la boulimie de l’Exécutif. L’assemblée nationale n’est plus qu’un monstre difforme dont la plupart des membres devraient avoir honte d’aller percevoir salaires et avantages en contrepartie du formidable travail législatif qu’ils accomplissent au service du peuple sénégalais !
Ce qui devait constituer le garant fondamental de la vitalité démocratique dans notre pays, la Magistrature, se retrouve totalement impuissant à changer le cours de l’histoire, écrasé par un pouvoir impitoyable. La presse fouineuse et professionnelle qui a combattu Abdoulaye Wade jusqu’à sa chute – avec raison – a rangé les armes pour on ne sait quel motif, comme essoufflée par une décennie d’opposition médiatique, bienveillante face à toutes les frasques du régime qui s’étalent sous ses yeux. Les corps et organes de contrôle font comme à leur habitude : production de rapports sans suite. Et pour cause, le levier judiciaire ne lève le doigt que sur ordre…
Le cas de l’Ofnac est symptomatique de cette tendance vers un contrôle absolu des initiatives qui peuvent venir des centres de décision. La suspension brutale des missions de Nafi Ngom, au-delà de la controverse liée à sa date de prise de fonction et des prérogatives de nomination du chef de l’Etat, témoigne de l’attitude désormais impériale de Macky Sall par rapport aux sujets sensibles qui menacent sa tranquillité. En propulsant une vieille connaissance, la magistrate Seynabou Ndiaye Diakhaté, à la tête de l’organe chargé de luter contre la corruption au Sénégal, le chef de l’Etat annonce clairement la couleur : l’affaire Petro-Tim n’ira pas plus loin que les auditions déjà faites, et les dossiers parvenus à l’autorité judiciaire devront être réduits en cendres.
Le roi Sall prend de plus en plus goût aux oukases. «Le danger, c’est s’il s’aperçoit que l’autoritarisme a du bon, qu’il s’y complaise e qu’il installe le pays dans une atmosphère pareille», avertissait Mame Less Camara. On y est ! Le président sénégalais a la conviction qu’il peut tout se permettre sans en subir les conséquences. Les faits lui donnent malheureusement raison : le pays est comme tétanisé par sa volonté de puissance. Les supplétifs politiques (Ps, Afp, Pit, Ld et consorts) qui lui servent de marchepied sont à la marge du pouvoir. Quant à l’opposition, «Il faut qu’elle subisse ma politique», disait-il il n’y a pas si longtemps.
Dans cette mutation à pas de charge du comportement présidentiel, la famille intervient, directement ou indirectement. Elle est au cœur des institutions, comme le caricaturiste ODIA du quotidien «La Tribune» l’a magistralement représenté en quelques coups de crayon. Un frère (Aliou Sall) maire de Guédiawaye et président de l’association des maires du Sénégal (AMS), un oncle (Abdoulaye Timbo) maire de Pikine, un beau-père (Abdourahmane Seck Homère) président du conseil départemental de Rufisque et PCA du Petrosen… En plus de la personnalité intrinsèque de la Première dame.
«La famille constitue (…) une sorte d’instance de monitoring, de surveillance de l’opinion qui dit au Président quels sont les défauts que lui reconnaissent les populations et comment y remédier», expliquait Mame Less Camara. «Et si l’on perçoit qu’il y a dans l’attitude des populations beaucoup d’inquiétudes sur les capacités du chef de l’Etat à incarner l’autorité à la tête du pays, alors quelqu’un le lui dira d’une manière ou d’une autre, en plaisantant ou en l’attirant dans un coin.»
(Momar Dieng)
Il faut avoir les yeux fermés pour ne rien remarquer car même les aveugles le voient. L’autoritarisme du président de la république ne s’embarrasse plus de fioritures, il est de plus en plus débridé, de plus en plus offensif, de moins en moins complexé. Le débat sur ce virage inattendu de la gouvernance de Macky Sall a été posé entre ces lignes il y a quelques jours (voir Nouvel Hebdo n°13) car l’évidence de sa conversion rampante à une dictature de type sahélien sautait aux yeux. Et pas seulement au cours des dernières semaines !
