La démocratie « a vaincu » : le président brésilien Lula a appelé mercredi à une « défense intransigeante » des institutions, deux ans après les émeutes de Brasilia qui avaient vu des partisans de son prédécesseur Jair Bolsonaro saccager les lieux de pouvoir.
« C’est le moment de dire haut et fort : nous sommes toujours là ! », a scandé Luiz Inacio Lula da Silva, au cours d’une cérémonie au palais présidentiel de Planalto, qui avait été vandalisé pendant les violences du 8 janvier 2023.
La formule n’a pas été choisie au hasard. C’est une référence au film brésilien Je suis toujours là (version originale : Ainda Estou Aqui) du réalisateur Walter Salles, qui retrace les années de plomb de la dictature militaire (1964-1985) et a valu un Golden Globe dimanche dernier à son actrice principale, Fernanda Torres.
« Si nous sommes toujours là, c’est parce que la démocratie a vaincu », a martelé Lula.
Il y a deux ans, une semaine après l’investiture du président de gauche, des milliers de sympathisants d’extrême droite avaient envahi et saccagé les bâtiments abritant la présidence, la Cour suprême et le Parlement, situés sur l’emblématique place des Trois-Pouvoirs.
Ils réclamaient une intervention militaire pour déloger du pouvoir Lula, qui avait obtenu son troisième mandat en battant Jair Bolsonaro au second tour, au terme d’un scrutin ultra-polarisé.
Ces scènes avaient rappelé l’assaut aux États-Unis du Capitole par des partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021.
« Inimaginable »
Au cours d’une cérémonie symbolique en présence de Lula mercredi, ont été officiellement réincorporées au patrimoine public 21 œuvres d’art qui avaient dû être restaurées après avoir été endommagées pendant les émeutes.
Parmi ces œuvres, Les mulâtresses, une toile d’Emiliano Di Cavalcanti, un des maîtres du modernisme brésilien, qui avait été abîmée à coups de couteau au moment de l’invasion du Planalto.
Une horloge datant du XVIIe siècle signée Balthazar Martinot, horloger du roi de France Louis XIV, a également réintégré la collection présidentielle. Elle a dû être réparée en Suisse après avoir été jetée à terre par un émeutier.
Le 8 janvier 2023 a été « une aberration, quelque chose d’inimaginable, ça m’a vraiment fait mal au cœur », a confié à l’AFP Shirley Altoe, une enseignante sympathisante de Lula présente à la cérémonie.
La sécurité a été fortement renforcée mercredi autour de la place des Trois-Pouvoirs, entourée de barrières et survolée par un hélicoptère.
En novembre, un homme s’est fait exploser devant la Cour suprême, un incident considéré par les autorités comme un « acte terroriste » manqué, quelques jours avant le sommet du G20 à Rio de Janeiro.
« Punir » les responsables
À ce jour, 371 personnes ont été condamnées pour leur implication dans les émeutes du 8 janvier 2023 à Brasilia, qu’elles y aient pris part directement, qu’elles les aient financées ou qu’elles en aient été à l’origine.
Jair Bolsonaro est ciblé par une enquête en tant qu’instigateur supposé des émeutes. Par ailleurs, le parquet doit décider prochainement s’il le poursuit ou non pour son implication dans un présumé projet de « coup d’État » afin de se maintenir au pouvoir après le scrutin de 2022.
« Les responsables du 8 janvier doivent faire l’objet d’enquêtes et être punis », a lancé Lula, dont c’était le premier évènement public d’importance depuis son hospitalisation d’urgence en décembre pour une hémorragie près du cerveau.
« Ils devront tous payer pour les crimes qu’ils ont commis, y compris ceux qui ont planifié l’assassinat du président, du vice-président de la République et du président du Tribunal supérieur électoral », a-t-il ajouté.
Une allusion à un projet de triple assassinat évoqué par un rapport de police dans l’enquête sur le présumé projet de « coup d’État ».
Intitulé « Opération Poignard vert et jaune » (les couleurs du drapeau brésilien), ce plan devait, selon les enquêteurs, être mis à exécution par des membres des forces spéciales de l’armée, après la victoire électorale de Lula fin octobre 2022 et avant son investiture le 1er janvier 2023.
Le camp Bolsonaro rejette les accusations et essaie de pousser au Parlement à accorder une « amnistie ».
Le président brésilien a par ailleurs assuré dans son discours qu’il comptait « défendre la liberté d’expression », mais sans tolérer « le discours de haine et les fausses informations ».
Ces propos prennent une résonance particulière au lendemain de l’annonce de l’arrêt du programme de fact-checking de Meta aux États-Unis. [AFP]