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Une déclaration de revenus annuelle à la place d’une déclaration de patrimoine (Par Lamine Touré)

Samedi 4 Janvier 2025

Le président Diomaye Faye peu avant son discours du 31 décembre 2024
Le président Diomaye Faye peu avant son discours du 31 décembre 2024

L’annonce du Président de la République, lors de son discours du nouvel an, relative à l’instauration d’un système généralisé de déclaration de patrimoine pour les agents de la fonction publique traduit un engagement ferme et résolu de lutter contre toutes formes de corruption ou de concussion dans l’administration. Elle démontre ainsi une volonté manifeste de faire de la reddition des comptes un mode de gestion et de gouvernance sous son magistère.

 

Toutefois, en l’état actuel de notre législation, un tel mécanisme trouve ses limites dans son champ d’application concernant les personnes visées mais surtout les périodes cibles.

 

En effet, la loi régissant la déclaration de patrimoine stipule : « les personnes mentionnées à l'article 2 de la présente loi doivent, dans les trois mois qui suivent leur nomination, formuler une déclaration certifiée sur l'honneur, exacte et sincère de leur situation patrimoniale concernant notamment leurs biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 380 du code de la famille. Ces biens sont estimés à la date du fait générateur de la déclaration, comme en matière de droit de mutation à titre gratuit. La même obligation est applicable dans les trois mois qui suivent la cessation des fonctions, pour cause autre que le décès. Toutefois, aucune nouvelle déclaration n'est exigée de l'assujetti qui aura établi depuis moins de six mois, une déclaration de sa situation patrimoniale dans les conditions prévues par la présente loi. » (Nos soulignements).

 

En l’espèce, la déclaration de patrimoine se fait au début et à la fin (autre que le décès) de la fonction du particulier assujetti, autant dire donc, à l’entrée en fonction et à la retraite pour la plupart des fonctionnaires.

 

Si, au demeurant, la volonté du Président de la République est d’élargir cette déclaration à l’ensemble des agents de la fonction publique, on peut légitimement craindre que la portée générale d’une telle mesure ne dilue les objectifs en matière de reddition de compte. Or l’exercice de reddition se doit d’être continuel. 

 

Notre conviction demeure que la déclaration de revenus annuelle reste le moyen le plus efficace qui, en plus d’établir les revenus gagnés permettant, à chaque contribuable d’apporter sa “contribution citoyenne” par l’impôt peut également servir à déterminer le patrimoine du particulier assujetti.

 

Il s’y ajoute qu’avec le système d’autocotisation obligatoire, l’administration fiscale disposera de tous les leviers pour s’assurer, en aval, que les contribuables déclarent correctement leurs revenus imposables et que les employeurs publics comme privés ont adéquatement retenu et versé les montants dus au Trésor public et aux organismes sociaux. Ce procédé, tout en réduisant les fraudes fiscales et autres dissimulations, contribuent à l'émergence d’une conscience citoyenne dans la mesure où chaque contribuable aura l’assurance du devoir accompli.

L’autre avantage de la déclaration de revenus annuelle, et non des moindres, est qu’elle permettra aux particuliers potentiels donneurs de zakat ou contributeurs au WAQF de bénéficier d’incitatifs fiscaux sous forme de crédit d’impôt ou de déduction à même leurs déclarations. Certes le Code Général des Impôts prévoit des mécanismes de déduction pour dons de charité, cependant, leur applicabilité reste un enjeu majeur, surtout pour les particuliers autres que les personnes morales.

 

Qui plus est, les pouvoirs publics pourront assujettir certains programmes sociaux à la déclaration de revenus en identifiant ceux dont le revenu est en deçà du seuil critique et asseoir ainsi la politique de réduction de la pauvreté.

 

Ce n’est certes pas gagné d’avance, surtout dans une société où le rapport avec l’argent est parfois nébuleux et où le simple fait de déclarer sa paye mensuelle ou ses revenus d’entreprise reste un tabou. 

 

Il est quand-même heureux de constater un intérêt croissant des  populations sur les questions relatives au respect des obligations fiscales.  Cette adhésion  sera d’autant plus facilitée et concrétisée que les contribuables verront le fruit de leurs impôts dans leur vie quotidienne en termes de prise en charge de leurs besoins communs et d’investissement dans les infrastructures routières, scolaires et hospitalières notamment. 

 

Avec l’instauration du système de déclaration de revenus annuelle, tout le monde y gagne et on se passerait de plusieurs organismes de contrôle et de lutte contre l’enrichissement illicite ; la déclaration de patrimoine serait juste érigée en règle d’exception.

 

Lamine Touré

Montréal

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