Le drame aujourd’hui, c’est que tout s’emballe du fait de la nouvelle posture radicale dans laquelle le chef de l’Etat voudrait s’acclimater et s’affirmer après une période d’apprentissage avec ses opposants et avec une frange importante de l’opinion qui ne se reconnait ouvertement ni dans ses orientations ni dans ses méthodes d’administration de l’Etat et du pays.
L’Etat-Sall-Apr tend à devenir une réalité politique à la fois tangible et quelque peu artificielle qui prend de l’embonpoint grâce à l’accaparement massif de tous les leviers du pays. Ce qui permet cette dérive d’intolérances froides, c’est l’affaissement net des contre-pouvoirs institutionnels, politiques et traditionnels qui opposaient des limites frein à la boulimie de l’Exécutif. L’assemblée nationale n’est plus qu’un monstre difforme dont la plupart des membres devraient avoir honte d’aller percevoir salaires et avantages en contrepartie du formidable travail législatif qu’ils accomplissent au service du peuple sénégalais !
Ce qui devait constituer le garant fondamental de la vitalité démocratique dans notre pays, la Magistrature, se retrouve totalement impuissant à changer le cours de l’histoire, écrasé par un pouvoir impitoyable. La presse fouineuse et professionnelle qui a combattu Abdoulaye Wade jusqu’à sa chute – avec raison – a rangé les armes pour on ne sait quel motif, comme essoufflée par une décennie d’opposition médiatique, bienveillante face à toutes les frasques du régime qui s’étalent sous ses yeux. Les corps et organes de contrôle font comme à leur habitude : production de rapports sans suite. Et pour cause, le levier judiciaire ne lève le doigt que sur ordre…
Le cas de l’Ofnac est symptomatique de cette tendance vers un contrôle absolu des initiatives qui peuvent venir des centres de décision. La suspension brutale des missions de Nafi Ngom, au-delà de la controverse liée à sa date de prise de fonction et des prérogatives de nomination du chef de l’Etat, témoigne de l’attitude désormais impériale de Macky Sall par rapport aux sujets sensibles qui menacent sa tranquillité. En propulsant une vieille connaissance, la magistrate Seynabou Ndiaye Diakhaté, à la tête de l’organe chargé de luter contre la corruption au Sénégal, le chef de l’Etat annonce clairement la couleur : l’affaire Petro-Tim n’ira pas plus loin que les auditions déjà faites, et les dossiers parvenus à l’autorité judiciaire devront être réduits en cendres.
Le roi Sall prend de plus en plus goût aux oukases. «Le danger, c’est s’il s’aperçoit que l’autoritarisme a du bon, qu’il s’y complaise e qu’il installe le pays dans une atmosphère pareille», avertissait Mame Less Camara. On y est ! Le président sénégalais a la conviction qu’il peut tout se permettre sans en subir les conséquences. Les faits lui donnent malheureusement raison : le pays est comme tétanisé par sa volonté de puissance. Les supplétifs politiques (Ps, Afp, Pit, Ld et consorts) qui lui servent de marchepied sont à la marge du pouvoir. Quant à l’opposition, «Il faut qu’elle subisse ma politique», disait-il il n’y a pas si longtemps.
Dans cette mutation à pas de charge du comportement présidentiel, la famille intervient, directement ou indirectement. Elle est au cœur des institutions, comme le caricaturiste ODIA du quotidien «La Tribune» l’a magistralement représenté en quelques coups de crayon. Un frère (Aliou Sall) maire de Guédiawaye et président de l’association des maires du Sénégal (AMS), un oncle (Abdoulaye Timbo) maire de Pikine, un beau-père (Abdourahmane Seck Homère) président du conseil départemental de Rufisque et PCA du Petrosen… En plus de la personnalité intrinsèque de la Première dame.
«La famille constitue (…) une sorte d’instance de monitoring, de surveillance de l’opinion qui dit au Président quels sont les défauts que lui reconnaissent les populations et comment y remédier», expliquait Mame Less Camara. «Et si l’on perçoit qu’il y a dans l’attitude des populations beaucoup d’inquiétudes sur les capacités du chef de l’Etat à incarner l’autorité à la tête du pays, alors quelqu’un le lui dira d’une manière ou d’une autre, en plaisantant ou en l’attirant dans un coin.»