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Afrique – La diplomatie préventive, une solution contre des opérations de maintien de la paix discréditées et inefficaces ?

Vendredi 7 Octobre 2022

Alors que les opérations de maintien de la paix (OMP) fleurissent sur le continent, leur efficacité et, en fin de compte, leur utilité, se trouvent remises en cause par de nombreux experts militaires et par des politiques. Dans une synergie rare, ils proposent un plus grand recours à la diplomatie préventive pour court-circuiter des conflits de plus en plus complexes.


 
Les opérations de maintien de la paix (OMP) en Afrique sous l’égide des Nations-Unies ont atteint leurs limites comme outil de sécurité collective. Le Général Babacar Gaye, ancien chef de la Minusca (Centrafrique), n’y est pas allé de main morte pour faire le constat de l’impuissance de plus en plus nette des casques bleus de l’Onu présents sur des théâtres d’opérations du continent africain.
 
« Les nouvelles conflictualités qui émergent d’un peu partout mettent en lumière les faiblesses des OMP » dans la prise en charge de leur propre sécurité et de celle des populations civiles, a indiqué l’ex chef d’Etat major général des armées sénégalaises. Il intervenait comme panéliste au « Déjeuner  des éditorialistes » organisé le 6 octobre par le ministère des Affaires étrangères en prélude au 8e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique prévu les 24 et 25 octobre prochains au Centre de conférence international de Diamniadio (Cicad).
 
Une gouvernance tripolaire comme facteur de blocage
 
Selon le Général Gaye, le manque d’efficacité et la perte de crédibilité des opérations de maintien de la paix en Afrique résultent de plusieurs facteurs concomitants : l’inaction des Casques bleus en cas de menace alors que le Chapitre 7 de la Charte des Nations-Unies leur permet d’avoir un mandat robuste encadré par des règles d’engagement établies, l’aversion aux risques dans la chaîne de commandement, le rétrécissement du champ politique dû à la non application d’accords de paix entre belligérants, les limites fixées par les Etats à leurs contingents militaires sur un théâtre d’opérations étranger.
 
D’autre part, la gouvernance tripolaire qui caractérise le principe opérationnel du maintien de la paix constitue un lourd processus dans lequel le Conseil de sécurité, les Etats membres et le Secrétariat général de l’Onu ne parviennent pas toujours à trouver des consensus autour des missions onusiennes.
 
Cette situation rend précaires les conditions de succès sur le terrain, exposant également les militaires sous engagement, soutient le Général Gaye. Les récents événements survenus dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) ont démontré la distorsion entre les populations civiles et la Monusco (Mission de l’Onu pour la stabilisation en RDC).
 
Pour sortir de cette impasse, l’ex-patron de la Minusca centrafricaine appelle à une mobilisation des 152 Etats qui ont adopté la déclaration d’engagement, l’utilisation de la forcé létale pour la prévention et la consolidation de la paix, l’amélioration des moyens opérationnels des OMP et une autorité politique plus affirmée.  
 
Une volonté politique déficiente
 
Chef de la Minusma pour le Mali, El Ghassim Wane semble bien placé pour apprécier les inquiétudes du Général Babacar Gaye. « Les opérations de maintien de la paix ne peuvent réussir que si certaines conditions politiques sont réunies », a-t-il souligné au cours du panel. Décrivant une « situation politique complexe » au Mali, en particulier à cause de dispositions fondamentales non encore mises en œuvre dans le cadre de l’Accord d’Alger, M. Wane a mis en exergue l’inadéquation entre les défis à relever et missions assignées à la Minusma, et les moyens mis à leur disposition dans un pays de 1,240 millions km2.
 
« Une mission qui ne peut assurer sa propre protection ne peut pas protéger les populations civiles », a lâché le Représentant du secrétaire général des Nations-Unies.
 
Dans son exposé, El Ghassim Wane a fait l’historique des opérations de maintien de la paix dites limitées initiées aux premières années post indépendance par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) jusqu’aux missions déployées par l’Union africaine (UA) après sa naissance à partir de 2002, avec ou sans le soutien financier des Nations-Unies.
 
Pour le chef de la Minusma, le volontarisme de l’Union africaine a sécrété une forme de modernisation du processus de prise en charge de certaines missions avec des outils adaptés aux différentes situations. Sa capacité à financer ces missions grâce à des contributions volontaires est à saluer, mais la volonté politique des Etats reste à affirmer pour que la question du financement soit réglée. A titre d’exemple, El Ghassim Wane révèle que l’UA a mobilisé 279 millions de dollars alors que la Minusma a un besoin budgétaire de 1,3 milliards de dollars pour l’année 2022. « Ce n’est pas insignifiant mais ça reste insuffisant », indique-t-il.
 
Diplomatie préventive
 
Si le principe du leadership africain sur les champs d’opération africains reste un beau principe, les opérations de maintien de la paix en Afrique restent, hier comme aujourd’hui, financées par des acteurs extérieurs au continent. D’où l’urgence d’investir en profondeur et avec efficacité dans la prévention des conflits car autant la Cédéao que l’Union africaine disposent de formidables outils pour juguler les crises qui naissent et qui finissent pas devenir endémiques.
 
Réinventer « la diplomatie préventive » est le credo du Commissaires aux Affaires politiques de la Cédéao, mais il faut la replacer dans son véritable contexte. Selon Abdel-Fatau Musuah, la démocratie est très souvent réduite à des élections, l’Etat rétrécit, volontairement ou contraint, son champ d’intervention, laissant des portions entières de territoires à des forces occultes ou identifiées, s’émeut le diplomate nigérian.
 
« Or, la gouvernance est justement un contrat social entre gouvernement et populations. » Concrètement, sur les trois coups d’Etat survenus en Afrique de l’Ouest entre 2020 et 2022, un seul, celui intervenu en Guinée, est imputable à la manipulation de la Constitution par l’ex président Alpha Condé, souligne Abdel-Fatau Musuah.
 
Ouvrant le « Déjeuner des éditorialistes », Aïssata Tall Sall a replacé le tout dans le contexte du Forum de Dakar dont le thème est « L’Afrique à l’épreuve des chocs exogènes : défis de stabilité et de souverainetés. »
 
Au regard des résultats nés des interventions de l’Onu en Afrique et dans le monde, « nous devons nous arrêter », a-t-elle suggéré. « Quels regards les opinions africaines jettent-elles sur ces interventions » dans un continent qui accueille 6 des 12 missions de maintien de la paix à travers le monde ? Pour la chef de la diplomatie sénégalaise, la question du rapport que les opinions africaines entretiennent avec les OMP sur le continent est « une problématique à poser sur la table en concertation avec les Nations-Unies. »
 
Mais en phase avec les autres membres du panel, Aïssata Tall Sall estime que, dans tous les cas, la diplomatie préventive doit finir par prévaloir sur les opérations de maintien de la paix. Cette direction est d’autant plus souhaitable que, a-t-elle reconnu, le financement des OMP par des parties extérieures à l’Afrique implique un phénomène de dépendance duquel les Etats africains peinent à s’extirper. « L’alpha et l’oméga de l’intervention étrangère, c’est de l’ingérence. »
 
 
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