PARIS (Reuters) - La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, revient à la charge, samedi dans Le Monde, contre la commission d'enquête du Sénat sur l'affaire Benalla en mettant en garde contre "le mélange des genres et la confusion des pouvoirs".
La convocation d'Alexandre Benalla, le 19 septembre, devant la commission des Lois de la haute assemblée - constituée en commission d'enquête en juillet après la révélation des agissements de l'ex-chargé de mission de l'Elysée en marge de la manifestation parisienne du 1er-Mai - a ravivé la polémique politique autour de ce dossier embarrassant pour l'exécutif.
La garde des Sceaux s'est attiré une vive réplique du président de la commission, Philippe Bas (Les Républicains), mais aussi du Syndicat de la magistrature, en justifiant lundi dernier le refus d'Alexandre Benalla de se rendre devant les sénateurs. "Il ne peut pas y avoir d'interférences entre la commission d'enquête et l'information judiciaire", avait-elle déclaré en marge d'un déplacement.
Philippe Bas, notamment, s'était étonné de ce que la ministre se comporte en "conseil de M.Benalla".
"Au-delà des postures, du sensationnalisme et des jeux politiques, cet épisode éruptif et confus me semble être l’occasion de revenir sur le fonctionnement de notre Etat de droit, ainsi que sur les principes fondamentaux qui en sont le soubassement (...) la séparation des pouvoirs et la garantie des droits", souligne Nicole Belloubet dans une tribune publiée samedi dans Le Monde.
"Le champ d’intervention des commissions d’enquête n’est pas indéterminé. (...) Le président de la République, distinct constitutionnellement du gouvernement – et tout ce qui touche à la fonction présidentielle –, ne saurait faire l’objet d’une commission d’enquête", poursuit-elle alors que la majorité accuse l'opposition sénatoriale de chercher à atteindre Emmanuel Macron.
"Par ailleurs, ajoute la ministre, le principe de séparation des pouvoirs interdit également au Parlement d’empiéter sur le domaine judiciaire." "Une immixtion du pouvoir exécutif dans une procédure judiciaire serait choquante. De la part du Parlement, elle ne le serait pas moins", estime-t-elle.
Alexandre Benalla doit être entendu le 28 septembre par les juges chargés de l'enquête sur les violences du 1er-Mai. Il a été mis en examen en juillet pour "violences en réunion", "détournement d'images issues d'un système de vidéo-protection" et "violation du secret professionnel".
"Il faut rappeler que les personnes mises en examen peuvent, devant leurs juges, opter pour le système de défense de leur choix, qui comprend la possibilité de se taire", précise Nicole Belloubet.
"Les contraindre à comparaître sous serment devant une commission parlementaire pourrait être regardé comme constituant une atteinte à leur droit de garder le silence", juge-t-elle.
"Se conformer à ces principes, et plus encore les protéger, est le meilleur moyen d’éviter le mélange des genres et la confusion des pouvoirs", conclut-elle.